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À Paris, Soulèvements de la Terre et antiracistes unis contre les crimes de la police

En soutien aux Soulèvements de la Terre récemment dissous, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées à Paris, le 28 juin. La mort du jeune Nahel, tué par la police, était dans tous les esprits.

Paris, reportage

La chanson « Sabotage » des Beastie Boys, diffusée à fond par une sono, ne semble guère perturber sa concentration. Assise sur le rebord de la statue de la place de la République, à Paris, la politologue et militante féministe décoloniale Françoise Vergès relit les notes qu’elle a écrites sur son portable. Il est environ 19 heures ce mercredi 28 juin et les prises de parole en soutien aux Soulèvements de la Terre (SLT), dissous le 21 juin par l’exécutif, s’apprêtent à débuter — de tels rassemblements ont eu lieu ce même jour un peu partout en France. C’est l’heure : sous les hourras, trois hommes postés en haut de la statue déploient une grande banderole arborant un logo du mouvement.

« Nous sommes peut-être dissous administrativement, mais nous sommes toujours bien présents, comme nous le montrons ce soir [...]. Cette dissolution se veut être un couperet, mais le bruit qui court partout dans le pays est tout autre : ce qui repousse partout ne peut être dissous ! »

La militante féministe décoloniale Françoise Vergès. © Mathieu Génon / Reporterre

Léna Lazare, l’une des porte-parole des Soulèvements, est la première à s’emparer du micro. Elle ne sera pas la seule : pendant deux heures, des représentants syndicaux (CGT, Solidaires…), de mouvements écolos (Alternatiba, Attac…), mais aussi des personnalités politiques (Europe Écologie-Les Verts, La France insoumise), militantes et intellectuelles se sont succédés à la tribune pour dénoncer avec force l’escalade répressive initiée par le gouvernement. L’occasion également de rappeler les multiples interpellations de militants écologistes qui ont eu lieu ces derniers jours (le 5 juin ou encore le 20 juin).

Plusieurs centaines de personnes étaient à Paris le 28 juin 2023. © Mathieu Génon / Reporterre

« Six nouvelles personnes, à qui l’on reproche d’avoir organisé la manifestation à Sainte-Soline en mars, ont été placées en garde à vue ce matin [elles ont été libérées pendant que se tenait le rassemblement]. On est très en colère ce soir », clame Laurence Marandola, la nouvelle porte-parole de la Confédération paysanne.

Avant d’ajouter : « Pourtant, ceux qui devraient rendre des comptes sont ceux qui sont responsables des violences que l’on ne cesse de subir depuis des semaines, mais aussi ceux qui permettent la confiscation des terres et de l’eau au bénéfice de quelques-uns et au détriment de l’intérêt général », développe-t-elle, soulignant la tentative du gouvernement de « museler » et de « terrifier » les militants écologistes. À sa suite, une porte-parole de Bassines non merci, pointant la « dérive autoritaire de l’exécutif », rappelle la tenue du « Convoi de l’eau », organisé du 18 au 27 août entre Sainte-Soline (Deux-Sèvres) et Paris.

L’écrivain Alain Damasio est l’un des nombreux défenseurs des Soulèvements. © Mathieu Génon / Reporterre

« Toute lutte pour le vivant doit être antiraciste et internationaliste »

Les prises de parole, combatives et déterminées, s’enchaînent. De quoi montrer l’extrême diversité des soutiens des Soulèvements de la Terre. Tous les intervenants, sans exception, ont une pensée pour Nahel, 17 ans, tué par un policier d’une balle dans le thorax mardi 27 juin, à Nanterre (Hauts-de-Seine).

« Toute lutte pour le vivant doit être antiraciste et internationaliste. Il faut lier ce mouvement de solidarité aux SLT à la lutte contre les violences policières : on ne peut pas juste protester quand il y a des arrestations de militants écolos, alors que dans les quartiers populaires les jeunes se font depuis longtemps tuer par la police. Soyons tous les jours mobilisés contre la politique mortifère qu’impose le capitalisme patriarcal et racial », lance par exemple Françoise Vergès.

Fatima Ouassak : « La lutte continue, et je dirai même qu’elle se renforce. » © Mathieu Génon / Reporterre

Fatima Ouassak, cofondatrice de Front de mères et de Verdragon (la Maison de l’écologie populaire), est du même avis : « C’est dans les quartiers populaires, où les sols sont totalement bétonnés, qu’il faut travailler quand on s’appelle les SLT ! Ce système qui trie entre les individus qui ont le droit de respirer et les autres est le même que celui qui détruit le vivant : un système écocidaire et raciste. » Et d’ajouter avec force : « Si le gouvernement a dissous les SLT, c’est parce qu’ils remettent en cause cet ordre établi. Le décloisonnement entre mouvements écolos et antiracistes a déjà commencé, il faut que ces convergences se poursuivent. Vive nos sécessions ! La lutte continue, et je dirai même qu’elle se renforce. »


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