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ReportageCulture

À Paris, la Cité des sciences déclare l’« urgence climatique »

Dans ce tableau de bord interactif, les visiteurs peuvent simuler une submersion marine, en jouant sur la vitesse des vagues, du vent et de la pression atmosphérique.

Dérèglement climatique, empreinte carbone, alternatives pour s’en sortir... L’urgence climatique est au cœur d’une exposition à la Cité des sciences à Paris.

Que l’on soit déjà informé de l’ampleur du changement climatique, ou que l’on découvre pour la première fois le sujet, c’est une exposition dont on ne ressort pas indemne. Depuis le 16 mai, à Paris, la Cité des sciences et de l’industrie accueille une nouvelle exposition permanente, baptisée « Urgence climatique ». « Pour préserver un climat où les jeunes pourront vivre dans les années à venir, c’est aujourd’hui qu’il faut agir », relève Jean Jouzel, paléoclimatologue [1] et commissaire scientifique de l’exposition.

La visite, pionnière du genre en France, commence par une affirmation claire : les activités humaines génèrent des gaz à effet de serre, notamment du dioxyde de carbone (CO2), ce qui provoque un dérèglement climatique à l’échelle de la planète. « C’était important pour nous de démarrer là-dessus, dit Adrien Stalter, l’un des commissaires de l’exposition. Il n’est pas question de revenir sur ce consensus scientifique. » Une fois cette base posée, les visiteurs sont libres de choisir leur parcours. Trois thématiques sont proposées : « Décarbonons », « Anticipons », « Agissons ».

Les émissions de gaz à effet de serre émises à Paris, en fonction des secteurs d’activité. © E. Breton / EPPDCSI

Colonnes de bidons, montagnes de laine...

Dans la première, on prend d’emblée une claque : certains secteurs d’activités émettent une quantité folle de gaz à effet de serre. Impossible de louper cette colonne de bidons rose bonbon, de plus de sept mètres, représentant les émissions dues au transport aérien à Paris (7 millions de tonnes équivalent CO2). On a beau entendre à longueur de journée que l’avion est polluant, le voir représenté de cette manière fait comprendre l’ampleur du problème. La colonne s’élève, gigantesque, en comparaison de celles aux couleurs du secteur de la construction (1,3 Mt éqCO2) ou de l’énergie (1,2 Mt éqCO2) dans la capitale française.

En rouge, l’empreinte carbone liée à la consommation de bœuf. En bleu, celle du poisson, en orange celle du poulet et en blanc celle du riz. © E. Breton / EPPDCSI

Quelques mètres plus loin, autre prise de conscience : des cônes de laine colorée symbolisant l’empreinte carbone de notre alimentation. Une immense montagne rouge pour le bœuf (37 kilogrammes d’équivalent CO2 émis pour la production de 1 kg de viande), une plus modeste pour le poisson (9,04 kg éqCO2), un simple petit triangle pour les lentilles (0,90 kg éqCO2)… « L’objectif est de montrer que la nourriture carnée a énormément d’impact », indique Adrien Stalter. Et de faire remarquer, mine de rien, que ce chiffre ne prend même pas en compte la question de la consommation d’eau. « Ah ouais, quand même », souffle un visiteur.

L’exposition sera visible durant dix ans à la Cité des sciences. © Arnaud Robin / EPPDCSI

L’origine du problème commence à devenir claire. Le visiteur est alors invité à imaginer à quoi ressemblera l’année 2050, via des jeux de manipulation ou des parcours à suivre, basés sur différents scénarios de l’Ademe [2].

Voulons-nous une « smart city », où l’on peut essayer depuis chez soi des vêtements en réalité virtuelle ; où les habitations sont devenues des data centers, indispensables pour stocker les données des citoyens ; où les terres agricoles ont disparu, remplacées par des unités de captage de CO2, ce qui nous permet de limiter un peu la casse ? Ou préférons-nous une ville aux « coopérations territoriales », où les anciens bureaux sont devenus des habitats participatifs ; où un parlement régional permet aux citoyens de choisir les futures orientations de la ville ; et où les terres agricoles préservées permettent une agriculture de proximité ?

À travers des exemples concrets, en dessins pop, en sons ou en vidéos, l’exposition nous force — de façon ludique et décalée — à faire travailler notre imagination. Que voulons-nous pour notre futur ? Et surtout, quels efforts sommes-nous prêts à fournir pour le voir advenir ? Un exercice bienvenu, qui nous sort du fatalisme et des visions apocalyptiques qui peuvent vite nous assaillir.

Inviter à se politiser, à s’engager

Il faut dire que les mauvaises nouvelles s’enchaînent. Dans la séquence « Anticipons », un globe suspendu au plafond projette les évolutions de températures mondiales, selon différents scénarios du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Plus loin, un tableau de bord interactif simule une submersion marine. Un film basé sur des data-visualisations montre comment les ressources terrestres (chrome, zinc, pétrole, charbon…) vont disparaître les unes après les autres, au fil des années. On déglutit péniblement, un peu dépassé par l’immensité des enjeux.

L’un des objectifs de l’exposition est d’inviter les personnes à s’engager pour le climat. © E. Breton / EPPDCSI

« Actuellement, on est partis sur une augmentation globale de 3 °C [en 2100] si on n’infléchit pas suffisamment nos émissions. Mais il y a aussi des solutions », veut rassurer Jean Jouzel. Au sein de la thématique « Agissons », des panneaux nous donnent des idées d’alternatives concrètes au système, de l’Atelier paysan — qui crée et mutualise des outils à destination des agriculteurs — aux coopératives d’architectes. Sous une tente en bois sont diffusés des témoignages de plusieurs militants pour le climat à travers le monde.

« Le but de l’exposition n’est pas de culpabiliser le visiteur, de lui laisser croire que tout repose sur ses épaules », précise Adrien Stalter. Surtout que les actions individuelles ne sont responsables « que » de 25 % des émissions de gaz à effet de serre. D’où l’importance d’insister sur ce que les États et leur gouvernement devraient mettre en place, pour réglementer l’économie ou l’industrie. « C’est une façon d’inviter les gens à se politiser, à s’engager », affirme le commissaire de l’exposition.

Puisque les actions climatiques à entreprendre doivent se faire sur le temps long, l’exposition - dont Reporterre est partenaire - fera de même. Elle restera à la Cité des sciences pendant dix ans, et évoluera avec le temps (des actualisations seront réalisées, et les éventuels manquements aux objectifs seront signalés aux visiteurs). Et elle veut montrer l’exemple : l’empreinte carbone de l’exposition est affichée à la fin de la visite — 330 tonnes d’équivalent CO2, 95 600 tonnes pour toute la Cité des sciences. Un chiffre qui, d’ici dix ans, comme pour chacun d’entre nous, devra forcément baisser si l’on veut préserver la vie sur Terre.

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