En France et en Allemagne, l’écologie crée la surprise aux Européennes

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Forte poussée de l’extrême droite dans toute l’Europe, mais affirmation nette de l’écologie dans plusieurs pays, dont surtout l’Allemagne et la France : le paysage politique se recompose, tandis qu’en France, M. Macron perd son pari, ainsi que la France insoumise.
En France, alors que l’on s’attendait à ce que les électeurs désertent les urnes, la participation a été plus forte que prévue, à 50,12 %, soit 8 points de plus que les 42,43 % de 2014. Une tendance européenne puisque la participation est en hausse dans toute l’Union, et atteindrait selon les chiffres du Parlement européen en moyenne 50, 95 % tous pays confondus.
Le Rassemblement national (RN) — avec sa tête de liste Jordan Bardella — est arrivé en tête des résultats aux élections en France, dimanche 26 mai, rassemblant 23,31 % des suffrages exprimés. De façon générale en Europe, les nationalistes et l’extrême droite gagnent du terrain, en particulier en Italie (la Ligue de Matteo Salvini), en Hongrie (parti souverainiste Fidesz de Viktor Orban) et au Royaume-Uni (Parti du Brexit de Nigel Farage).
Emmanuel Macron, qui entendait faire barrage a l’extrême droite, a donc perdu son pari. La liste du parti présidentiel, nommée Renaissance et emmenée par Nathalie Loiseau, est juste derrière le RN, à 22,41 %.
La surprise a été créée par les Verts d’Europe Écologie. La liste menée par Yannick Jadot sort troisième, avec un résultat bien au-dessus des prévisions des sondages, à 13,47 %. De façon générale, dans l’Union, les écologistes sortent renforcés de ce scrutin et devraient devenir le quatrième groupe au Parlement européen avec 70 députés. Ils ont notamment progressé en Allemagne, en Belgique, et en Grande-Bretagne.
Enfin, de façon encore plus accentuée en France qu’au niveau européen, on observe un recul des partis qui dominaient traditionnellement le Parlement. Xavier Bellamy, qui menait la liste des Républicains, est bon quatrième à 8,48 % des suffrages exprimés. Le PS, allié à Place publique de Raphaël Glucksmann, franchit difficilement les 6 % en sixième position. Au niveau du Parlement, le groupe PPE, à droite, qui a toujours dominé l’Assemblée, perd des sièges, de même que le second groupe, celui des Socialistes & Démocrates.
La déception est grande également pour la France insoumise, qui n’arrive que cinquième avec 6,19 % des voix exprimées. Suivent, dans l’ordre :
- la liste Debout la France de Nicolas Dupont-Aignan à 3,51 % ;
- celle de Benoît Hamon à 3,27 % ;
- Jean-Christophe Lagarde à 2,50 % ;
- Les communistes avec Ian Brossat à 2,49 % ;
À noter aussi :
- le score du Parti animaliste à 2,17 % ;
- Urgence écologie de Dominique Bourg est à 1,82 % ;
- La liste de François Asselineau pour le Frexit est à 1,17 % ;
Les autres listes sont à moins de 1 %, les résultats détaillés étant disponibles sur le site du ministère de l’Intérieur.
ALLEMAGNE : SUCCÈS DE L’ÉCOLOGIE, LE VOTE DES JEUNES

