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Santé

Comment la chaleur affecte la santé mentale

Les troubles de la santé mentale augmentent lors des fortes chaleurs prolongées.

Les vagues de chaleur prolongées ont des effets négatifs sur la santé mentale. Plusieurs études scientifiques lient augmentation de la température et troubles psychiques.

Les gens vont moins bien pendant les périodes les plus chaudes, plusieurs études scientifiques récentes l’attestent. La dernière en date : celle d’une équipe de l’Imperial College de Londres publiée dans The Lancet cet été. Elle montre que l’augmentation de la température et les canicules sont associées à une hausse des admissions à l’hôpital pour des troubles de la santé mentale, ainsi qu’à une augmentation des suicides.

« L’augmentation des cas de dépression est en particulier bien identifiée. Les causes sont multiples, en premier lieu le manque de sommeil lié à des températures nocturnes élevées. Mais il y a également des raisons physiologiques », explique à Reporterre Emma Lawrance, première autrice de l’étude.

Plusieurs effets physiologiques de la chaleur sont listés par les scientifiques. L’augmentation de la température affecte les niveaux de certaines hormones comme la sérotonine et la dopamine qui ont un lien sur l’humeur et l’anxiété, avec des conséquences directes sur la santé mentale. Ces neurotransmetteurs influent aussi sur les fonctions cognitives. Leur diminution peut avoir — en particulier chez les plus âgés — un effet sur le stress et la capacité à faire face. L’augmentation de la température dans le cerveau crée également une neuro-inflammation qui peut jouer, notamment, sur la dépression.

Ces effets sur l’état psychique pourraient — entre autres — expliquer le passage à l’acte pour certains suicides, selon Rémy Slama de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).

Hausse des suicides

Le chercheur a étudié avec son équipe le registre des causes médicales de décès de l’Inserm qui remonte jusqu’à 1968. Les scientifiques ont croisé le nombre de décès survenant chaque jour dans chaque région française avec les températures quotidiennes. Leurs résultats publiés en août 2022 montrent que la mortalité par suicide croît régulièrement à mesure que la température augmente.

L’étude londonienne de 2023, en s’appuyant sur une méta-analyse d’une vingtaine d’études, a cherché à quantifier cette hausse : chaque degré supplémentaire de la température moyenne peut entraîner une augmentation des risques de suicide de 1 à 2 %.

Une précédente analyse australienne, qui compilait cinquante-trois études, publiée en 2021 dans Environment International, concluait également à un tel risque. Cette corrélation entre augmentation de la température et mal-être psychique n’est pas linéaire puisque les causes sont multiples et complexes. Mais elle est observable.

Les médicaments psychotropes accentuent les risques

« Les hypothèses existantes incluent au moins deux pistes non exclusives. D’une part, une modification des relations sociales quand les températures sont très élevées, qui pourrait influencer un passage à un acte suicidaire ; d’autre part, sur le plan biologique, une altération du fonctionnement des systèmes endocriniens et nerveux en cas de grande chaleur, qui pourrait augmenter le risque de suicide », commentait Rémy Slama sur le site de l’Inserm.

« Il faut également prendre en compte les inégalités spatiales et sociales face à l’exposition à la chaleur. Les hausses sont plus importantes dans les villes et dans les logements mal isolés », commente Emma Lawrance. La chercheuse pointe aussi « les effets sur l’anxiété de cette prise de conscience des enjeux climatiques face à des anomalies comme la période de chaleur tardive que la France vient de traverser ».

En regardant l’évolution des admissions hospitalières pour des raisons de santé mentale entre 2010 et 2019, une équipe étasunienne a montré une augmentation de 8 % des admissions à l’hôpital pour les journées parmi les 5 % les plus chaudes, dans une étude publiée en février 2022 dans la revue médicale Jama.

Les auteurs soulignent que ces risques concernent l’ensemble de la population, et pas seulement les personnes les plus vulnérables (personnes âgées ou atteintes de maladies psychiatriques). Néanmoins les personnes traitées pour des troubles psychiques sont particulièrement exposées. En cause, les médicaments psychotropes eux-mêmes, connus pour perturber la régulation de la température. « Les publics les plus vulnérables doivent être bien informés sur les risques. Dans les admissions pendant des périodes de forte chaleur, de nombreuses hospitalisations concernent des cas de schizophrénie », explique Emma Lawrance.

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