Portrait — Pédagogie Éducation
Julie, 15 ans, un torrent d’énergie pour « sauver la Terre »

Julie, jeune activiste pour le climat, a passé une partie des grandes vacances à ramasser des mégots de cigarettes. Ici chez elle à Saint-Avold, fin août 2023. - © NnoMan Cadoret/Reporterre
Durée de lecture : 7 minutes
Depuis l’âge de 12 ans, Julie partage via son compte Instagram sa vision du zéro déchet, des pétitions et des actions pour sensibiliser à l’écologie. Un engagement de plus en plus médiatisé.
Saint-Avold (Moselle), reportage
Reporterre a rencontré Simone, Emre et Julie, trois jeunes actifs pour l’environnement depuis leurs années collège.
Déterminée. À tout juste 15 ans, Julie sait ce qu’elle veut, et surtout ce qu’elle ne veut plus. Les bouteilles en plastique, les lingettes jetables, le shampooing liquide ou encore les vêtements neufs n’ont plus droit de cité dans son quotidien. En trois ans, cette lycéenne de Saint-Avold, en Moselle, est progressivement passée à une « routine zéro déchet », comme elle dit.
Un engagement qu’elle partage via son compte Instagram @SauvonslaterreJL, créé en 2020, entre deux confinements. Elle s’y présente comme activiste environnementale. Grâce aux réseaux sociaux, elle sait qu’elle peut faire passer des messages, discuter avec une communauté, partager ses préoccupations. Elle poste de nombreux conseils zéro déchet et met en avant les objets antigaspi qu’elle a reçus de petits créateurs et qu’elle a testés.
Quand ses camarades ne jurent que par le polluant Shein, elle, préfère les vêtements d’occasion achetés sur Vinted, ou ceux qu’on lui donne. Cet été, elle a malgré tout dû se résoudre à acheter un short neuf à Cora. « C’était juste avant de partir en vacances, je n’avais plus le temps de commander sur Vinted », se justifie-t-elle. Alors, elle le porte tout le temps pour rentabiliser le coût environnemental de la fabrication et soulager sa conscience. « Il faut que je l’utilise, que je le mette plus que les autres ! » Elle ne fait une entorse à sa règle de l’achat d’occasion que pour les chaussures, contrainte et forcée par sa mère, mais aussi par sa podologue.

40 000 mégots ramassés pendant les vacances
Son dernier grand geste dans sa transition : l’adoption du mouchoir en tissu depuis février dernier. Sa mère lui a retrouvé des mouchoirs qui appartenaient à son grand-père. « Plus jamais je ne retournerai aux mouchoirs papier », assure l’adolescente. Si, à la maison, ses parents et son petit frère tentent de la suivre, cette fois, elle n’a pas réussi à les convaincre. Pour le moment.
Car Julie est du genre tenace. Elle a passé une partie des grandes vacances à ramasser des mégots de cigarettes. « C’était mon challenge de l’été. » Un moyen de rappeler aux 32 000 abonnés qui la suivent sur Instagram qu’« un mégot pollue 500 litres d’eau et met aussi douze ans à se décomposer dans la nature ».
Au total, elle a rempli une trentaine de bouteilles et évalue sa récolte à environ 40 000 mégots, « dont plus de 11 000 ramassés en deux semaines de vacances dans le sud de Carcassonne ». Le défi de la jeune touriste n’est pas passé inaperçu, relayé par La Dépêche du Midi et Pyrénées FM, la radio locale.

