« Tout va changer » : pourquoi EELV devient Les Écologistes

Marine Tondelier, secrétaire nationale d'EELV, lors des Journées d'été du parti au Havre, le 24 août 2023. - © AFP / Lou Benoist
Marine Tondelier, secrétaire nationale d'EELV, lors des Journées d'été du parti au Havre, le 24 août 2023. - © AFP / Lou Benoist
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Nouveau nom, adhésion non obligatoire, application mobile... Le parti vert se refonde le 14 octobre, pour s’ouvrir à davantage de Français. Mais les contours de ce changement restent vagues.
En conférence de presse, nombreux sont les journalistes à ne pas saisir en quoi consiste la fameuse « refondation » d’Europe Écologie-Les Verts (EELV), promise depuis plusieurs mois et dont l’aboutissement est prévu le 14 octobre à Pantin (Seine-Saint-Denis). Alors Marine Tondelier, secrétaire nationale du parti, a une formule d’explication toute prête : « Tout va changer, sauf nos valeurs ! »
Plus concrètement, Europe Écologie-Les Verts, qui veut se rebaptiser « Les Écologistes », a pour ambition de devenir « bien plus qu’un parti politique », affirme-t-elle. Soit un grand mouvement, qui regrouperait à la fois des adhérents encartés et des personnes moins engagées.
Dès le mois de février, l’élue au conseil municipal d’Hénin-Beaumont avait lancé les « états généraux de l’écologie » — qui se sont traduits par une enquête en ligne, des ateliers dans des groupes locaux partout en France, et la possibilité de déposer des cahiers de doléances. L’objectif : tenter de mieux comprendre les préoccupations et les attentes des Français intéressés par les enjeux écologiques.
« Au total, ce sont à peu près 30 000 personnes qui ont pu s’exprimer dans cette première grande phase d’enquête populaire, indique fièrement Léonore Moncond’huy, maire écologiste de Poitiers (Vienne). C’est évidemment bien plus que les adhérents actuels de notre mouvement [le parti compte aujourd’hui 11 000 adhérents]. » En outre, près de 180 associations ont également été consultées pendant les « 150 jours » du processus.
Pour « passer du constat aux propositions concrètes », des conférences citoyennes ont ensuite été mises en place, composées à la fois d’adhérents et de simples participants à la première phase d’enquête. Ces groupes se sont réunis plusieurs fois en septembre, avant de parvenir à la rédaction d’une synthèse. C’est donc cette « feuille de route » — actuellement soumise au vote des 30 000 répondants — qui doit être présentée le 14 octobre à Pantin.
Un engagement à la carte
Première conclusion de ce long processus fastidieux : les répondants estiment que le parti est trop « élitiste », composé d’élus « hors sol », et pas suffisamment représentatif de la société française.
« Le constat est dur, mais forcément, si c’est ce que vous ressentez, c’est qu’il nous faut changer », reconnaît EELV dans la feuille de synthèse. D’où une volonté d’aller séduire davantage de jeunes, des habitants des territoires ruraux et des quartiers populaires. « Ce n’est qu’à cette condition que nous serons un mouvement réellement inclusif, dans lequel une diversité de Français pourra se reconnaître et potentiellement se dire “Ce mouvement, c’est aussi le mien” », estime Léonore Moncond’huy.

