Contre la réforme des retraites, la gauche à nouveau unie

À Paris, ce mardi 10 janvier, premier meeting commun contre la réforme des retraites de la Nupes. - © Samuel Boivin / NurPhoto via AFP
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Lors d’une réunion organisée par Reporterre et le journal Fakir, les représentants des différentes composantes de la gauche ont montré leur opposition à une réforme des retraites « antisociale » et « anti-écologique ».
Paris (11e arrondissement), reportage
Cela faisait longtemps qu’on ne les avait pas vus aussi proches. Bras dessus bras dessous, les représentantes et représentants de la gauche échangeaient sourires et blagues, mardi 10 janvier, sur la scène de la salle Olympe de Gouges, à Paris. Réunis par Reporterre et le journal Fakir, ils s’étaient déplacés pour faire « front commun » face à la réforme des retraites, présentée quelques heures plus tôt par la Première ministre Élisabeth Borne. « Il s’agit de passer un message simple aujourd’hui : les syndicats sont unis, la gauche est unie », a déclaré d’emblée le député de la Somme, François Ruffin (La France insoumise).
Parmi tous les débats politiques, c’est la question des retraites qui a ravivé la flamme à la Nupes. Tour à tour, dans des argumentaires similaires, les représentantes et représentants des partis de gauche ont dénoncé une réforme « injuste », « brutale », « climaticide » et « antidémocratique ». Celle-ci prévoit notamment un report progressif de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans (contre 62 ans aujourd’hui), et une durée de cotisation progressivement portée à quarante-trois ans. « Pour nous, c’est non ! a lancé au micro Fabien Roussel, secrétaire national du Parti communiste. Pour la gauche, notre engagement commun c’est la retraite à 60 ans, pour toutes et pour tous ! »
Un engagement commun prometteur, car voilà quelques mois qu’on se demandait ce qu’était devenue la Nupes, l’alliance des partis de gauche créée au mois de mai. Rien ne s’était passé comme prévu depuis les élections législatives : le Parti socialiste et Europe Écologie-Les Verts avaient vertement critiqué la gestion de La France insoumise dans l’affaire Adrien Quatennens tandis que la secrétaire nationale des Verts Marine Tondelier avait qualifié de « forceurs » les insoumis souhaitant créer une liste commune pour les européennes… Bref, l’union était portée disparue.

L’annonce de cette réforme a également réconcilié d’autres acteurs : les syndicats de travailleuses et travailleurs. Emmanuel Macron « a réussi l’exploit, en seulement quelques jours de 2023, à faire qu’une intersyndicale existe. C’est la première fois depuis 2008 », a ironisé Marine Tondelier lors de sa prise de parole. En effet, dans la foulée de la présentation d’Élisabeth Borne, les huit principales organisations du pays (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, etc.) ont annoncé dans un communiqué commun une journée de mobilisation interprofessionnelle, fixée au 19 janvier.
« Imaginez un ou une salariée décharger un semi-remorque à 64 ans ! »
« Je vais beaucoup vous répéter cette date, vous allez la retenir, la mettre dans vos agendas et saouler tous vos proches pour qu’ils soient dans la rue ce jour-là », a poursuivi Marine Tondelier sur scène. Et de s’amuser à faire répéter le public (un millier de personnes tassées dans la salle parisienne) : « Quand ? Le 19 ! » Du fond de la pièce, une voix s’est élevée : « Le 21 ! » Une plaisanterie ? Non, une allusion à la « marche pour nos retraites » organisée à Paris par La France insoumise, le 21 janvier. Marche à laquelle, pour le moment, le reste de la Nupes n’a pas souhaité s’associer.
En-dehors de cela, les partis ont affiché une communion sans faille. Des meetings communs, estampillés Nupes, seront bientôt organisés « partout en France ». Le premier se tiendra le 17 janvier, au gymnase Japy à Paris (11e arrondissement). De quoi amorcer un rapport de force avec le gouvernement, pour empêcher la mise en œuvre de cette réforme très impopulaire : d’après un sondage réalisé pour le magazine Challenges et la chaîne BFM Business, 80 % des Français se disent opposés à un recul de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans.
« Imaginez un ou une salariée décharger un semi-remorque à 64 ans. C’est inconcevable ! », a protesté Mouloud Sahraoui, manutentionnaire pour la société de logistique Géodis, sur la scène de la salle Olympe de Gouges. « Je n’aurai pas le physique pour continuer toute ma carrière dans [mon] métier », a également témoigné Séverine Marotel, auxiliaire de vie. Même discours pour Frédéric Bedel, forestier à l’Office national des forêts, qui a rappelé les dos, articulations et oreilles usés de ses collègues. En France, « les bûcherons ont une espérance de vie de 62 ans », a-t-il précisé. Soit deux ans avant le futur âge légal de départ à la retraite.
« Aujourd’hui, ce qui nous réunit, c’est bien évidemment le combat contre la réforme des retraites. Mais en vérité, tout est lié », a rappelé Pauline Salingue, porte-parole du Nouveau parti anticapitaliste. Et de citer : l’enjeu de l’augmentation des salaires, des inégalités financières entre les femmes et les hommes, des conditions de travail des soignants…

Entre les applaudissements chaleureux, les notes de musique de la fanfare et les quelques vocalises sur « l’hymne des retraites » interprété par le mouvement féministe des Rosies – une reprise de la chanson « I will survive », devenue « Nous on veut vivre, pas survivre » – le public a retrouvé de la ferveur. De l’entrain. De l’envie de se battre pour ses droits. « Il faut toucher les cœurs, a déclaré François Ruffin. Les cœurs, c’est la joie. C’est dire que la retraite est l’occasion de s’occuper de ses petits-enfants, d’aller à la pêche, de prendre des cours de zumba. Et cette joie-là, il faut qu’on la défende avec joie. » L’image des représentantes et représentants politiques, ensemble, tout sourire, est un début.