- Berlin, correspondance
À la une de la presse allemande au lendemain des élections européennes, s’affichent les sourires radieux des écologistes. Désormais deuxième force politique d’Allemagne, leur succès est même un « triomphe » pour le journal conservateur Die Welt et celui de centre-gauche Die Süddeutsche Zeitung.
Avant l’annonce des résultats dimanche soir, les écologistes allemands s’étaient pourtant montrés prudents. Par le passé, ils ont été trop souvent déçus de leurs scores électoraux, presque toujours en-deçà des sondages. Mais cette fois-ci, leurs espoirs n’ont pas été vains. Crédités de 18 à 19 % d’intentions de votes à deux jours du vote, les Grünen vont finalement au-delà, enregistrant le meilleur score de leur histoire. Avec 20,5 % des voix, ils envoient 21 députés au Parlement européen, soit dix de plus qu’en 2014.
Dimanche soir, tels des champions de football, les têtes de liste Ska Keller et Sven Giegold ont été applaudies pendant vingt minutes par des militants euphoriques, réunis pour fêter la victoire à Berlin. Le visage rayonnant, Ska Keller a salué un « résultat sensationnel » et un « travail d’équipe grandiose ». « Cela nous donne une mission et la responsabilité de faire les choses, surtout en matière de protection du climat », a-t-elle déclaré.
Les écologistes confirment une tendance amorcée l’automne dernier lors de scrutins régionaux. Hier, ils sont arrivés en tête dans plusieurs grandes villes du pays, notamment Berlin, Hambourg, Francfort ou encore Munich, où ils dépassent les 40 %. Mais aussi, plus surprenant, ils l’emportent dans les cités ouvrières du bassin industriel de la Ruhr, comme Bochum, Essen et Dortmund, traditionnellement acquises à la social-démocratie.
Selon la chaîne de télévision publique ZDF, ils ont pris 1,4 million de voix au SPD (centre-gauche) et 1,25 million à la CDU/CSU (conservateurs). Les deux formations, actuellement au pouvoir sous la houlette de la chancelière Angela Merkel, perdent respectivement 11,5 et 6 points par rapport à 2014, minés par la défiance envers les partis traditionnels, des tensions internes et une perte de crédibilité.
Les Grünen sont la formation qui a le plus profité de la mobilisation des électeurs : 61,4 % d’entre eux se sont déplacés dans les bureaux de vote, 10 points de plus qu’il y a cinq ans. Parmi eux, 36 % des ex-abstentionnistes ont choisi la liste écologiste, contre 11 % seulement pour les conservateurs d’Angela Merkel.
Surtout, les écologistes allemands sont désormais le premier parti chez les moins de 25 ans (34 %), avec un positionnement clairement antinationaliste et un engagement pour le climat, deux sujets en tête des préoccupations de cette classe d’âge outre-Rhin. Le vote écologiste est devenu un marqueur générationnel, qui fait écho au succès des manifestations de jeunes pour le climat organisées le vendredi à l’initiative de la militante suédoise Greta Thunberg et de l’étudiante allemande Luisa Neubauer. Lancé deux jours avant le scrutin, l’appel de 80 jeunes youtubeurs allemands à « protéger le climat » et « ne pas voter pour la CDU, le SPD et l’AfD [extrême-droite] », visionné plus de trois millions de fois, a probablement enfoncé le clou.
Dépassé par les Verts, le Parti social-démocrate est en pleine débâcle, au point que certains ténors du mouvement appellent ce lundi à quitter le gouvernement d’Angela Merkel. Si cela venait à se confirmer, la chancelière ne pourrait pas ignorer les écologistes, désormais incontournables pour diriger l’Allemagne.
LA BELGIQUE FLAMANDE VOTE À L’EXTRÊME DROITE, LA WALLONIE VOTE À GAUCHE ET ÉCOLO
- Bruxelles, correspondance
La Belgique devait élire 21 eurodéputés, ce dimanche 26 mai, avec une particularité, pour ce pays qui, pour une question de représentativité, possède trois collèges électoraux différents : un pour les électeurs néerlandophones (12 sièges), un pour les francophones (8) et un pour les germanophones (1). Les Belges élisaient également leurs représentants aux parlements régionaux et fédéraux. Sans grande surprise, les résultats présentent des tendances similaires à la sortie des urnes de tous ces scrutins, avec les mêmes cartographies montrant un pays toujours plus divisé.
Ce sont d’abord les nationalistes flamands, dont le parti d’extrême droite Vlaams Belang, qui ont réalisé les scores les plus élevés. Ils raflent le plus grand nombre de sièges, soit 3 pour la NV-a (qui perd un siège, tout en restant au dessus de 30 %) et 3 pour le Vlaams Belang (qui en gagne deux). Au niveau national, la même « vague brune », comme le titre Le Soir, a submergé la Flandre. Au sud, en revanche, les électeurs ont voté bien plus à gauche, le PS étant en tête, tandis que le parti Écolo et le Parti du travail belge (PTB) ont réalisé la plus forte progression. Aucune liste de parti nationaliste ou d’extrême droite ne figurait parmi les candidats. La deuxième grande percée dans les résultats est donc celle des partis verts qui auront 3 sièges (2 pour Écolo et 1 pour Groen) au Parlement européen. Écolo a réalisé la même performance aux parlements de Bruxelles et à celui de Wallonie : un résultat qui avait été pressenti pendant la campagne.
Vote pour l’extrême droite et vote pour l’écologie, les Belges se sont donc inscrits eux aussi dans la même tendance que le reste des électeurs européens.
EN ESPAGNE, PAS D’ÉCOLOGISTES, LES SOCIALISTES EN TÊTE

- Madrid, correspondance
On prend les mêmes, dans le même ordre, et on recommence. Porté par la victoire de Pedro Sánchez le mois dernier lors des législatives, le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) arrive en tête du scrutin avec près de 33 % des suffrages. La liste de Josep Borrell, ancien président du Parlement européen, obtient 20 eurodéputés sur les 54 attribués au pays. Les socialistes devancent largement les conservateurs du Parti populaire (20 % et 12 sièges). Suivent ensuite les libéraux de Ciudadanos avec 12,2 % et 7 eurodéputés. Podemos (gauche radicale) obtient 10 % des votes (6 sièges) et Vox, la formation d’extrême-droite qui a surgi au cours des derniers mois, 6,2 % (3 sièges).
L’Espagne est épargné par la vague eurosceptique qui touche de nombreux voisins. Le pays n’a, aussi, pas pris la « vague verte » : Equo, le seul parti écolo, n’a pas présenté de candidats pour cause de brouilles internes.Du côté des indépendantistes catalans, Carles Puigdemont (JxCAT-Lliures), en Belgique pour échapper aux poursuites judiciaires, et Oriol Junqueras (Ahora Repúblicas), en détention provisoire et actuellement jugé pour son rôle dans la tentative de sécession, ont été élus. Reste à savoir s’ils pourront exercer leur mandat.
Comme dans la plupart des pays européens, la participation a connu une forte hausse. 64,3 % des électeurs se sont déplacés, soit 18 points de plus qu’il y a cinq ans. Un chiffre essentiellement attribué à la triple convocation dominicale : hier, les Espagnols ont également voté pour les régionales et les municipales. Celles-ci ont notamment vu la sèche défaite de Manuel Valls à Barcelone.