Après Roland-Garros, des écolos bloquent une route à Paris

Le pont de Neuilly bloqué par des activistes de Dernière rénovation, le 11 juin 2022. - © Amélie Quentel/Reporterre
Le pont de Neuilly bloqué par des activistes de Dernière rénovation, le 11 juin 2022. - © Amélie Quentel/Reporterre
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LuttesQuelques jours après avoir interrompu Roland-Garros, les militants du collectif écologiste Dernière rénovation ont bloqué la circulation sur le pont de Neuilly, le 11 juin. Objectif : pousser l’État à lancer une rénovation énergétique de tous les bâtiments.
Pont de Neuilly (Hauts-de-Seine), reportage
« J’espère que vous raconterez les conditions dans lesquelles a eu lieu cette discussion ! » Nourr, 64 ans, semble être de ces personnes qui, en toute situation, ne perdent ni leur flegme ni leur sens de l’humour : la retraitée nous parle alors qu’au même moment, un policier la retient contre un plot en béton. Elle sera ensuite embarquée par les forces de l’ordre. Quelques minutes plus tôt, elle était assise au milieu du pont de Neuilly, aux côtés de ses camarades de Dernière rénovation.
Samedi 11 juin, à partir de 11 h 30, une dizaine de membres de ce collectif écologiste a bloqué pendant une heure la circulation sur cette route. La circulation a été complètement arrêtée pendant trente minutes, avant qu’une voie ne soit ensuite ouverte. Depuis avril, Dernière rénovation multiplie les actions, comme en interrompant le tournoi de Roland-Garros, afin de réclamer une loi sur la rénovation énergétique des bâtiments.
Outre un immense embouteillage, cette nouvelle action a aussi provoqué de l’agacement, voire la fureur de certains automobilistes : avant l’arrivée de la police, plusieurs personnes, visiblement peu intéressées par les tracts distribués par quelques activistes, sont sorties de leur voiture pour tenter de déloger les militants assis au milieu de la chaussée, le tout dans une ambiance extrêmement tendue. « Je suis médecin, j’ai besoin de passer, vous vous en foutez ? » lance par exemple un homme visiblement excédé, suivi peu de temps après par un policier : « Ça ne sert à rien ce que vous faites, à part emmerder le monde, comme d’hab’. »

Des paroles qui n’ont pas ébranlé la détermination et le calme des écologistes. Une fois délogés, parfois de façon très brusque, ils sont revenus en silence s’asseoir devant la longue file de véhicules. « Ils sont très courageux. Je rêve de voir tout le pays bloqué par des jeunes de 20 ans », a déclaré le réalisateur Yann Arthus-Bertrand, venu filmer l’action.
« Il faut pousser le gouvernement à agir »
« Ça ne nous fait pas plaisir de faire ça, on est désolé d’embêter les gens. Mais on est obligé de le faire : on a multiplié les marches, les pétitions, sans se faire entendre. Il faut pousser le gouvernement à agir », dit Renan, un étudiant de 22 ans. Il rappelle que 12 millions de Français sont en situation de précarité énergétique, et que 5 millions d’entre eux vivent dans des passoires thermiques. Avec deux autres militants, le jeune homme a collé une de ses mains au bitume à l’aide de superglue, à quelques centimètres des roues d’un véhicule à l’arrêt. « Je suis terrifié de faire ça, précise-t-il, gilet orange sur le dos. Mais dans vingt ans, je ne veux pas dire à mes enfants que je savais pour le désastre écologique en cours, et que je n’ai rien fait. »
En France, 20 % des émissions de gaz à effet de serre proviennent du secteur résidentiel ou tertiaire. « On est contraint d’entrer en résistance civile. Il nous reste très peu de temps pour agir, dit Sasha, 22 ans. Tant que Macron ne bougera pas, on répétera chaque semaine nos blocages. On lance un appel à nos futurs députés afin qu’ils s’engagent pour la rénovation énergétique des bâtiments avant 2040. »

Le tout en intégrant une logique de justice sociale : au même titre que la Convention citoyenne pour le climat, Dernière rénovation réclame que l’État prenne en charge l’intégralité des travaux pour les foyers les plus démunis. « Si on isole mieux les logements, tout le monde y gagne : cela fera baisser les émissions de CO2 tout en permettant de réduire la facture de gaz et d’électricité des Français, qui vivront en outre dans de meilleures conditions — d’autant que les passoires thermiques provoquent certaines maladies », développe Sasha, le regard tourné vers la route.
C’est que, une heure après le début de l’action, les trois militants qui ont collé leur main au bitume sont toujours assis sur l’asphalte, alors que les voitures ont recommencé à rouler à côté d’eux. Détachés par les pompiers à l’aide de dissolvant, ils ont été emmenés au commissariat de Neuilly, comme les autres activistes interpellés avant eux. Après 19 heures de garde à vue, sept d’entre eux ont été libérés le 12 juin, à 11 heures ; les deux derniers un peu plus tard dans la journée.