À Meudon, des activistes contre le comblement de carrières historiques

Les militants se sont positionnés devant le chantier, à Meudon, le 16 septembre. - © Nnoman / Reporterre
Durée de lecture : 6 minutes
Luttes Grands projets inutilesLes militants de la colline Rodin de Meudon ont bloqué le chantier de comblement des carrières, vendredi 16 septembre. Ils défendent le patrimoine des sous-sols, ainsi que la biodiversité présente à la surface.
Meudon (Hauts-de-Seine), reportage
C’est la première étape d’un grand projet immobilier qui va bétonner l’une des dernières collines en friche proche de Paris. Depuis plusieurs jours, les travaux de comblement de la carrière Arnaudet à Meudon (Hauts-de-Seine) ont commencé. Cela fait des années que des collectifs de riverains, d’associations environnementales et du patrimoine s’opposent à la disparition de ce site historique classé, comme Reporterre vous l’avait déjà raconté.
Malgré plusieurs manifestations et des recours juridiques, les militants n’ont pas obtenu gain de cause et ont décidé d’organiser une action de blocage du chantier vendredi 16 septembre. « Nous sommes tristes de devoir participer à une action illégale mais face au mutisme des autorités nous n’avons pas d’autre choix », dit François, l’un des militants.

Il est neuf heures du matin, une vingtaine de personnes sont réunies dans un joli jardin de Meudon. Les militants sont un peu serrés et tentent d’éviter de piétiner des plants de courges ou des tomates à peine mûres. Nous sommes sur les hauteurs de la colline Rodin, baptisée en l’honneur du célèbre sculpteur dont le musée est à deux pas. Au loin, on voit la forêt qui a poussé sur la friche au-dessus de la carrière Arnaudet, dont les kilomètres de galeries sont en train d’être comblés.
En attendant le départ de l’action, les activistes grignotent de la tarte aux pommes ou des madeleines, et boivent du café. Ils écoutent avec attention les consignes de sécurité et conseils juridiques. Beaucoup sont des jeunes membres d’Extinction Rebellion (XR) venus prêter main forte aux riverains qui s’opposent depuis de nombreuses années aux travaux de comblement.

Cela fait plusieurs jours que les militants surveillent le ballet incessant des camions qui apportent des déblais de chantier entre 10 h et 17 h pour combler les carrières. « Un véhicule toutes les trois minutes ; sur une route trop étroite pour qu’ils puissent se croiser : Imaginez la pollution et le bruit », raconte Magdalena, l’une des militantes historique de cette lutte.
Changement de plans
Hélas ce matin, aucun camion à l’horizon. L’entreprise a dû être prévenue de l’action. Le groupe change alors ses plans et décide quand même de lancer le blocage. Certains enfilent des combinaisons blanches « en mode Ende Gelände », rigole une militante. Ils descendent ensuite jusqu’à l’entrée du chantier en passant par une friche où la nature a repris ses droits.

Plusieurs militants ont pénétré sur le chantier dont Nicos [*]. L’homme est immédiatement parti rassurer les ouvriers présents : « Nous protestons symboliquement et nous sommes non-violents, nous n’allons pas faire n’importe quoi. » « Ok, il n’y a pas de soucis avec votre action, mais on ne peut pas vous laisser ici pour des raisons de sécurité donc on va devoir appeler la police », répond le chef de chantier. Il expliquera plus tard qu’il comprend que les militants « défendent une cause » mais qu’il ne peut rien faire pour eux. « Nous on est juste exécutants. »

Certains ont décidé de taguer les containeurs du chantier à l’instar de Sophie [*], membre d’Extinction Rebellion et du collectif Dernière rénovation. Comme ses camarades, elle a été informée sur les conséquences juridiques du blocage.
« On a toujours la même appréhension avant une action, car les gardes à vue, c’est épuisant physiquement et moralement. » Cela fait une année qu’elle milite. Une manière pour elle de combler son impuissance face à la crise climatique. « J’ai besoin de sens et d’un sentiment d’appartenance. Le militantisme permet aussi de rencontrer des gens hyper courageux. »

Les militants déplorent l’urbanisation du quartier et la destruction d’une colline redevenue sauvage. « Certes, ces carrières sont importantes, mais il faut surtout globaliser, garder des espaces verts en ville. C’est un réel enjeu après tout ce que nous avons vécu cet été. Et ce lieu de biodiversité incroyable va être remplacé par des immeubles et un parc à la pelouse bien tondue et quelques arbres qui se battent en duel », déplore Nicos.

Voici l’une des galeries d’entrée des carrières Arnaudet. Soit huit kilomètres de boyaux taillés dans une roche blanche et humide, un calcaire argileux qui servait au siècle dernier à fabriquer des peintures, des produits ménagers ou encore les craies des écoliers.
28 000 m² bientôt bétonnés ?
Cela fait plus de 40 ans que les maires successifs souhaitent les combler, officiellement pour des raisons de sécurité. Mais les militants estiment qu’il s’agit d’une première étape avant une opération immobilière de luxe qui va bétonner l’ensemble des 28 000 m² du site. La colline a en effet été sélectionnée pour le projet IMGP3 du Grand Paris.

Magdalena déplore les pressions subies depuis qu’elle a commencé son combat. « Je fais partie d’une association qui aide les familles précaires et j’ai un local sur la colline. Lorsque la mairie l’a découvert, elle nous a envoyé une lettre recommandée pour que l’association quitte les locaux. On a aussi rempli ma boîte aux lettres de terre. »

Olga est une habitante de Meudon et se bat depuis des années pour préserver ce patrimoine. Un engagement qui lui vaut de nombreuses pressions. « Le maire tente de me faire passer pour une folle afin de décrédibiliser mes propos », soupire-t-elle.
Elle explique que le géologue Vincent Maury s’est inquiété du comblement du site. « Les vibrations des camions et l’apport de la terre peut déstabiliser les carrières et toute la colline. L’équilibre hydraulique est aussi bouleversé car les drains naturels vont être bouchés. L’eau n’aura plus d’espace pour s’écouler naturellement. Elle va être sous pression et cela peut causer des dégâts. »

Les forces de police sont arrivées sur place environ 30 minutes après le début de l’action. « Les policiers sont venus nous voir pour savoir si on allait rester longtemps. On leur a dit que c’était avant tout une action médiatique sans confrontation, et que ce n’était pas la peine d’aller chercher leur disqueuse », raconte Fidélio [*], 30 ans, membre d’XR qui s’est accroché le cou à la grille d’entrée du chantier avec un antivol de vélo.
Les policiers sont repartis après avoir pris son identité et celle des autres personnes accrochées aux grilles. Un peu à l’écart de la mobilisation, deux fonctionnaires de la mairie, accusée par les militants d’avoir décidé le comblement, discutent à voix basse. Ils ont refusé de s’exprimer sur le sujet, arguant de leur « devoir de réserve ».