À Montreuil, foire d’empoigne autour des Murs à pêches

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Nature Luttes MunicipalesLes Murs à pêches, un « écrin de nature » à Montreuil, près de Paris, sont menacés, estiment les auteurs de cette tribune. Ils s’opposent à un projet de cession de parcelles publiques à un promoteur privé, Bouygues. Mais la mairie répond que le terrain n’est pas à vendre.
À Montreuil, en Seine-Saint-Denis, les Murs à pêches, ce sont 35 hectares de nature en ville à moins de trois kilomètres de Paris. Site historique, on y a cultivé pendant des siècles des fruits sur les murs, surtout des pêches, au point que la ville a longtemps été un labyrinthe de jardins... Ceci jusqu’à l’arrivée du chemin de fer et de fruits venus du sud de la France. Cet écrin de nature est menacé par la prédation des promoteurs et des politiques locaux.
Jardinage, activités pédagogiques, spectacles, préservation, expositions et même parfois des fêtes : ce bouillonnement d’activités, animé par la Fédération qui réunit quinze associations, est une chance incroyable pour la population de cette banlieue de l’Est si urbanisée et polluée. Chaque jour, nous voyons de nouvelles personnes tomber amoureuses du site et venir nous aider — vous aussi, n’hésitez pas à nous contacter si vous êtes du coin).

Pourtant à Montreuil, ville qu’on présente comme acquise à la gauche et à l’écologie, nos politiques ignorent l’importance d’avoir ce poumon vert en son cœur. En 2015, nous avons découvert que la mairie communiste portait un projet de bétonnage : le projet EIF, issu de l’appel à projet Inventons la métropole du Grand Paris.
La ville entend céder la propriété de parcelles publiques au promoteur privé qui remporterait le marché
L’idée peut paraître séduisante : rénover une vieille usine polluée [l’acronyme Espaces imaginaires fertiles fait référence à l’ancienne usine de peausserie EIF] pour y développer un pôle d’activité d’économie sociale et solidaire, avec un hôtel, un restaurant, des jardins ouverts à tous.
Problème ? La ville s’est accordée avec l’État et la Région pour céder la propriété de parcelles publiques au promoteur privé qui remporterait le marché. Pire, le promoteur retenu a été Bouygues, qui se dit « contraint » de construire 83 logements dans les Murs à pêches pour « équilibrer » le budget de l’opération. Et comme si ce n’était pas suffisant, les élus nous expliquent qu’il s’agit là d’un projet-pilote qu’ils souhaitent reconduire. Faute d’argent, vendre semble être devenu le seul moyen de « sauver les Murs à pêches ».
Mais les Murs à pêches font face à bien d’autres difficultés. Pollution des sols, grignotage systématique du site naturel, construction prochaine d’un garage à tramway (pour une ligne qui devait relier Bobigny à Fontenay-sous-Bois, et qui finalement — faute de budget — s’arrêtera dans les Murs à pêches)... Il n’est pas simple de résister aux attaques des bétonneurs et de rester un espace naturel aux portes de Paris.
Dès 2018, nous nous sommes mobilisé.es, une pétition a été lancée contre le projet EIF et a obtenu 8.000 signatures et en juin, plusieurs milliers de personnes ont manifesté devant la mairie. Nous attendons toujours une réponse du maire de Montreuil.

Certes, la Préfecture a repris nos arguments et a contraint le promoteur et la ville à réaliser une étude d’impact environnemental du projet, mais depuis, le projet EIF a disparu de tous les radars. Sur le site des projets Inventons la métropole du Grand Paris, vous ne le trouverez ni dans les projets en cours, ni dans les projets abandonnés, il a été mis sous le tapis.
Pour mettre le sujet des Murs à Pêches, bien commun de la ville, au cœur des élections municipales, nous avons mobilisé le 1er février plus de 200 personnes à une flashmob contre le projet EIF, grâce au soutien de SuperLocal et Extinction Rebellion Montreuil.
Que penser du vote, trois jours plus tard, par la communauté de commune Est-ensemble, du modificatif du [PLUI|plan local d’urbanisme intercommunal] validant le passage des deux hectares concernés par le projet EIF de zone naturelle à zone urbanisable ? À un mois des municipales, cette décision a été votée au mépris des citoyens qui attendent des candidat.es un minimum de démocratie !
Il existe des alternatives au bétonnage systématique de nos espaces naturels
Nous attendons désormais que les candidat.es se prononcent sur notre Pacte ! Cinq propositions qui nous paraissent essentielles pour défendre l’avenir des Murs à pêches.
Nous les avons adressées à l’ensemble des candidat.es aux élections municipales. Certain.es nous ont déjà répondu, nous les en remercions. Dans l’attente des derniers retours, nous invitons d’ores et déjà les candidat.es à venir débattre et présenter leur programme pour les Murs à pêches lors d’une réunion publique, le 7 mars prochain à 17 h, à la salle AERI.
À l’approche des municipales, mais aussi après ces élections, nous vous invitons à vous mobiliser contre les « grands projets inutiles » près de chez vous, car, oui, il existe des alternatives au bétonnage systématique de nos espaces naturels. Dans notre cas, il s’agirait d’un véritable travail de coconstruction, avec les associations de l’usine et les acteurs et actrices du site, d’un autre projet, respectueux du paysage et du caractère public du site et visant la transition écologique.
Nous en sommes convaincus, la privatisation de la ville et de ses espaces naturels ne peut constituer une réponse à la lutte contre le réchauffement climatique. Il nous paraît désormais essentiel d’associer les usager.es et les citoyen.nes concerné.es à ces prises de décisions d’aménagement de nos villes. Plein d’espoir, mais surtout très déterminé.es, nous savons que les Murs à pêches peuvent constituer un modèle pour que demain la nature trouve sa place et se développe dans nos villes.
Pour faire exister et préserver les biens communs de nos territoires, rejoignez ou créez un groupe SuperLocal chez vous. Solidairement !
LEs MURs À PÊCHES NE SONT PAS À VENDRE !
Jean-Charles Nègre, conseiller municipal de Montreuil délégué à la mission pour l’avenir des Murs à pêches, vice-président d’Est Ensemble, délégué à l’aménagement durable et conseiller métropolitain, a répondu à la tribune :
Nous ne corrigerons pas toutes les contre-vérités — tant elles sont nombreuses — que comporte cette tribune qui participe d’une opération de désinformation en pleine période électorale.
Néanmoins, votre publication laisse notamment entendre que la municipalité aurait comme projet de céder 34 hectares de cet espace naturel à un promoteur. C’est absolument FAUX.
Preuve en est : 28 des 34 hectares des Murs à pêches ont été sanctuarisés ; préservés de toute urbanisation et inscrits en zone non constructible et agricole dans le cadre de la révision du plan local d’urbanisme (PLU) de Montreuil adoptée en 2018 (cf. le document ci-joint relatif à l’OAP Murs à pêches).

