Amazonie : record de déforestation en janvier

Une zone déforestée dans l'État du Labrea au Brésil en septembre 2021. - © Maura Pimentel / AFP
Une zone déforestée dans l'État du Labrea au Brésil en septembre 2021. - © Maura Pimentel / AFP
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Forêts tropicales Monde ClimatEn janvier, la déforestation de l’Amazonie a bondi de 418 % par rapport à 2021. Du jamais vu en pleine période des pluies. La forêt « ne remplit plus son rôle de puits de carbone », selon un climatologue.
Pas de répit pour la forêt amazonienne. Alors que la saison des pluies de décembre à avril offre habituellement une trêve, la déforestation a repris de plus belle début 2022. Elle est même « hors de contrôle », selon les termes de Greenpeace Brésil. « Entre le 1er et le 31 janvier, les systèmes de surveillance ont fait état de 430 km2 de forêts déboisés, soit une augmentation de 418 % par rapport à janvier 2021 », a alerté l’ONG dans un communiqué le 11 février. Depuis le début des mesures de l’Institut national de recherche spatiale (INPE) brésilien en 2016, jamais de tels chiffres n’avaient été enregistrés en janvier. Les États du Mato Grosso, du Rondônia et du Parà situées au centre et à l’ouest du Brésil concentrent le plus grand nombre de cas recensés de déforestation.
Des chiffres qui font écho aux niveaux de déforestation records observés depuis l’arrivée au pouvoir de Jaïr Bolsonaro. Dans les estimations officielles publiées en novembre 2021, le gouvernement brésilien faisait état d’une perte de 13 000 km2 de forêts en un an, une superficie supérieure à celle de l’Île-de-France dans son ensemble. Selon les données de l’INPE, la déforestation a augmenté de près de 22 % entre août 2020 et juillet 2021. Si l’on compare ce chiffre à la moyenne de la décennie précédente, la déforestation a quasiment doublé.
La forêt amazonienne ne remplit plus son rôle de puits de carbone
Alors que le Giec (le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) doit rendre son rapport relatif aux vulnérabilités des sociétés humaines, des écosystèmes et des systèmes économiques face au changement climatique le 28 février, ces nouvelles données concernant la plus grande forêt tropicale — un puits à carbone majeur — inquiètent. « Sur les cinq dernières années, par rapport à la période 2001-2005, on observe un doublement des émissions de CO2 liées à la déforestation », explique à Reporterre Philippe Ciais, chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement. « Et ce, dans tous les tropiques, pas uniquement en Amazonie. »
Ces émissions liées à la déforestation ne reflètent qu’une partie du problème en Amazonie, souligne le chercheur. Car la déforestation s’accompagne d’une dégradation de la forêt. Des arbres partiellement brûlés, une forêt fragmentée ou l’extraction de certaines essences détériorent l’équilibre de la forêt tropicale. Résultat : une forêt dégradée absorbe beaucoup moins de carbone. Et ces effets ne sont pas comptabilisés. « La dégradation des forêts contribue trois fois plus à la perte brute de biomasse que la déforestation, étant donné que l’étendue de la dégradation dépasse celle de la déforestation », écrivaient le chercheur et ses collègues dans un article paru dans Nature en 2021.

Et « si l’on émet plus de CO2 et que moins de CO2 est absorbé, le réchauffement climatique est plus grand », résume Philippe Ciais. Logiquement, le bilan carbone de la forêt amazonienne influe sur celui de la planète et sur le climat. « Il semblerait que l’ensemble du massif amazonien ne remplisse plus son rôle de puits de carbone car les forêts intactes ne compensent plus la déforestation ou la forêt dégradée », prévient le climatologue. Une analyse confirmée par d’autres travaux : l’ensemble de la forêt amazonienne émet aujourd’hui plus de carbone qu’elle n’en absorbe.
Un accaparement des terres bien orchestré
Selon l’observatoire du climat brésilien, 46 % des émissions de gaz à effet de serre du pays en 2020 provenaient de la déforestation. Des chiffres qui témoignent de la politique environnementale désastreuse du président Bolsonaro. « Le moment est particulièrement propice pour ceux qui déboisent et/ou volent les terres publiques, car les inspections environnementales sont délibérément réduites et la législation devrait prochainement permettre de régulariser cet accaparement des terres publiques », a dénoncé Cristiane Mazzetti, chargée de campagne Amazonie chez Greenpeace Brésil, dans un communiqué.
Selon une analyse de l’ONG, 22,5 % des zones qui ont fait l’objet d’alertes de déforestation entre le 1er et le 21 janvier étaient concentrées dans des forêts publiques, « une cible fréquente pour l’accaparement des terres ».