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Eau et rivières

En Île-de-France, les gros défauts de la purification high-tech de l’eau

Jusqu'au 20 juillet 2023, un débat public est ouvert autour d’un projet controversé d’usine d’eau potable à « osmose inverse basse pression » (OIBP).

Un projet d’eau potable sans chlore ni micropolluants est au cœur d’un débat public. Pour ses opposants, le projet compromet la lutte contre les pollutions dès leur origine.

Faut-il déployer des technologies de pointe pour répondre au problème de la pollution de l’eau ? Le 20 avril s’ouvrait à Paris un vaste débat public autour d’un projet controversé d’usine d’eau potable à « osmose inverse basse pression » (OIBP). Une opposition frontale est rapidement apparue, parmi la foule massée dans la cale d’une péniche, au cœur de la capitale, pour la soirée de lancement du processus qui doit durer trois mois.

D’un côté, le Syndicat des eaux d’Île-de-France (Sedif), pourvoyeur d’eau potable de quatre millions de Franciliens, qui compte déployer la technique dans ses trois principales usines (Méry-sur-Oise, Choisy-le-Roi et Neuilly-sur-Marne). Il promet une eau sans chlore ni calcaire ou micropolluants.

De l’autre, militants écologistes, élus locaux et syndicats mixtes s’inquiètent d’un projet coûteux aux nombreux effets collatéraux.

« L’OIBP est un permis de polluer »

La technologie d’OIBP, déjà utilisée pour dessaler l’eau de mer, consiste à filtrer l’eau avec des membranes comprenant des pores 10 000 à 100 000 fois plus petits que l’épaisseur d’un cheveu. Elle permet d’éliminer les micropolluants, comme les traces du fongicide chlorothalonil propulsé dans l’actualité par une récente étude.

Mais les opposants au projet dénoncent une « fuite en avant technologique », qui compromet les efforts de lutte contre les pollutions dès leur origine. « Le Sedif a consacré deux millions d’euros en dix ans au plan Écophyto [de réduction des produits phytopharmaceutiques], elle va consacrer presque un milliard à l’OIBP, regrette Jean-Claude Oliva, président de la régie publique d’Est ensemble (regroupant neuf communes de Seine-Saint-Denis) et coordinateur de la Coalition eau Île-de-France. L’OIBP est un permis de polluer. »

Le Sedif brandit de son côté le « principe de précaution » : « Malheureusement, nous pensons que la disparition des polluants risque de prendre des décennies, en attendant, notre devoir est de les filtrer », affirme son premier vice-président, Luc Strehaiano.

Une facture d’eau plus importante

L’OIBP pose un problème financier. L’installation doit coûter 870 millions d’euros et les usines consommeront plus d’électricité [1], pour maintenir l’eau sous haute pression afin de la faire passer à travers les membranes « haute performance ». Cela fera grimper la facture d’eau de 36 à 48 euros par foyer et par an. « On fait payer entièrement aux usagers la dépollution de l’eau, au détriment de l’accès à l’eau pour tous », regrette Dan Lert, président d’Eau de Paris. S’appuyant sur deux études qu’il a commandées, le Sedif promet aux usagers des économies de long terme, grâce à une meilleure longévité des appareils électroménagers, qui seront préservés des ravages du calcaire. Cependant, les opposants contestent la fiabilité de ces résultats.

Cette technologie nécessite également de capter 15 % d’eau en plus pour la même quantité d’eau potable produite. Ce volume sera rejeté dans la nature à la fin du processus. Cette eau contiendra également tous les résidus de micropolluants qui auront été prélevés. C’est ce qui a valu au projet pilote du Sedif un avis défavorable de l’Agence de l’eau et un refus d’autorisation de la préfecture de Seine-et-Marne, en janvier 2022.

Ce projet « précurseur » intervient dans une « guerre de l’eau », qui oppose les modèles public et privé en Île-de-France. Avec l’OIBP, Veolia, partenaire indéfectible du Sedif, s’offre une vitrine et pèse pour un durcissement des réglementations européennes, espérant diffuser à travers le monde sa technologie, pour en tirer des rentes importantes.

La période de débat, ouverte jusqu’au 20 juillet, donnera lieu à un rapport de la Commission nationale du débat public, qui n’aura aucun pouvoir bloquant sur le projet.

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