Énergie : le plan de Strasbourg pour limiter la facture

Les Galeries Lafayette à Strasbourg, de nuit. - Clément Gruin / Wikimedia / CC-BY-SA 4.0
Les Galeries Lafayette à Strasbourg, de nuit. - Clément Gruin / Wikimedia / CC-BY-SA 4.0
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ÉnergieLa crise de l’énergie va coûter à Strasbourg 6 millions d’euros en plus, par an. Pour baisser la consommation énergétique de la ville de 10 %, la maire Europe Écologie-Les Verts multiplie les mesures.
Strasbourg (Bas-Rhin), correspondance
La sobriété plutôt que l’austérité. Lundi 26 septembre, la maire de Strasbourg Jeanne Barseghian (Europe Écologie-Les Verts) a profité du conseil municipal de rentrée pour présenter aux élus le plan de sobriété énergétique annoncé dès la fin de l’été. Un calendrier qui ne doit rien au hasard : les contrats d’approvisionnement en gaz de la collectivité arrivaient à échéance en septembre. Ils ont été renégociés en août à des prix trois à quatre fois plus élevés. Ceux de l’électricité doivent être renouvelés d’ici décembre dans un contexte tout aussi tendu.
Conséquences : à consommation égale, la Ville prévoit 6 millions d’euros de dépenses supplémentaires et une facture énergétique s’élevant à 17 millions d’euros en 2022. En 2023, cette dernière pourrait même doubler et représenter 8,3 % du budget de fonctionnement. Pour limiter la dépense – et économiser 6 millions d’euros par an — la municipalité cherche à diminuer sa consommation énergétique de 10 %. Elle prévoit de baisser le chauffage à 19 °C dans les bureaux, les cantines et les écoles, à 21 °C dans les crèches et à 14 °C dans les gymnases. 840 sondes seront déployées pour mesurer et ajuster la température en temps réel. En revanche, la proposition de fermeture de l’université de Strasbourg pendant deux semaines supplémentaires cet hiver n’était pas du fait de la municipalité.
Bâtiments publics et monuments éteints à partir de 23 heures
Le plan de sobriété prévoit également de diminuer l’éclairage public « hors axes structurants » en éteignant les secteurs résidentiels entre 1 heure et 5 heures à partir du mois de novembre et les bâtiments publics et monuments à partir de 23 heures dès octobre. À l’exception – notable – de la cathédrale. Les illuminations de Noël devraient quant à elles connaître une diminution de 20 %. Enfin, la Ville dit avoir amorcé un dialogue avec JC Decaux pour élargir le créneau d’extinction de ses panneaux publicitaires au-delà de 1 h-6 h. À partir d’octobre, elle ne diffusera plus ses campagnes de communication institutionnelle sur les panneaux numériques situés dans les abribus.
Du côté de l’opposition, on se dit d’accord sur le fond pour mieux critiquer la forme. Si ces mesures « vont dans le bon sens », pour Pernelle Richardot, élue socialiste, « elles arrivent bien tardivement ». Et bien qu’il s’agisse d’un sujet « qui concerne tout le monde, les décisions n’ont pas été prises en concertation avec les autres groupes politiques ». La conseillère se dit attentive à ce que les mesures prises « ne pénalisent pas les services publics et les Strasbourgeois ». Et propose qu’aux sondes soient ajoutés des disjoncteurs connectés, pour éteindre les appareils électriques inutiles la nuit.
Président du groupe Strasbourg ensemble (Agir, Renaissance, Modem) et premier adjoint sous l’ancienne mandature, Alain Fontanel dénonce « des sobriétés contradictoires » et regrette la décision de retirer la communication institutionnelle des panneaux JC Decaux. « Ça ne change rien à la consommation énergétique : les panneaux resteront allumés mais au lieu de voir des publicités pour l’opéra on verra des publicités pour McDonald’s. » L’élu accuse l’exécutif d’avoir « vidé la caisse » et de ne pouvoir se passer des recettes publicitaires des panneaux. Il préfère voir dans ce plan de sobriété des mesures d’austérité.
« Vu la situation, il faut faire preuve d’une certaine radicalité »
Interrogé par Reporterre, le premier adjoint à la maire en charge du budget, Syamak Agha Babaei défend de son côté la sobriété pour éviter l’austérité. « Je préfère investir le budget de la collectivité dans le service public plutôt que dans le chauffage », détaille l’élu qui explique ne pas s’interdire de travailler à fermer certains bâtiments difficiles à chauffer, voire à s’en séparer si la rénovation thermique s’avère compliquée ou impossible.
Pour l’élu, la sobriété s’inscrit dans le temps long. Les dernières mesures sont en continuité de la stratégie mise en place depuis le début du mandat, en matière de rénovation thermique du bâti de la ville et de développement des énergies renouvelables au sein de la collectivité. Elles viennent accélérer la transition énergétique et permettront à la collectivité de respecter les objectifs de son Plan climat 2030, à savoir une réduction de la consommation de 55 %. « Jusqu’à présent, nous n’étions pas vraiment dans les trajectoires pour arriver à nos plans », dit-il, du fait notamment de « conflictualités ». « Nous avons dû batailler. Aujourd’hui, il ne s’agit plus seulement d’arriver avec un projet ambitieux et de l’appliquer dans le même cadre qu’avant. Il faut faire preuve d’une certaine radicalité en mettant en œuvre des choses qui n’étaient pas appliquées jusqu’à présent. »
Une radicalité rendue nécessaire par la guerre en Ukraine, mais pas seulement. « C’est la fin de la croyance dans l’abondance de l’énergie. Nous entrons dans une période longue d’énergie chère. Comment utiliser au mieux des bâtiments fonctionnant avec les deniers publics ? Pour maintenir un bouclier écologique et social protégeant les plus fragiles, il faudra faire des choix qui, peut-être, choqueront, annonce-t-il. Gouverner, c’est choisir ce que l’on trouve prioritaire. »