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Quotidien

Avec la sécheresse, des labels alimentaires moins exigeants

Des reblochons déposés sur des planches d'épicéa. Le temps de pâturage requis pour les vaches a été abaissé cette année.

Faute d’herbe ou d’eau dans les cultures, les producteurs de plusieurs labels ne peuvent plus respecter leurs cahiers des charges. Ils ont été autorisés à modifier leurs pratiques.

La sécheresse 2022 se répercute jusque dans nos assiettes. Reblochon, Munster, fourme d’Ambert, bleu d’Auvergne, agneau du Quercy, flageolet vert… Faute d’herbe suffisante dans les pâturages ou à cause du manque d’eau dans les cultures, les producteurs de plusieurs appellations d’origine protégée (AOP), indications d’origine protégée (IGP) ou labels rouges ne sont plus en mesure de respecter leur cahier des charges initial. Ils ont donc été autorisés à modifier temporairement leurs pratiques.

« La qualité des produits ne doit pas être affectée pour que ces demandes soient approuvées », précisait l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) le 23 août dernier dans un communiqué où il s’engageait à étudier « avec réactivité » toutes les demandes de modification.

Plus de foin et moins d’herbe des prés pour valider l’AOP

Plusieurs arrêtés publiés au Journal officiel de ces derniers jours donnent donc la possibilité aux éleveurs d’utiliser en plus grande quantité du foin à la place de l’herbe pâturée, et du fourrage produit à l’extérieur de l’aire géographique fixée par l’AOP. Par exemple, les vaches dont le lait est utilisé pour fabriquer l’Abondance doivent d’habitude se nourrir avec au moins 50 % d’herbe des prés pendant la saison estivale. Cette année, cette proportion est ramenée à 15 % minimum.

L’arrêté du 25 octobre 2022 précise également que « du 1ᵉʳ août 2022 jusqu’à la mise à l’herbe 2023 de chaque exploitation et au plus tard le 31 mai 2023, la part de l’alimentation provenant de l’extérieur de l’aire géographique ne peut représenter plus de 50 % de la matière sèche consommée annuellement par le troupeau ». Alors qu’habituellement, le foin provenant hors zone locale ne peut pas dépasser un volume de 35 % par an.

30 jours de pâturage en moins

Pour le reblochon, le pâturage des vaches qui dure normalement au moins 150 jours pendant l’été a été réduit à 120 jours cette année. Alors qu’en temps normal, 100 % de leur fourrage doit provenir des montagnes de la Haute-Savoie et du Val d’Arly en Savoie (et 75 % pour les fermes à plus de 600 m d’altitude et les fermes d’alpage), les éleveurs pourront cette année se fournir ailleurs pour 25 % de leur fourrage (et jusqu’à 45 % quand ils sont situés à plus haute altitude).

D’autres AOP seront probablement modifiées dans les prochaines semaines. Les fromages ne sont par ailleurs pas les seuls impactés par les conséquences de la sécheresse. Le cahier des charges du « beurre Charentes-Poitou », du « beurre des Charentes » et du « beurre des Deux-Sèvres » est également modifié. Tout comme l’IGP Agneau du Quercy : jusque-là, l’animal ne pouvait pas être abattu après l’âge de 150 jours. Désormais, l’éleveur peut attendre jusqu’à 160 jours avant l’abattage.

Mauvaise récolte de flageolets

Enfin, dans les Hauts-de-France, les labels « flageolet vert » et « lingot du Nord » sont eux aussi touchés par le contexte climatique. « En temps normal, quand la nouvelle récolte arrive, nous n’avons plus le droit de conditionner la précédente en Label rouge », explique Catherine Asseman, directrice d’Asseman-Deprez, la société qui conditionne ces deux labels. Le cahier des charges de ces haricots impose que la date de durabilité minimale (DDM) apposée sur les paquets soit de 18 mois « afin de conserver toutes les caractéristiques organoleptiques du produit », à savoir une peau tendre et une texture fondante.

Mais la récolte 2022 s’annonce très mauvaise en raison de la sécheresse. D’où cette demande de décalage d’un trimestre pour éviter une rupture de stock : les haricots restant de l’année 2021 pourront continuer à être écoulés en Label rouge avec une DDM au 30 septembre 2023, au lieu du 30 avril 2023. Pour le consommateur, « il n’y aura de différence au niveau gustatif, assure Catherine Asseman. Il faudra peut-être cinq minutes de cuisson de plus, c’est tout. » Ce qui consommera… plus d’énergie.

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