Plus de 80 % du périmètre du site sont ainsi protégés de toute urbanisation. Les 6 hectares restants sont des terrains déjà bâtis (le plus souvent en zones industrielles datant des années 1970/1980) et qu’il s’agira de rendre compatibles et respectueuses de la nature de ce site. Le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi), récemment adopté (mi-février 2020), reprend strictement ces éléments.
Nous vous transmettons également la réponse détaillée que nous avons envoyée à la Fédération des Murs à pêches interpellant les différents candidats aux élections municipales et qui devait être publiée mais ne l’est toujours pas à cette heure…
Elle permet de rétablir parfaitement la réalité des actes de la municipalité et des propositions que nous portons.
Partant du constat que les municipalités précédentes n’ont pas su ou n’ont pas pu développer un projet suffisamment ambitieux pour stopper la dégradation de ce site d’exception, la majorité municipale sortante a engagé, dès 2015, toute une série d’actions visant à préserver le patrimoine des Murs à pêches, au travers notamment de la restauration des murs, à renforcer le potentiel naturel du site, avec la renaturation du ru Gobétue, et à en assurer la mise en valeur et l’ouverture au plus grand nombre avec les sentiers de la biodiversité comme avec le budget participatif pour l’ouverture d’un nouveau jardin public, le Jardin du partage.
Reconnaissante du travail remarquable mené par les associations pour entretenir et animer le site, la municipalité dirigée par Patrice Bessac s’est engagée à leurs côtés tout au long du mandat, au travers d’un soutien financier, mais également matériel et humain afin que de nouveaux projets puissent voir le jour et que leur travail soit reconnu au-delà des frontières montreuilloises, avec notamment la labellisation « jardins remarquables » du ministère de la Culture. Dans cet esprit, les associations bénéficieront de conventions d’occupation pour les 12 ans à venir.
Soucieuse de restaurer la vocation première des Murs à pêches, la ville a souhaité impulser le développement de projets d’agriculture urbaine, dans le respect de la nature et avec une volonté d’ouverture des espaces cultivés aux visiteurs.
Patrice Bessac s’engage à poursuivre le travail amorcé avec la métropole du Grand Paris afin que cette destination agricole du site soit sanctuarisée grâce à la mise en place d’une protection des espaces naturels, agricoles et périurbains. Ainsi, les espaces non bâtis seront préservés dans le temps car tout futur changement d’affectation des sols devra être soumis à l’avis de la chambre d’agriculture et de la commission départementale d’orientation de l’agriculture. En cas d’avis défavorable de l’une d’entre elles, le changement ne pourra être autorisé que sur décision motivée du préfet.
Réintroduire de l’agriculture dans les Murs à pêches, restaurer et renaturer le site pour renforcer sa biodiversité, valoriser le patrimoine, conforter les Murs à pêches comme un haut lieu de la culture montreuilloise, permettre le maintien des activités et améliorer les conditions de vie des habitants, tels sont les cinq axes principaux qui ont guidé le travail de la mandature qui s’achève.
Dès le début du mandat, nous réunirons les institutions (Est Ensemble, département, l’État, au travers notamment de la direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie et de la direction des affaires culturelles, et région), les associations des Murs à pêches, le conseil de quartier et des habitants, ainsi que les partenaires utiles afin de travailler à un projet concerté pour l’avenir des Murs à pêches, en s’appuyant sur les cinq axes du travail amorcé par la précédente municipalité. L’avenir du projet EIF, dans ses fondements même, devra être totalement réexaminé dans ce cadre élargi.
L’avenir des Murs à pêches ne pouvant être l’affaire que de quelques un.e.s, qu’ils soient élus, experts, acteurs engagés sous une forme ou sous une autre pour sa protection ou son animation, ou riverains, le projet ainsi élaboré sera ensuite soumis au référendum de toute la population montreuilloise. »