Ah ! qu’il est doux de vivre loin des métropoles

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À rebours du discours désolé sur l’abandon de « la France périphérique », Guillaume Faburel montre dans « Les métropoles barbares » qu’une nouvelle vie s’invente dans le rural et les petites villes.
Les Métropoles barbares, du géographe Guillaume Faburel, ambitionne de « réarmer la critique radicale », de dramatiser les recompositions spatiales à l’œuvre pour mieux les rendre visibles et donc attaquables.
Après avoir étudié en détails (ses bureaux d’affaires, ses centres commerciaux, ses espaces récréatifs, etc.) les « ressorts du néolibéralisme urbain » et du culte productiviste, foncièrement inhumain, qui l’accompagne, Faburel se tourne vers d’autres modes de vie, plus propices à l’épanouissement personnel et collectif. Si les lieux alternatifs, comme les zad, les communes autogérées et autres luttes, ont été amplement documentés, montrer leurs points communs et, surtout, leur étendue, met en lumière la force de ces divers mouvements à l’échelle du pays, voire au-delà. « Le petit-train de l’alter-urbain » que propose l’auteur donne ainsi à voir une kyrielle de mobilisations locales à travers lesquelles s’élaborent différentes manières de revenir, par un même mouvement, à la terre et à l’humain.
Toutefois, c’est le deuxième acte de la pièce en cours [1] qui apportera l’éclairage le plus novateur. Depuis que le discours médiatique dominant a repris le concept de « France périphérique » de Christophe Guilluy, on n’entend parler de ces territoires péri-urbains que de manière négative. Lieux oubliés par le pouvoir central, petites villes en décroissance, territoires où prospère l’intolérance et l’extrême-droite, etc.
Or, Faburel, qui en tant qu’universitaire travaille ces questions depuis vingt-cinq ans, montre qu’à l’inverse du discours pessimiste, ces espaces constituent des havres de paix en-dehors de la guerre perpétuelle que se livrent les métropoles, voire des zones d’expérimentations politiques. À travers les témoignages d’habitant
es de la région lyonnaise qui en ont quitté l’hyper-centre pour les marges paisibles, on comprend enfin qu’habiter en périurbain permet la « reprise de soi ». Reprise de soi qui ne signifie nullement l’égoïste repli sur son petit pavillon, mais au contraire l’ouverture à des sociabilités locales plus intenses qu’en centre-ville, à des loisirs qui laissent le temps d’errer dans la nature ou encore à des pratiques vivrières autrement plus écologiques que l’hyper-consumérisme, même greenwashé, des métropoles.« La décroissance comme opportunité »

Quant aux petites villes frappées de désertification, certaines d’entre elles tirent leur épingle du jeu en faisant le pari de la décroissance plutôt qu’imiter vainement les grandes métropoles ou d’attendre le secours de l’État-providence. Ainsi, des villes comme Alès ou Châteauroux considèrent « la décroissance comme une opportunité » en osant de nouvelles politiques municipales, cherchant la qualité de vie plutôt que le nombre de citoyens imposables, en redynamisant les jardins familiaux pour la première ou en mettant en place la gratuité des transports en commun pour la seconde.
La pièce qui s’achève nous laisse en bouche un goût mi-figue mi-raisin.
Certes, l’âpreté de la vie métropolitaine, toujours plus choyée par les pouvoirs publics, fera s’insurger plus d’un
e lecteur rice. Mais à l’inverse, les propositions utopiques qui essaiment un peu partout sur le territoire national encouragent à persévérer dans cette voie. Reste à savoir comment articuler la lutte contre « les métropoles triomphantes, leur mondialité capitaliste, leur barbarie et le gouffre socio-écologique dans lequel elles nous précipitent » et le « retour à la terre, source de nouveaux récits situés des communs ». Peut-être trouvera-t-on une réponse au cours d’une échappée vers l’imaginaire, comme celle que propose Alain Damasio dans son roman Les Furtifs, qui recoupe nombre de problématiques soulevées par Les Métropoles barbares. L’imagination ne manque jamais d’idées ; à présent, il est temps de les réaliser.- Les Métropoles barbares, de Guillaume Faburel, éditions Le Passager clandestin, juin 2018 (nouvelle édition août 2019), 432 p., 10 €
