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Politique

Fruits et légumes : le gouvernement ouvre les vannes aux pesticides

Les mesures proposées par le gouvernement visent essentiellement à faciliter le recours aux herbicides dans le monde agricole.

Le 26 mai, le ministère de l’Agriculture a présenté son plan de souveraineté fruits et légumes qui vise à faciliter l’usage de certains pesticides. Selon les associations environnementales, c’est un « signal très inquiétant ».

Vous reprendrez bien un peu de pesticides ? Alors que la détresse des producteurs de fruits d’été s’intensifie depuis plusieurs années, le ministère de l’Agriculture a présenté le 26 mai son « plan de souveraineté fruits et légumes », qui fait la part belle aux produits phytopharmaceutiques. Alors que la moitié des fruits et légumes consommés en France est importée, l’État veut investir 200 millions d’euros afin d’augmenter la production de ces aliments sur le territoire français.

Pour y parvenir, plusieurs mesures élaborées avec les représentants de la filière ont été annoncées dans ce rapport d’une centaine de pages. Comme l’a repéré Contexte, elles visent essentiellement à faciliter le recours aux fongicides et autres herbicides dans le monde agricole. « La France est déjà le troisième pays européen autorisant le plus grand nombre de pesticides. Apparemment, cela n’est pas suffisant », ironise auprès de Reporterre, François Veillerette, porte-parole de l’association Générations futures.

Selon le ministère de l’Agriculture, 29 % des exploitations fruitières ont disparu entre 2010 et 2016. © M.A / Reporterre

L’agroécologie mise de côté

Avec ce plan, le gouvernement envisage, entre autres, d’accélérer des procédures permettant la mise à disposition « des produits phytopharmaceutiques qui sont nécessaires pour assurer la protection des cultures » ; de faciliter des extensions d’autorisation de mise sur le marché (AMM) de certains produits pour les usages dits mineurs (quand les cultures à traiter sont peu étendues par exemple) ; de permettre le recours à des produits non autorisés en France, mais déjà utilisés par d’autres pays européens, « pour les usages qui ne disposent pas de méthode alternative ».

Pour François Veillerette, « l’exécutif, qui de toute évidence se fiche de la question environnementale, envoie un signal très inquiétant. Son seul souci est de répondre positivement aux demandes de la filière plutôt que de miser sur l’agroécologie. On pensait avoir touché le fond avec l’ex-ministre de l’Agriculture Julien Denormandie mais il semble qu’avec son successeur Marc Fesneau, l’on puisse creuser encore... »

Et d’ajouter : « Certes, ce rapport parle aussi de développer les alternatives disponibles aux produits phytopharmaceutiques. Mais la priorité est bien donnée aux pesticides, qui sont toujours considérés comme la clé de voûte de notre système de production. Et ce, alors que les alarmes se multiplient concernant leur impact sur la biodiversité. » Une étude publiée le 16 mai par le CNRS montre par exemple que l’intensification de l’agriculture, et a fortiori l’augmentation de l’utilisation des pesticides, est « la principale pression associée au déclin des populations d’oiseaux » en Europe. D’autres rapports alertent régulièrement sur la dangerosité des pesticides pour la santé des humains.

« L’État n’aide ni la nature, ni les agriculteurs français »

« Avec ce genre d’annonces, le gouvernement n’aide ni la nature, ni les agriculteurs français, ni l’économie, ni la société. Les seuls gagnants sont le lobby des pesticides et l’industrie phytopharmaceutique », assure de son côté Jérémie Suissa, directeur de Notre Affaire à Tous. Selon lui, ce plan fruits et légumes remet « une pièce dans la machine d’un système arrivé à totale saturation ». « Les pesticides servent aujourd’hui à pallier la destruction des services que la nature ne peut plus rendre… précisément à cause des ravages causés par les pesticides ! Ce n’est pas aider les agriculteurs, déjà en grandes difficultés et soumis à la concurrence déloyale de pays versant dans l’agriculture hyper-intensive, que de les rendre encore plus dépendants aux produits pharmaceutiques », dit-il à Reporterre, évoquant un « baiser du diable » de la part du gouvernement.

Notre affaire à Tous entend bien demander des comptes. Aux côtés de quatre autres organisations, l’association a déposé en janvier 2022 un recours en carence fautive contre l’État pour son « inaction face à l’effondrement de la biodiversité ». L’objectif de cette action judiciaire nommée « Justice pour le vivant » est double : exiger la révision du processus de mise sur le marché des pesticides responsables de la destruction de la biodiversité, mais aussi sommer le gouvernement de « réparer le préjudice causé par son inaction ». Une audience aura lieu le 1er juin au tribunal administratif de Paris.

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