Média indépendant, en accès libre pour tous, sans publicité, financé par les dons de ses lecteurs

Agriculture

Crise du lait : une victoire en trompe-l’œil

Un accord a été trouvé le 30 août entre les paysans et le groupe Lactalis sur le prix d’achat du lait. Mais il ne règle pas l’enjeu de fond : une crise structurelle, où la course mondiale à la surproduction élimine les petits paysans.

Crise du lait, fin d’un énième acte. Mardi 30 août à Laval (Mayenne), les producteurs et le groupe Lactalis sont parvenus à un accord. Après plus d’une semaine de bras de fer, les éleveurs pourront désormais vendre leur tonne de lait à 290 euros, contre 257 euros actuellement. Satisfaite, la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles) a immédiatement annoncé la levée des blocages et la fin des actions.

Agriculteurs devant l’usine Lactalis

Mais pour Laurent Pinatel, cet accord est un échec : « La négociation aboutit à prix trop bas pour faire vivre les producteurs. » Joint par Reporterre, le porte-parole de la Confédération paysanne estime qu’« à moins de 340 euros la tonne de lait, un éleveur ne survit pas ». Surtout, l’accord de Laval ne résout en rien la crise de surproduction profonde et européenne. « Bien sûr, les industries laitières profitent de la saturation du marché mondial pour jouer au moins-disant, mais la solution passe avant tout par une régulation politique », estime le syndicaliste.

Un avis partagé - une fois n’est pas coutume - par le ministre de l’Agriculture : « Il nous faut une nouvelle forme de maîtrise de la production laitière », a-t-il affirmé mardi 30 août, lors d’une conférence de presse à Paris. Cette « nouvelle forme », arrachée en juillet à ses partenaires européens, s’appelle « réduction volontaire de la production ».

Stéphane Le Foll lors de la conférence de presse le 30 août

Concrètement, s’il le souhaite, l’éleveur recevra 24 centimes par litre de lait non-produit. Une mesure financée par l’Union européenne (500 millions d’euros), et dans une moindre mesure, par la France (50 millions d’euros). « C’est une incitation à diminuer la production, estime Thierry Roquefeuil, président de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL). Pour un éleveur moyen, avec un troupeau d’une cinquantaine de vaches, ça va représenter 1.500 euros d’aide pour le dernier trimestre 2016 ».
Mais le risque serait de provoquer un « plan de licenciement massif », en poussant les éleveurs à abattre leurs vaches. Pour l’éviter, la réduction de la production est limitée à 5 % par rapport au dernier trimestre 2015. Un plafonnement qui rassure Josian Palach, de la Confédération paysanne : « C’est une désintensification, et ça peut permettre de stabiliser les prix du lait. »

A une condition, et pas des moindres : que tous les pays européens jouent le jeu. « C’est un coup de poker, note Josian Palach. Si certains pays augmentent leurs productions pendant que d’autres diminuent, ça ne sert à rien. Ce serait du gaspillage d’argent public. » Lors de la conférence de presse, Stéphane Le Foll s’est montré optimiste : « C’est la première fois depuis la fin des quotas laitiers qu’on a une régulation au niveau européen, c’est un moment très important ».

Mais une mesure temporaire et optionnelle pourra-t-elle enrayer une crise structurelle ? Laurent Pinatel en doute : « Ceux qui ont le pied sur l’accélérateur, comme l’Irlande ou le Danemark, vont continuer à accélérer, à s’agrandir, à prendre des parts de marchés. » La Confédération paysanne prône un système de tunnels des prix (présenté par Reporterre en juillet). C’est ce qu’elle va demander aux ministres de l’Agriculture européens, réunis au château de Chambord vendredi 2 septembre.

📨 S’abonner gratuitement aux lettres d’info

Abonnez-vous en moins d'une minute pour recevoir gratuitement par e-mail, au choix tous les jours ou toutes les semaines, une sélection des articles publiés par Reporterre.

S’abonner
Fermer Précedent Suivant

legende