À la Laiterie La Chapelle les fromages sont bio, locaux... et parisiens !

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Agriculture AlimentationDans le nord de Paris, la Laiterie La Chapelle confectionne le matin des produits laitiers qu’elle vend l’après-midi. Reporterre a passé une journée avec ses passionnés qui ne jurent que par la proximité.
- Paris, reportage
Au milieu de bâtiments HLM, dans le 18e arrondissement de Paris, la Laiterie La Chapelle laisse entrevoir à travers ses vitrines les mystères de la confection de fromages locaux à partir de lait de vache. Quatre jours par semaine, Paul Zindy, fromager, prend la route tôt le matin pour aller chercher son précieux lait dans la ferme d’Éric. Celui-ci élève 55 vaches laitières dans le petit village d’Épiais-Rhus (Val-d’Oise). « À force de connaître des personnes passionnées, cela m’a donné envie de me lancer », explique Paul. À 32 ans, il a ouvert sa boutique de fromage, le 25 août 2018. Après avoir étudié en Alsace les techniques agricoles et travaillé pendant sept ans pour le Conseil national des appellations d’origine laitières, il a décidé de se lancer et d’ouvrir sa propre fabrique à fromage à partir de lait de vaches franciliennes. Un des maîtres-mots de son activité est la proximité. « Je voulais un magasin qui propose des fromages fabriqués sur place et à partir de lait de vache d’Île-de-France pour valoriser un circuit court. » Une démarche dont l’objectif est de mettre en avant le travail d’Éric et la filière laitière : « Il est normal que l’éleveur soit lui aussi correctement rémunéré. »
La qualité des produits est primordiale, et tous les éléments ajoutés lors de la confection du fromage ou des yaourts (fruits, épices) sont d’appellation bio. « Je préfère privilégier de bons produits, quitte à les vendre plus cher. Aujourd’hui, on mange trois fois par jour, mais on se fout des conséquences que ça peut avoir sur notre santé. Alors qu’on serait prêt à acheter un téléphone à un prix exorbitant. »
Reporterre a suivi Paul Zindy lors d’une journée de travail : elle commence par le ravitaillement du lait, se poursuit par la fabrication du fromage et se termine par la vente des produits en magasin. Et tout ça, à Paris !
5 h 15 — Il fait encore nuit noire, Paul Zindy arrive à vélo à sa boutique. Il attrape son thermos de café et une tablette de chocolat pour la route, échange son biclou pour une petite camionnette (contenant des tuyaux, une pompe et un bidon de 600 litres) et quitte la ville de Paris pour un trajet d’environ 35 minutes vers la campagne du Val-d’Oise.
5 h 50 — Paul arrive sur les lieux dans un froid hivernal ; la ferme dort encore. Il jauge le lait puis se bat avec ses tuyaux avant de pomper environ 400 litres du précieux liquide qu’Éric, l’éleveur, a laissé pour lui dans une cuve.
6 h 10 — Vingt minutes plus tard, Paul repart doucement de la ferme. On entend quelques vaches qui se réveillent. Les routes pour rentrer à Paris s’emplissent de minute en minute. « Quand je me lève une heure plus tard je suis pris dans les bouchons et ça me fait perdre beaucoup de temps. »
7 h 10 — Rendu au magasin, le fromager entre par la porte de derrière dans un petit sas filtré par une couleur bleue pour éviter l’intrusion d’insectes. Il enfile son tablier imperméable, ses bottes et sa charlotte, afin de rester au sec et de respecter les règles d’hygiène.
7 h 20 — Après avoir transvasé le lait dans la cuve, Paul nettoie son matériel pour les prochaines utilisations. « Une grande partie de notre travail repose sur l’hygiène, on ne peut pas se permettre un seul écart. »
8 h 15 — C’est le moment de commencer les productions. Paul et Samy, stagiaire depuis sept semaines, lancent l’écrémage, la production de lait pasteurisé et la première étape de fabrication du fromage : le caillage. « Ici, tout est fait à la main, on utilise des machines pour mélanger, mais c’est simplement pour ne pas se casser le dos. Sinon, les yaourts sont mis en pot à la main, tout comme on met le lait en bouteille », explique Paul, les mains dans la crème.
10 h 15 — Après plus de 5 heures de travail, c’est l’heure de la pause. Les deux travailleurs se servent un café ou un thé bien chaud et dégustent un yaourt au caramel, à la vanille ou encore à la framboise bio.
10 h 45 — « C’est très drôle de voir les gens s’arrêter à la vitrine, nous observer et être intrigués tant par la confection que par le vieillissement des fromages. Au début, je n’avais pas beaucoup de fromages dans la cave et les gens regardaient depuis la rue pour savoir s’ils pouvaient venir l’acheter, raconte Paul Zindy. Je cherche une réelle transparence avec mes clients, ces vitrines me le permettent. »
11 h — Lorsqu’on ouvre la porte de la cave, l’odeur de 2.100 kg de fromage embaume tout le magasin. Des tommes sont alignées sur des planches en bois d’acacia, pour certaines depuis trois mois. Les raclettes, elles, sont retournées et nettoyées tous les jours pour obtenir une croûte orangée et sans aspérité.
11 h 20 — C’est l’heure de la mise en bouteille du lait. « Les gens sont assez contents de trouver des endroits qui leur permettent de ne pas consommer de plastique », se réjouit le fromager. Ici, le plastique n’est pas le bienvenu : on utilise exclusivement des bouteilles et des pots en verre consigné.
12 h — Les tommes sont moulées dans des gabarits en fer. On définit à ce moment leur forme et leur poids.
12 h 20 — Oliver, le nouveau salarié, se joint à la partie et prépare avec Samy la cervelle de canut à base de fromage blanc mélangé à de l’échalote, de la ciboulette, de l’aneth et de l’estragon.
12 h 45 — C’est l’heure du pressage. Les fromages sont moulés et égouttés, il faut maintenant les presser en les empilant les uns sur les autres afin d’extraire davantage d’eau.
13 h — C’est le moment pour Paul, Oliver et Samy d’aller déjeuner et de prendre une bonne pause après une matinée d’environ 8 heures de travail.
15 h — Tout le monde prépare le magasin pour accueillir les clients. « Les gens commencent à préférer les circuits courts et bio. »
15 h 30 — La Laiterie La Chapelle est enfin ouverte au public. Les premiers clients apparaissent. Les parts de tomme de vache sont emballées sans plastique mais avec du papier cartonné kraft.
19 h 30 — Les rideaux de fer se baissent sur la cave encore éclairée, la grande porte d’entrée se claque : Paul ferme le magasin et part se reposer. Demain, une nouvelle journée de fabrication et de vente de ses produits l’attend. « Je ne vends que ce que je produis. » Une preuve qu’il est possible à Paris de produire sur place et surtout de trouver des aliments locaux pour remettre au centre de nos préoccupations la qualité des produits que nous consommons.