Une notoriété qui ne l’impressionne plus trop. Depuis quelques mois, elle voit défiler les journalistes à la maison, d’abord ceux du Républicain Lorrain, puis France 3 Grand Est, pour finir TF1, en mai dernier, pour Les nouveaux modèles, un court spot présentant « les portraits inspirants de citoyens et citoyennes engagées ».
Elle a commencé à avoir plus de visibilité quand, en 2022, elle a lancé des pétitions pour sensibiliser les internautes. D’abord contre le broyage des poussins mâles, une pratique qui la révolte. Plus de 50 000 personnes l’ont signée. Puis contre les verres en plastique jetables utilisés par les opticiens pour présenter les montures de lunettes — un combat que nous avons relayé en février dernier sur Reporterre —, enfin contre la pêche des requins peau bleue, en danger critique d’extinction.
La « Greta Thunberg de la Moselle »
Certains médias l’ont déjà baptisée « la Greta Thunberg de la Moselle ». Une comparaison qui n’est pas pour lui déplaire. La jeune fille a pris conscience des enjeux écologiques à la lecture d’un article sur Greta : « Elle avait les bons mots et montrait qu’on pouvait agir. Je me suis dit : “Pourquoi je le fais pas ? Moi aussi, il faut que je fasse quelque chose”. »
Autre personne qui l’inspire et qu’elle admire : Camille Étienne, la militante savoyarde. Elle n’a pas encore lu son livre Pour un soulèvement écologique. « J’ai regardé : il coûte 18 euros. Avec mon passe Culture, je pourrai me l’acheter. »

Elle montre une réelle aisance devant la caméra. Pourtant, Mireille, sa maman, l’assure : Julie est de nature très réservée et timide. « J’oublie la caméra quand je parle d’environnement, explique l’adolescente. Je suis dans ma bulle. » Une amie de la famille, Valérie, confirme : « Nous avons été surpris de la voir parler aussi facilement. Mais quand elle est lancée sur l’écologie, elle pourrait en parler pendant des heures. Elle a un discours et des arguments très convaincants, et n’hésite pas à nous reprendre parfois sur nos gestes quotidiens. Elle est assez atypique par rapport aux ados de son âge. »

Le rôle trop restreint des écodélégués à l’école
L’an dernier, Julie a été élue écodéléguée par sa classe au collège. Un mandat qui lui a permis de mettre en place et de participer à plusieurs actions au sein de son établissement, comme le tri et le recyclage des bouchons, le ramassage de déchets, ou le remplacement dès cette rentrée de tous les feutres pour tableau blanc par des crayons de couleur multisurfaces en bois.
Julie se montre cependant assez critique sur cette expérience : « L’écodélégué, obligatoire dans les collèges et lycées, a un rôle très restreint. Ça dépend beaucoup des établissements, car il n’y aucun cadre. Dans certains, il ne se passe rien. Et un seul élève par classe est élu, ce n’est pas assez. » Selon elle, il faudrait créer une sorte de club que tous les élèves qui le souhaitent pourraient rejoindre. Autre proposition : sensibiliser toutes les classes à l’avenir de la planète par le biais d’intervenants qui viendraient parler pendant une ou deux heures. D’ailleurs, Julie se verrait bien un jour dans le rôle de l’intervenante.

Intervention dans les écoles et dans les médias, pétitions, messages sur les réseaux sociaux... Pour Julie, tous les moyens sont bons pour parler d’écologie. Elle vient de franchir un nouveau cap avec l’Association pour la transition bas carbone (Association ABC), qui accompagne entre autres les établissements scolaires dans leur transition.
Cette dernière l’a choisie comme ambassadrice dans une vidéo de promotion diffusée depuis le 4 septembre. Julie, dans le rôle de la journaliste, pose des questions à une professeure, des élèves et le principal du collège de Juvisy-sur-Orge (Essonne). Objectif : inciter collèges et lycées à participer au Projet établissement bas carbone (PEBC). « Son engagement est réel et est le reflet d’une génération qui s’engage de plus en plus », dit Quentin Brache, chargé de communication à l’Association ABC.
Désormais au lycée, Julie compte bien continuer à alerter autour d’elle sur les enjeux environnementaux. D’autant que l’écologie reste une thématique peu abordée en cours, estime-t-elle, et que les programmes scolaires « ne se sont pas particulièrement adaptés ». Pour l’heure, elle est à la recherche d’une structure qui pourra valoriser les 40 000 mégots minutieusement collectés cet été.