En Colombie, la victoire historique de la gauche écologiste

Gustavo Petro et Francia Marquez célébrant leur victoire en Colombie, le 20 juin 2022. - Facebook/Gustavo Petro
Gustavo Petro et Francia Marquez célébrant leur victoire en Colombie, le 20 juin 2022. - Facebook/Gustavo Petro
Durée de lecture : 4 minutes
Monde PolitiqueGustavo Petro devient le premier président de gauche de l’histoire colombienne lors de l’élection du 19 juin, avec sa vice-présidente Francia Marquez, leadeuse afrocolombienne et écologiste.
Les Colombiens voulaient un changement radical et l’ont montré dans les urnes dimanche 19 juin. Pour la première fois dans l’histoire de la Colombie, ils ont choisi un président de la République socialiste et surtout une vice-présidente afrocolombienne, écologiste et féministe. Avec une participation importante de 57 %, l’économiste et ex-guérillero du M-19 dans sa jeunesse a devancé son adversaire de trois points : Gustavo Petro a recueilli 50,44 % des voix, contre 47,31 % pour Rodolfo Hernandez, son concurrent de droite.
Así fue mi voto, en medio de mi pueblo trabajador de Puente Aranda, Bogotá pic.twitter.com/q0n4yTpD23
— Gustavo Petro (@petrogustavo) June 19, 2022
À 62 ans, le sénateur et ex-maire de Bogota se présentait pour la troisième fois à cette élection nationale à la tête d’une coalition appelée « Pacto historico » (Pacte historique). « Le gouvernement qui entrera en fonction le 7 août sera celui de la vie, de la paix, de la justice sociale et de la justice environnementale », a-t-il déclaré dimanche soir devant des milliers de partisans, au côté de sa famille et de sa colistière Francia Marquez.
Jeunesse et écologie
Après deux crises sociales majeures en 2019 et 2021 contre le gouvernement conservateur d’Iván Duque, durant lesquelles la jeunesse était en première ligne, cette dernière a voté massivement pour le changement et l’espoir que suscitait le programme de Gustavo Petro.
Il a notamment mis l’écologie, la défense de l’Amazonie et à des minorités ethniques au cœur de sa campagne, du jamais vu dans un pays habitué à une droite conservatrice et des élites corrompues. Il a aussi promis l’université gratuite, des systèmes de santé et des retraites publics, une économie plus juste basée sur l’agriculture et le tourisme, et il souhaite enfin reprendre des négociations avec les groupes armés.
Ibagué. Hora de liberar las conciencias. Hora de ciudadanías libres. Es te es tu triunfo juventudes de todos los colores. pic.twitter.com/iwZ92DUMPl
— Gustavo Petro (@petrogustavo) June 20, 2022
La vice-présidente de « los nadie »
Mais c’est surtout sa vice-présidente qui soulève un vent d’espoir parmi les foules en attirant aux urnes les plus vulnérables. Francia Marquez, 40 ans, est le symbole de tous ces leadeurs sociaux et écologistes qui luttent pour les droits des humains à travers le pays et qui sont constamment assassinés ou menacés de mort. Issue d’une famille pauvre du village de Suarez, dans le département du Cauca, l’ancienne femme de ménage, mère célibataire de deux enfants, n’a cessé de lutter pour défendre les droits des Afrocolombiens et de leurs terres ancestrales.
Lire aussi : Le combat dangereux de Francia Marquez contre l’exploitation minière en Colombie
« Nous avons enfin un gouvernement du peuple, le gouvernement des gens ordinaires, le gouvernement de los nadie [du peuple], de ceux qui ne sont rien en Colombie. Nous allons réconcilier cette nation, nous nous battons pour la paix sans peur, la dignité, la justice. Nous allons éradiquer le patriarcat de notre pays, nous luttons pour les droits LGBTIQ+, pour ceux de notre madre tierra [Terre mère], de notre Grande Maison », a-t-elle lancé dimanche soir.
L’espoir des « oubliés » colombiens
Rencontrée en 2018 pour Reporterre après avoir reçu le prix Goldman (le Nobel de l’environnement), Francia Marquez venait d’ouvrir un petit restaurant en bord de route avec sa mère dans les quartiers pauvres de Cali, troisième ville colombienne. Elle menait de front ses études d’avocate à l’université et la défense des territoires afrocolombiens, gangrenés par la violence, le trafic de drogue et les exploitations minières illégales, et luttait contre les multinationales. Plusieurs fois menacée de mort pour ses engagements, à l’époque, elle ne souhaitait pas de photos en pleine rue.
Novice en politique nationale, elle est le visage de cette Colombie reculée, rurale et souvent délaissée aux mains des groupes armés, de ces minorités trop souvent oubliées par les gouvernements en place. Francia Marquez est l’espoir de toute une partie de la population qui pourrait enfin être écoutée et voir la fin des inégalités sociales.