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Agriculture

À Roubaix, les jardins familiaux rendent la ville de plus en plus verte

La ville de Roubaix, qui a été pionnière du zéro déchet, investit dans l’agriculture urbaine en encourageant la multiplication des jardins partagés ou familiaux. Le succès populaire est au rendez-vous.

  • Roubaix (Nord), reportage

Le Jardin de traverse. Un joli nom pour ce jardin partagé adossé au centre-ville, non loin du célèbre musée La Piscine ou de la salle de spectacle Le Colisée. Le soleil brille en ce dimanche après-midi tandis que Moncef Bentaziri, coordinateur du jardin, guide les visiteurs. « Ici, vous avez les carrés potagers cultivés par les enfants et la cabane qu’ils ont construite ; là, ce sont les toilettes sèches et, plus loin, vous apercevez des nichoirs que les mésanges sont en train de s’approprier. » Ce lieu de partage et de rencontre a été créé en 2006 par Anne-Sophie Danjou, une jeune femme généreuse et imaginative, malheureusement morte depuis. L’association Jardin de traverse gère aujourd’hui trois sites à Roubaix, dont deux jardins partagés. Elle compte 60 adhérents — une adhésion égale une famille — et propose des formations et animations pour créer du lien social autour de cet espace cultivé : troc de plantes, ateliers de jardinage, vente de légumes bio en lien avec une association d’insertion par le travail… « Il n’y a pas que le jardinage, souligne le coordinateur, nous essayons de créer une synergie grâce à différentes portes d’entrée. »




Les nichoirs du Jardin de traverse.

Avec une dizaine de jardins partagés et 26 jardins familiaux, Roubaix l’industrielle se métamorphose peu à peu en ville verte. Depuis l’automne dernier, la ville développe une stratégie de ville nourricière grâce à ces jardins, qui totalisent près de 15 hectares à cultiver. « Autrefois, on parlait de jardins ouvriers, explique Sandrine Varlet, chargée de mission au service Développement durable de la ville de Roubaix, mais aujourd’hui, on préfère les termes de jardins familiaux et partagés : les jardins familiaux regroupent des parcelles confiées individuellement à une famille qui est chargée d’entretenir son lopin, tandis que les jardins partagés ont une destination collective, on les cultive et on les fait vivre ensemble. »




« L’objectif est d’augmenter la part de consommation des légumes autoproduits sur le territoire et d’arriver à 10 % de ce qu’on consomme à Roubaix » 




Deux tiers de ces parcelles appartiennent à la ville, le reste étant propriété de bailleurs privés ou du diocèse de Lille. La municipalité en confie la gestion à l’une des 15 structures de proximité, associations ou comités de quartier. Charge à eux ensuite de mettre à disposition des particuliers les jardins familiaux, en échange d’une petite cotisation. La liste d’attente, en mairie, ne désemplit pas : 200 personnes attendent patiemment leur tour pour profiter d’une parcelle à cultiver. L’attribution se fait selon deux critères : l’ancienneté de l’inscription et la proximité géographique. Les jardins comptent de 8 à 40 parcelles, avec une superficie moyenne de 80 à 100 m2. Quelques places se libèrent de temps à autre, lorsqu’un bénéficiaire déménage ou n’entretient pas son lopin, et d’autres se créent ou, plutôt, se trouvent.



Roubaix, ville nourricière au moins en légumes ? « Nous n’en sommes qu’au tout début, précise Sandrine Varlet, mais l’objectif est bien d’augmenter la part de consommation des légumes autoproduits sur le territoire et d’arriver à 10 % de ce qu’on consomme à Roubaix. » La municipalité veut aussi développer des formes innovantes d’agriculture urbaine, exploiter les angles des rues, cultiver à la verticale ou exploiter les toitures…

Les bénévoles de la ferme du Trichon.

Quels sont les freins au développement agricole de la commune ? « La disponibilité foncière, surtout pour les grandes parcelles, répond la chargée de mission. La qualité des sols également et pour les plus petites parcelles, il n’est pas toujours évident de trouver des porteurs de projet… »

« Il nous faut remobiliser les habitants autour du bien commun afin de mieux résister aux effets de la crise écologique globale » 





Pour la municipalité de Roubaix, ville parmi les plus pauvres de France, cette politique de dédensification du territoire est menée par conviction, dans la suite logique de la politique du zéro déchet pour laquelle Roubaix est pionnière en France depuis 2014. Mais, du côté des porteurs de projets, associations en tête, on voit bien plus loin que cette valorisation des sols en terres à cultiver. Au sein du Comité des jardins, lieu d’échange et de réflexion présidé par l’adjoint délégué au développement durable et à la résilience, les associations gestionnaires militent pour une transition globale de la ville. Et expérimentent ce mouvement transversal un peu plus loin, dans une ferme urbaine circulaire, la ferme du Trichon : « Ici, on cultive l’entraide comme nouvelle économie, explique Vincent Boutry, président de l’Université populaire et citoyenne (UPC) de Roubaix. Nous voulons créer du maraîchage collaboratif mais aussi de l’habitat partagé et d’autres projets de transition dans ce quartier populaire… Il nous faut remobiliser les habitants autour du bien commun afin de mieux résister aux effets de la crise écologique globale. » Sur cet ancien parking de la friche Nollet, qui fabriquait du matériel électrique, les bénévoles de l’UPC, du collectif de paysans urbains du Trichon, du groupement d’achat El’cagette, du groupe d’habitat partagé Autrement qu’ainsi et d’autres encore, ne désarment pas : ils veulent agir face à la crise écologique globale en cultivant la démocratie et la mobilisation participatives. Pour que Roubaix, ville pionnière du zéro déchet, le soit aussi en transition.





À la ferme du Trichon.





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