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ReportagePolitique

EELV devient Les Écologistes : ça va changer quoi ?

À Pantin, le 14 octobre 2023.

Europe Écologie-Les Verts a entériné son changement de nom, pour devenir Les Écologistes. Les sympathisants sont partagés entre enthousiasme et circonspection autour de cette refondation.

Pantin (Seine-Saint-Denis), reportage

Nouveau nom pour une nouvelle vie. Le 14 octobre, lors d’un meeting politique organisé au tiers-lieu La cité fertile à Pantin, le parti Europe Écologie-Les Verts (EELV) est devenu Les Écologistes. Un changement de marque, qui est l’aboutissement d’un processus lancé au mois de février. Baptisé les « états généraux de l’écologie », ils s’étaient traduits par une enquête en ligne et des dizaines d’ateliers dans des groupes locaux partout dans le pays. L’objectif : tenter de mieux comprendre les préoccupations et les attentes des Français. Et de transformer le parti en conséquence.

À Pantin, après avoir demandé deux minutes de silence — l’une pour l’enseignant Dominique Bernard assassiné à Arras, et l’autre pour les victimes israéliennes et palestiniennes — la secrétaire nationale Marine Tondelier a réaffirmé sa volonté de développer plus simplement le parti politique, mais un grand mouvement tout autour. « Jamais le monde n’a autant eu besoin de politique, a-t-elle déclaré. Jamais le monde n’a eu autant besoin d’échange. Et surtout, en cette période troublée et troublante, quelle plus belle idée que celle de se retrouver pour faire face, ensemble. »

Pour séduire de nouveaux sympathisants, des outils vont donc être mis en place, d’une « académie verte » en ligne à une application pour smartphone. Mais concrètement, qu’est-ce qui va changer ? Reporterre a demandé aux personnes présentes ce qu’elles pensaient de ce grand chambardement.



Smaille Bentallah, 52 ans, Valence (Drôme) : « Ce processus va élargir l’audience »

© Mathieu Génon / Reporterre

Il fait partie des personnes qui se tenaient éloignées de la politique depuis plusieurs années, car il estimait que ses représentants avaient perdu la « jonction entre la réflexion et le concret ». Mais quand il a découvert sur Facebook le questionnaire en ligne lancé par Europe Écologie-Les Verts en février, Smaille Bentallah s’est pris au jeu. « J’ai trouvé la démarche sympathique, raconte-t-il. Ce n’était pas juste un simple sondage, j’ai senti une volonté d’élargir, d’ouvrir les portes. »

L’homme a ensuite été tiré au sort pour participer aux conférences citoyennes qui ont synthétisé les résultats du questionnaire, et bâti la nouvelle « feuille de route » censée guider la refondation du mouvement. « C’est un processus, il ne faut pas s’attendre à des résultats du jour au lendemain, répond-il quand on lui demande ce qui va changer. Il va y avoir des outils de connectivités entre les structures, les associations et le parti politique par exemple, ça va enclencher une dynamique et élargir l’audience. » Enthousiasmé par cette expérience, Smaille Bentallah réfléchit même finalement à prendre sa carte chez Les Écologistes.



Julie Pinchemel, 18 ans, Bordeaux (Gironde) : « On n’a pas révolutionné le militantisme aujourd’hui »

© Mathieu Génon / Reporterre

Elle a attaché à son sweat Sciences Po Bordeaux un badge aux couleurs du nouveau logo, mais Julie Pinchemel ne semble pas convaincue par la refondation du mouvement. Si elle salue la démarche de recueil des avis des citoyens, elle se questionne sur la suite.

« Je pense que les blocages qui ont été cités par les militants existeront toujours, prédit-elle. Oui, il y a un problème à toucher les gens qui vivent dans les ruralités. Mais ça, tous les partis le disent ! Et peu réussissent à le faire. » Pour l’instant, la jeune étudiante ne voit donc pas comment Les Écologistes comptent faire mieux. « On n’a pas révolutionné le militantisme aujourd’hui », ironise-t-elle à la sortie du discours de Marine Tondelier.

« Ils ont peut-être réussi leur coup »

À 18 ans, Julie Pinchemel est co-coordinatrice des Jeunes Écologistes à Bordeaux, mais n’a jamais voulu prendre la carte du parti. « Les Jeunes Écolos sont un mouvement autonome d’Europe Écologie-Les Verts, insiste-t-elle. Je n’ai pas l’ambition de m’investir dans le parti, de participer aux réunions ou aux groupes locaux. Donc si je prenais une carte, j’aurais l’impression que ce serait une carte fictive. »

Elle marque une pause, réfléchit : « Ceci dit, même si je n’adhère pas à Europe Écologie-Les Verts, on peut dire que je fais un peu partie des Écologistes maintenant, puisque je reçois leur lettre d’information. Donc ils ont peut-être réussi leur coup. »



Pascal Le Moal, 64 ans, Paris : « Je sens une volonté de faire remonter la parole du peuple »

© Mathieu Génon / Reporterre

Quand il a répondu au questionnaire en ligne, Pascal Le Moal, qui se revendique écologiste mais n’a jamais adhéré à un parti politique, ne s’attendait pas du tout à recevoir une réponse. Pourtant, peu après qu’il a exprimé ses indignations et ses espoirs pour l’avenir, des représentants d’Europe Écologie-Les Verts lui ont écrit. « J’ai eu envie d’en savoir plus », confie-t-il en souriant. Le voilà donc quelques mois plus tard, à écouter la succession de discours des « officiels » du parti. Et Pascal Le Moal est enthousiaste.

