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Santé

En Loire-Atlantique, parents et scientifiques enquêtent sur les cancers des enfants

Voilà quatre ans que le collectif Stop aux cancers de nos enfants (SCE) se bat pour comprendre, enfin, la cause de ces cancers pédiatriques à Sainte-Pazanne, près de Nantes.

Des parents inquiets et un État absent. Le collectif Stop aux cancers de nos enfants vient de créer l’Institut citoyen de recherche et de prévention en santé environnementale à Sainte-Pazanne, près de Nantes.

Sainte-Pazanne (Loire-Atlantique), correspondance

Pourquoi tant d’enfants sont-ils touchés par un cancer sur le secteur de Sainte-Pazanne en Loire-Atlantique ? Voilà quatre ans que le collectif Stop aux cancers de nos enfants (SCE) se bat pour comprendre la cause de ces cancers pédiatriques : il en a comptabilisé 25 depuis 2015, qui ont abouti à la mort de 7 enfants. Nouvelle étape dans sa lutte : la création le 26 avril de l’Institut citoyen de recherche et de prévention en santé environnementale.

Cet organisme regroupe des citoyens mais aussi une dizaine de chercheurs et de praticiens de santé reconnus, et se donne deux missions : trouver la cause des cancers en étudiant les polluants locaux, et sensibiliser les élus et la population. Dans la ligne de mire du collectif : les perturbateurs endocriniens et les pesticides que l’on retrouve dans l’eau ou l’air des salles de classe, ainsi que les ondes électromagnétiques. Ces données existent déjà — et seront complétées par celles recueillies par des habitants — mais « n’ont jamais été intégrées dans une analyse géographique et temporelle », observe Laurence Huc, directrice de recherche à l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) et membre du conseil scientifique du nouvel institut. Celui-ci se penchera notamment sur les effets de la multi-exposition.

Lire aussi : Cancers et pollution : des parents mènent l’enquête

Selon Santé publique France, entre 1990 et 2018, le nombre de nouveaux cas de cancers en France a augmenté de 93 % chez la femme et de 65 % chez l’homme. Chez les enfants, entre 2003 et 2019, il serait en hausse de 14 %, selon la Caisse d’assurance maladie.

L’absence de registres départementaux de cancers pédiatriques dénoncée

Face à ces chiffres inquiétants, les études de terrain pour identifier d’éventuelles causes environnementales restent inexistantes. En cause : l’absence de registres départementaux de cancers pédiatriques dans les régions les plus exposées aux pesticides ou aux pollutions industrielles. Pourtant, selon l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), il existe « une présomption forte de lien entre l’exposition aux pesticides de la mère pendant la grossesse ou chez l’enfant et le risque de certains cancers, en particulier les leucémies et les tumeurs du système nerveux central ».

Après avoir un temps considéré que l’incidence de ces cancers était anormalement élevée dans le secteur de Sainte-Pazanne en Loire-Atlantique, Santé publique France s’est finalement rétractée en 2020. Face à la défaillance de l’État, le collectif de parents n’a eu d’autre choix que de... reprendre l’enquête.

Les pesticides pourraient être à l’origine des taux anormaux de cancers chez les enfants. Pixabay

« Nous avons décidé d’utiliser notre territoire comme un laboratoire à ciel ouvert », explique à Reporterre la fondatrice Marie Thibault — son fils, aujourd’hui guéri, a souffert d’une leucémie. Depuis plusieurs années, le collectif se bat pour que l’État et les agences sanitaires mènent sur place les enquêtes nécessaires. En vain. « Santé publique France s’est illustrée au cours des dernières années par sa démarche systématique de négation de la nécessité de mener des investigations autour des clusters (bébés sans bras, cancers pédiatriques), alors que ces évènements devraient être considérés comme une source de meilleure compréhension du lien santé environnement », a dénoncé le collectif interassociatif pour la santé environnementale, qui suit de près le dossier.

Les citoyens associés à la démarche scientifique

La scientifique Laurence Huc espère que les résultats obtenus serviront à protéger concrètement la population : « La création de cet institut permet de mettre le collectif SCE dans l’action concrète, cela donne beaucoup d’énergie. Toutes les parties prenantes seront autour de la table : des élus aux acteurs économiques. » Ainsi, la mairie de Machecoul-Saint-Même a accepté de prêter des locaux et le département de Loire-Atlantique s’est engagé à verser 60 000 euros par an pendant trois ans.

En associant des volontaires aux mesures de la pollution industrielle, l’Institut écocitoyen de Fos-sur-Mer, près de Marseille, mène une démarche novatrice de science participative. Pascal Hennequin/fokus 21/Reporterre

Les citoyens ont suivi le modèle de l’institut écocitoyen pour la connaissance des pollutions de Fos-sur-mer. Depuis 2010, ce dernier propose une démarche scientifique associant des chercheurs et des citoyens afin d’étudier les pollutions industrielles et leurs conséquences. Comme à Sainte-Pazanne, les habitants présentent un taux de cancers (de l’adulte ici) bien supérieur à celui de la population générale. Dans cette zone d’activité industrielle génératrice d’importantes pollutions, les services de l’État ont, là aussi, du mal à reconnaître les effets des dégradations environnementales sur la santé.

D’autres clusters de cancers pédiatriques existent en France : dans la plaine d’Aunis (Charente-Maritime), dans le Haut-Jura ou encore l’Eure. Ils sont rendus visibles par la détermination de parents à comprendre les causes du cancer de leurs enfants. Dans une tribune publiée par Le Monde, Franck Rinchet-Girollet révèle que les cheveux de son fils de six ans, en rémission d’un cancer, contiennent des pesticides agricoles. Il supplie le gouvernement de les « écouter, et enfin, d’agir pour protéger les populations et surtout nos enfants » qui ont « le droit de vivre en bonne santé ».

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