Plus globalement, le parti a l’intention de s’élargir en proposant un mouvement « à la carte », pour permettre à chacun de s’engager « selon ses disponibilités et ses envies ». « Les gens qui veulent juste recevoir la newsletter la recevront, ceux qui veulent juste télécharger notre application smartphone le pourront », énumère Marine Tondelier. Même chose pour les personnes désirant seulement « des conseils “lifestyle” pour limiter leur impact sur l’environnement » ou connaître les actions des associations autour de chez eux. Le tout, sans que l’adhésion au parti politique ne soit une obligation — ce qui était jusque-là perçu comme un repoussoir, d’après certains répondants aux questionnaires.
En plus de la feuille de route, l’événement du 14 octobre sera donc le moment de dévoiler ladite nouvelle lettre d’information, l’application ou encore une offre de formations gratuites, baptisée « l’académie verte ». Tout comme un logo tout neuf, au nom des Écologistes (même si les mots « Europe Écologie-Les Verts » devraient continuer d’apparaître sur les documents officiels liés aux élections européennes de juin 2024, pour éviter toute confusion).
Séduire « 1 million de sympathisants »
« Ce n’est pas totalement nouveau, cela fait plus de vingt ans maintenant que les Verts réfléchissent à la manière dont ils pourraient transformer leur parti et leur mouvement de manière durable », rappelle Simon Persico, enseignant-chercheur en science politique à Sciences Po Grenoble. En 2010, le parti avait par exemple déjà créé un statut de « coopérateur », plus souple qu’une adhésion. « Sans que cela ne se transforme véritablement », analyse le politologue.
Cette volonté s’est toutefois amplifiée ces dernières années, avec le succès du parti aux élections européennes de 2019 (13,47 % pour la liste conduite par Yannick Jadot) et municipales de 2020 (des maires écolos ont été élus à Grenoble, Lyon, Strasbourg, Bordeaux, Poitiers…).
L’échec de Yannick Jadot à la présidentielle de 2022 (4,6 %) y a aussi contribué, estime Simon Persico : « Cela a montré les limites du parti, le fait que le nombre d’adhérents et de sympathisants n’était pas assez élevé, et que beaucoup de citoyens et d’organisations du mouvement écologiste n’avaient pas l’impression que le parti était leur allié naturel dans le système politique. »
D’où le souhait exprimé par Marine Tondelier, dès son élection au secrétariat national du parti en décembre 2022, de séduire « 1 million de sympathisants » (et non pas 1 million de personnes encartées) d’ici 2027.
Davantage de démocratie
Alors, cette nouvelle expérimentation sera-t-elle plus fructueuse que les précédentes ? « Europe Écologie-Les Verts s’appuie aujourd’hui sur ce qu’il a appelé les états généraux de l’écologie, rappelle Simon Persico. Il y a eu une mobilisation large pour élargir les cercles et toucher des gens ou des organisateurs extérieurs au parti. »
L’enseignant-chercheur souligne que cette démarche a été accompagnée par des organisations spécialisées dans les démarches participatives, comme Démocratie ouverte, qui se sont assurées que le processus était clair pour les participants, et que les Verts tiendraient compte de ce qui s’était dit dans ces différents espaces d’expression.
« Cela donne un souffle permettant de penser que le processus de changement a cette fois plus de chance d’aboutir », juge Simon Persico. « Cette démarche a été un risque, elle doit être saluée », approuve de son côté Julie Maurel, représentante de l’association Démocratie ouverte.

Europe Écologie-Les Verts tient aussi à renforcer la démocratie au sein de ses propres rangs. En parallèle de la présentation à Pantin, le parti se réunira en conseil fédéral les 14 et 15 octobre pour « voter une méthode » de réforme de ses statuts. Sans davantage de détails. « Une réforme statutaire, ça prend du temps, précise Marine Tondelier. En fonction de la feuille de route du nouveau mouvement, on écrira [dans les mois à venir] les statuts qui correspondent. »
Si l’enthousiasme de Marine Tondelier est évident et majoritaire (elle a reçu 90,8 % des voix lors du congrès du parti en 2022), cette « refondation » ne semble pas ravir tout le monde. Une parlementaire écologiste raillait par exemple dans les colonnes du Figaro : « Ce sera formidable. Personne n’a vraiment compris de quoi il s’agissait. » Un autre critiquait encore : « C’est plus que gadget. On bricole, mais on ne change rien en profondeur. »
Plus d’un millier de personnes — des adhérents comme de simples curieux — est donc attendu à Pantin le 14 octobre pour « rebâtir ensemble » le mouvement. « Le début d’une nouvelle histoire », selon les mots de Marine Tondelier.