À Paris, l’emprise d’Airbnb dépasse désormais le périph’

Paris représentait 81% des nuitées réservées en Île-de-France en 2016 et n'en pèse plus que 54 % en 2022. - Unsplash/CC/Alexander Kagan
Paris représentait 81% des nuitées réservées en Île-de-France en 2016 et n'en pèse plus que 54 % en 2022. - Unsplash/CC/Alexander Kagan
Durée de lecture : 3 minutes
Des chercheurs viennent de publier un site qui cartographie l’emprise d’Airbnb à Paris et en Île-de-France. Résultat : le nombre d’annonces a explosé, et les tarifs ont bondi.
C’est une synthèse inédite sur la croissance d’Airbnb à Paris et en Île-de-France. Une équipe de chercheuses et de chercheurs de l’université Paris Cité et du CNRS ont mis en ligne en septembre dernier un site internet dressant un état des lieux très précis de l’ampleur prise par le géant étasunien de la location de courte durée.
Premier constat : au-delà de Paris, Airbnb a étendu son empire locatif aux villes de petite et de grande couronne. La capitale, qui représentait 81 % des nuitées réservées en Île-de-France en 2016, n’en pèse plus que 54 % en 2022, chiffrent les chercheurs.
En Seine-Saint-Denis, la progression est impressionnante : le nombre d’annonces est passé de 1 311 en 2015, à 9 341 en 2022. De même, dans les Hauts-de-Seine, on passe de 2 668 annonces actives en 2015, à 12 498 en 2022.
Des prix en hausse de 36 % en six ans
« Le Covid n’a été qu’une parenthèse dans cette progression. Certaines zones autour de Roissy ou d’Orly subissent des pressions aussi importantes que des villes très touristiques », explique Marianne Guérois, maîtresse de conférences en géographie à l’université Paris-Diderot et membre de Géographie-cités, qui a travaillé sur le projet de recherche.
Certains secteurs avaient déjà bien résisté pendant la crise sanitaire : sans surprise, les communes à proximité de grandes forêts comme Fontainebleau, Rambouillet, le parc naturel de la vallée de Chevreuse ou encore les alentours du parc Disneyland.

Autre phénomène : les loueurs ne sont plus des individus lambda qui mettent leur résidence principale en location le temps de leurs vacances. Il s’agit désormais de professionnels multipropriétaires. Les annonces commerciales ont en effet représenté 42 % de l’offre en 2022, contre 24 % en 2016.
Les tarifs ont aussi augmenté : toujours en 2022, une nuit réservée en Île-de-France a coûté en moyenne 40 dollars (environ 37 euros), ce qui représente une hausse de 36 % depuis 2016. L’inflation la plus forte s’est faite à Paris (+63 %).
Faciliter la surveillance d’Airbnb
Pour réaliser cette étude, les chercheurs ont acheté des données à AirDNA, une entreprise privée étasunienne qui aide les investisseurs à choisir le meilleur endroit où acquérir un appartement afin de rentabiliser au maximum leur achat. Pour Airbnb, cette base de données n’est pas pertinente. « L’étude sur laquelle se base votre article s’appuie sur des données scrappées qui ne sont pas une bonne façon de mesurer l’évolution réelle des prix moyens et du nombre d’annonces sur Airbnb, puisqu’elles n’incluent pas l’ensemble des logements déjà réservés pour une date », a déclaré l’entreprise dans un mail envoyé à Reporterre.
« Il faudrait mutualiser toutes ces données qui sont aujourd’hui payantes, car c’est un gaspillage d’argent public de les acheter. Avec ce travail, nous aimerions promouvoir une démarche de sciences ouvertes et participatives », explique Ronan Ysebaert, ingénieur en sciences de l’information géographique de l’université Paris Cité.
En 2019, l’Institut Paris Région avait déjà publié un état des lieux avant la crise du Covid-19. Et une autre plateforme open source, Inside Airbnb, a été lancée en 2016 par l’activiste new-yorkais anti-Airbnb Murray Cox. Mais ses données concernent uniquement la capitale, occultant la croissance exponentielle de la plateforme de l’autre côté du périphérique.

Dans le futur, les chercheurs de l’université Paris Cité et du CNRS aimeraient comparer l’évolution des prix sur Airbnb avec celle du parc locatif classique et mesurer son impact sur la hausse de l’immobilier.
Leur but est d’aider à mieux encadrer l’essor de la plateforme étasunienne : « Nous voulons donner des outils pour faciliter la surveillance d’Airbnb aux communes qui manquent de moyens pour le faire », dit Ronan Ysebaert. Actuellement, seule Paris possède une brigade de contrôle des annonces illégales, qui a infligé 6,5 millions d’euros d’amende depuis 2021.