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Monde

Brésil : Marina Silva, farouche ministre de l’Environnement

Marina Silva, ardente défenseuse de l'Amazonie et à nouveau ministre de l'Environnement de Lula.

Marina Silva, charismatique militante écolo née en Amazonie, est de retour au ministère de l’Environnement. Elle devra affronter les pilleurs de sa région natale, qui bénéficiaient du soutien de Bolsonaro. 

Déforestation record, enracinement du crime organisé, multiplication d’assassinats de défenseurs indigènes... La tâche de Marina Silva, la nouvelle ministre de l’Environnement du Brésil, s’annonce immense. Le mandat du chef d’État d’extrême droite Jair Bolsonaro a été celui d’une guerre ouverte contre la nature au nom d’un développement économique basé sur l’extraction — et ce, en dehors de tout cadre légal. Marina Silva a pour mission de détricoter cet héritage, en dépit d’institutions et d’un ministère fortement affaiblis, tout en proposant en modèle de développement alternatif.

Pour cette protestante évangélique aux origines humbles, née dans l’État d’Acre en plein cœur de l’Amazonie, la défense de l’environnement est une affaire personnelle. Enfant, elle parcourait des kilomètres pour aider son père à saigner les hévéas et récolter le latex. Elle qui était analphabète jusqu’à ses 16 ans est devenue vingt ans plus tard la plus jeune sénatrice de l’histoire du Brésil. Et, déjà, ministre de l’Environnement lors des premiers mandats de l’actuel président, Lula, dans les années 2000. Elle avait alors permis de diminuer la déforestation en Amazonie de 82 % entre 2004 et 2012. Mais l’autorisation donnée à la construction d’un immense barrage hydroélectrique dans sa région natale l’avait poussée à la démission.

« Fascistes fanatiques »

Face à la menace de Bolsonaro de ne pas reconnaître le résultat des urnes, Marina Silva avait mis ce différend de côté et avait rejoint sa campagne — sous condition de l’adoption d’une vingtaine de mesures en cas de victoire, dont l’implémentation d’une politique environnementale transversale. Lors de son discours de prise de fonction, la politique a assuré qu’elle travaillerait avec dix-sept autres ministères. Pour Marcio Astrini, secretaire exécutif du groupe de réflexion Observatoire du climat, Marina Silva « a l’expérience et l’autorité nécessaires » pour relever le défi colossal de la défense de l’environnement au Brésil, face à un Congrès très ancré à droite.

Marina Silva (ici en 2007) a été ministre de l’Environnement lors des deux premiers mandats de Lula. Elle avait alors contribué à largement réduire la déforestation. Wikimedia/ José Cruz/ABr / CC BY 3.0 BR

Le saccage du Congrès, de la Cour Suprême et du palais présidentiel par des militants bolsonaristes à la capitale Brasilia dimanche 8 janvier risquent de compliquer encore la tâche. « Des fascistes fanatiques », selon Lula, qui refusent de reconnaître la défaite de leur champion et s’en sont pris violemment aux institutions au cœur de la démocratie brésilienne. « Je ne serais pas étonnée si ceux qui bénéficient des crimes contre l’environnement sont ceux qui financent les attaques contre la démocratie, » avance Maiara Folly, cofondatrice du groupe de réflexion Plataforma Cipo. Ces liens ont été prouvés par le passé : la police avait constaté que des camions impliqués dans des crimes environnementaux ont participé aux blocages routiers par des militants bolsonaristes au lendemain de la victoire de Lula. 

Des premiers actes forts

« Cette instabilité politique asphyxie. Elle enlève l’oxygène politique pour construire de véritables politiques publiques, imposant un agenda de l’urgence, » analyse Natalie Unterstell, présidente du groupe de réflexion Talanoa. Mais Marina Silva bénéficie d’un soutien renforcé au sein du gouvernement Lula. Dès le premier jour de son mandat, le 1er janvier, le président revenant a signé une série de décrets : le premier ministère des peuples indigènes au monde a été créé, le plan de protection de l’Amazonie a été rétabli et étendu aux autres biomes, une mesure de soutien aux orpailleurs illégaux annulée...

Ces actes forts sont le fruit du travail de Marina Silva, de la société civile, et d’une prise de conscience de Lula sur la centralité de l’enjeu climatique sur la scène internationale, ainsi que du lien entre justice sociale et justice écologique. « À l’heure des grands choix sur des projets d’infrastructure, j’espère que Lula prendra la bonne décision », pointe Maiara Folly. Une chose semble sûre au vu de son passé : Marina Silva n’hésitera pas à claquer de nouveau la porte si nécessaire. Une menace qui pourrait peser à l’heure des décisions.

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