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Monde

Au mépris du climat et des droits humains, Total persiste dans son projet pétrolier en Ouganda

Des opposants au projet Total de l'association Afiego en Ouganda.

Total vient d’annoncer avoir conclu un accord d’investissement de près de 9 milliards d’euros pour son mégaprojet pétrolier en Ouganda et en Tanzanie. Une « aberration » sociale et environnementale, disent les ONG.

Mardi 1er février, Total a annoncé sa « décision finale d’investissement » dans le double projet pétrolier en Ouganda et en Tanzanie. Avec le projet « Tilenga », la multinationale entend exploiter l’or noir qui dort sous le lac Albert, en Ouganda. Le projet « Eacop », lui, prévoit l’acheminement de ce pétrole par un oléoduc chauffé de 1 443 kilomètres de long jusqu’en Tanzanie. Il serait alors le plus long du monde. Au total, ces deux projets représentent un investissement de 10 milliards de dollars (8,8 milliards d’euros). Il est lancé par l’accord que la major a conclu avec l’Ouganda, la Tanzanie et le géant pétrolier chinois Cnooc.

Ces travaux d’envergure sont dénoncés en raison de leurs conséquences sociales et environnementales. « Ce projet est une aberration à tous les points de vue et Total essaie de cacher la réalité sur ses conséquences néfastes avec une communication trompeuse », se désole Juliette Renaud, responsable de campagne sur la régulation des multinationales aux Amis de la Terre France. « Ils cochent toutes les cases qu’il ne faudrait pas cocher. »

En premier lieu, une « case » sociale. « Les terres de plus de 100 000 personnes sont directement affectées », explique-t-elle. « Total joue sur les données, en mentionnant un chiffre inférieur, qui correspond en fait au nombre de foyers ou à une portion seulement du projet. » Ces populations — essentiellement des agriculteurs — recevront une compensation, financière ou en nature, selon la version officielle. « Dans la réalité, selon les témoignages, ils sont encouragés à opter pour la compensation financière, sous-évaluée, qui coûte moins cher à Total », poursuit Juliette Renaud. Chiffres à l’appui : les compensations en nature, qui concernent 5 % de la population, s’élèvent à 100 millions de dollars ; les compensations financières (pour les 95 % restants, donc), ont coûté moitié moins cher à la firme. « Des dizaines de milliers de personnes sont toujours privées partiellement ou totalement de leurs terres avant même de recevoir une compensation. »

400 puits forés dont un tiers à l’intérieur d’une aire naturelle protégée

Sur son site, la multinationale française indique que « tous les partenaires se sont engagés à mettre ces projets en œuvre de manière exemplaire, et en prenant en considération les enjeux environnementaux et de biodiversité […]. En outre, TotalEnergie s’est engagé à mettre en œuvre des plans d’actions permettant de produire un impact positif net sur la biodiversité dans le cadre de la réalisation de ces projets. » Faux, pour Juliette Renaud. « Pour le projet Tilenga, quatre cents puits vont être forés, dont un tiers à l’intérieur de l’aire naturelle protégée des Murchison Falls en Ouganda », indique-t-elle. « Puis, l’oléoduc sera chauffé, ce qui représente un gaspillage énergétique considérable et donc un impact climatique accru, et il va traverser le bassin du lac Victoria », un des plus grands lacs du monde. Il doit également traverser plusieurs zones protégées.

Ce projet contesté a déjà trouvé porte close auprès de onze banques, dont trois françaises (la Société générale, la BNP et le Crédit agricole).

Projet Total en Ouganda, en 2020. © Les Amis de la Terre France

Plusieurs associations continuent de lutter contre le projet. Deux associations françaises (Les amis de la Terre France et Survie) et quatre associations ougandaises [1] ont notamment lancé une action en justice en 2019. En décembre dernier, la Cour de cassation a donné raison aux associations qui voulaient confier l’affaire au tribunal judiciaire — et non au tribunal de commerce : une première victoire juridique.

Sur place, en Ouganda, les défenseuses et défenseurs des droits subissent une pression accrue. Maxwell Atuhura, membre de l’ONG ougandaise Afiego, a été arrêté en mai 2021 alors qu’il accompagnait une journaliste dans un village concerné par les expropriations.

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