« Je sens une véritable volonté de partir de la base, de faire remonter la parole du peuple et de fabriquer quelque chose avec », explique-t-il. Une démarche qu’il qualifie de « vertueuse » et de « terriblement ambitieuse », mais aussi d’« extrêmement fragile » : « En ouvrant à tous les portes du parti, comment être sûr que les nouveaux arrivants vont avoir la même ligne ? » interroge-t-il. Malgré cette question qui reste en suspens, Pascal Moal pense, contre toute attente, prendre sa carte au parti. « J’ai envie que ça marche, donc je vais essayer de m’y associer. »



Abdallah Slimani, 22 ans, Vaulx-en-Velin (Rhône) : « Il faut arrêter les querelles internes »

© Mathieu Génon / Reporterre

Ce qu’il espère voir changer dans le parti ? D’emblée, Abdallah Slimani évoque la fin des « querelles internes ». Il faut dire qu’Europe Écologie-Les Verts est connu pour être un parti où différentes « lignes » s’affrontent régulièrement. « Il faut arrêter ce système de jeux de motions, où ceux qui gagnent se partagent ensuite les désignations de postes », affirme cet étudiant, également membre du conseil fédéral du parti. Selon lui, ces débats et ces drames incessants « freinent l’avancée de l’écologie politique ».

D’où la nécessité d’une refonte des statuts du parti. En parallèle de la présentation à Pantin, le parti s’est réuni en conseil fédéral les 14 et 15 octobre pour « voter une méthode » de cette réforme. Elle devrait être menée dans les mois à venir, a déclaré Marine Tondelier.



Sophie Gourmelon, 62 ans, Clichy (Hauts-de-Seine) : « Ce n’est pas clair pour moi »

© Mathieu Génon / Reporterre

Cette coresponsable d’un groupe local du parti n’en fait pas un secret : elle a hésité au moment de voter pour la « feuille de route » actant la refondation du mouvement. « Ce n’était pas clair du tout pour moi », reconnaît-elle.

Certes, des nouveaux outils vont être mis en place, entre le développement d’une application mobile et un site internet tout neuf. Un « élargissement » des frontières est également mis en avant. Mais concrètement, qu’est-ce qui va vraiment changer dans le fonctionnement du parti ? Sophie Gourmelon, adhérente d’Europe Écologie-Les Verts depuis près de six ans, n’arrive pas à l’expliquer.

« C’est beaucoup d’énergie et d’intelligence dépensées pour on ne sait pas trop quoi »

« Ce processus a commencé il y a des mois. J’ai le sentiment que c’est beaucoup d’énergie et d’intelligence dépensées, pour on ne sait pas trop quoi, poursuit-elle. Mais je fais confiance à Marine Tondelier [la secrétaire nationale du parti] et Léonore Moncond’huy [la maire écologiste de Poitiers, coordinatrice de cette refondation]. Si elles estiment que c’est une démarche importante, je les suis. »

Elle retient d’ailleurs un point positif : cette actualité pourra sûrement lui servir de prétexte pour en parler à son entourage. Et tenter de les convaincre d’adhérer.



Marianne Floch, 23 ans, Brest (Finistère) : « On va rendre plus lisibles les questions qu’on porte »

© Mathieu Génon / Reporterre

Elle le reconnaît, elle n’est pas en train d’assister à un changement « fondamental » du parti. Mais Marianne Floch, adhérente d’Europe Écologie-Les Verts depuis deux ans, a bon espoir que la communication autour de la refondation du mouvement permettra de le rendre « plus lisible » auprès grand public. « La plupart des gens sont d’accord avec les questions de justice climatique et sociale. Mais c’est juste qu’ils ne sont pas au courant que c’est ce qu’on porte, juge-t-elle. L’écologie ce n’est pas juste planter des arbres. Fin du monde et fin du mois, c’est le même combat. »

Marianne Floch se réjouit particulièrement de la création de nouveaux outils comme l’application. « Enfin on aura une vraie visibilité et lisibilité de ce que font les écologistes, dit-elle en souriant. On fait beaucoup de choses depuis longtemps, d’un café-débat dans un tiers-lieu, à une manif’ comme celle de Sainte-Soline. Cette appli va permettre de tout réunir. »



Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France : « Nous allons mieux travailler avec le parti »

© Mathieu Génon / Reporterre

L’événement est quasi-historique. « Greenpeace ne vient jamais à des meetings politiques », rappelle Jean-François Julliard, son directeur général en France. Cette fois, il a pourtant fait le déplacement à Pantin le 14 octobre, après avoir été associé — comme des dizaines d’autres ONG — au processus des États généraux de l’écologie. L’objectif : « mieux travailler ensemble ».

« À Greenpeace, on a toujours travaillé avec les autres organisations environnementales, explique Jean-François Julliard. Il faut qu’on sorte de notre sphère actuelle, qu’on aille chercher des partenaires qui ne sont pas nos alliés naturels. »

« On a besoin de massifier le mouvement écolo »

La tâche n’est pas aisée, l’organisation souhaitant toujours garder une indépendance politique. « On n’est pas là pour appeler à voter pour les Écologistes ou un autre parti », insiste-t-il. Mais le constat d’un partage de valeurs communes et d’objectifs similaires a incité Greenpeace France à collaborer avec le parti sur cette refondation.

Ainsi, les actualités et les mobilisations organisées par Greenpeace seront par exemple partagées sur la nouvelle application. « On a besoin de massifier le mouvement écolo sensible à l’environnement, répète Jean-François Julliard. Que les gens trouvent leur place dans une association ou un parti politique, peu importe. Il faut massifier le mouvement parce qu’aujourd’hui on ne pèse pas assez face à des décideurs qui n’agissent pas assez vite. »

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