À 15 ans, Simone se bat « pour une écologie profonde et anticapitaliste »

Simone a rejoint Youth for Climate en août 2022. Ici dans sa chambre à Paris, le 1er septembre 2023. - © Mathieu Génon / Reporterre
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LuttesÀ 15 ans, Simone est activiste à Youth for Climate. Désobéissance civile, sitting... Elle raconte les actions qu’elle a suivies, sa rencontre avec l’écologie par le féminisme, et l’importance de son combat.
Paris, 18e arrondissement, reportage
Reporterre a rencontré Simone, Emre et Julie, trois jeunes actifs pour l’environnement depuis leurs années collège.
Des affiches des Soulèvements de la Terre. Des tracts de Bassines non merci ou de la mobilisation contre la réforme des retraites. Des stickers antinucléaires ou « capitalism kill » (« le capitalisme tue »). Les murs de la chambre de Simone, le pseudo militant que la jeune fille préfère utiliser, affichent la couleur de son engagement.
Cette jeune lycéenne d’à peine 15 ans a commencé à militer au collège en intégrant le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), après une distribution de tracts à la sortie des cours. Une expérience qui n’a pas duré. « Je n’étais qu’avec des trentenaires, ce n’était pas trop adapté à mon âge », raconte-t-elle. C’est en participant ensuite à une « clean walk » (une journée de nettoyage pour sensibiliser aux déchets), que Simone a rencontré un membre de Youth for Climate Paris et a rejoint en août 2022 le collectif de jeunes activistes climat lancé en France en février 2019.

Les yeux bleus en amande, les cheveux mi-longs un peu ondulés, le cou orné de multiples colliers, Simone pianote sur son téléphone pour se remémorer toutes les actions réalisées l’année passée. La marche pour le climat du 25 septembre 2022, un sitting devant Amundi — le premier actionnaire de TotalÉnergies, financeur du projet Eacop en Ouganda et Tanzanie —, une action de désobéissance civile contre Zara, accusé de recourir au travail forcé des Ouïghours en Chine. Mais aussi des interventions à l’Académie du climat ou des maraudes à Stalingrad, à Paris.
Elle est également intervenue sur le plateau de BFMTV pour évoquer la lutte contre les Jeux olympiques 2024. Elle garde de ce moment un souvenir mitigé. « Les journalistes n’étaient pas méchants, mais ils voulaient qu’on soit le cliché du jeune écolo un peu bête et naïf », se rappelle-t-elle.

« Je suis arrivée à l’écologie par le féminisme »
La jeune fille n’a pourtant rien d’une adolescente candide. Elle bûche à fond ses sujets pour répondre avec rigueur aux questions des journalistes qui viennent couvrir les actions de Youth for Climate. Elle dévore les livres sur l’écologie et, surtout, sur le féminisme. Sur ses étagères, Le Capitalisme patriarcal, de l’intellectuelle Silvia Federici, côtoie les ouvrages de l’activiste Camille Étienne ou de la journaliste Salomé Saqué, dont elle nous montre les dédicaces avec fierté.
« Je suis arrivée à l’écologie par le féminisme, car pour moi, tout se recoupe : le féminisme, l’antiracisme, les luttes sociales, explique Simone. Il faut une écologie profonde et anticapitaliste. Mais ma mère trouve que je dis ce mot trop souvent. »

Sa mère, Sophie, comédienne au théâtre, passe beaucoup de temps à parler avec sa fille sur les sujets de société. « On échange tout le temps. Avec son père, on est parfois épuisés de débattre », s’exclame-t-elle en riant.
Sophie ne se définit pas comme militante, mais elle a participé à de nombreuses manifestations contre la réforme des retraites et s’avoue sensible aux questions écologiques depuis son plus jeune âge. Elle est particulièrement fière du parcours de Simone. « Depuis qu’elle est toute petite, je lui dis : “Tu veux être un mouton ? Non ? Alors tu réfléchis !” Il faut apprendre à penser pour être le plus libre possible. »
« Grâce à Youth, j’ai fait la paix avec moi-même »
Politisée très jeune grâce aux débats familiaux, Simone a eu l’impression de grandir rapidement ces derniers mois. « Grâce à Youth, j’ai pris en maturité plus vite que les autres filles de mon âge ». Elle se sent en décalage avec certaines de ses anciennes camarades et s’est éloignée d’une amie d’enfance après un épisode qui peut sembler anodin, mais qui l’a beaucoup marquée. « Je lui parlais de ce que je faisais à Youth pendant qu’elle mangeait un yaourt. Elle a jeté le pot en verre dans la poubelle normale. Elle n’a pas fait attention. C’est symbolique, mais c’était dur sur le moment », constate Simone.
Ainsi, son engagement militant est parfois excluant socialement. « C’est compliqué parfois de se sentir seule, car on se demande pourquoi tout le monde ne s’intéresse pas à ces sujets, alors que c’est crucial », constate Élisa, 16 ans, une de ses amies d’enfance également membre de Youth for Climate.

Dans son lycée aussi, Simone se sent à part. « Je n’ai pas d’affinités avec les gens de ma classe [la jeune fille est en première], je ne vis pas dans le même monde qu’eux. Le dimanche soir, je vais en AG [assemblées générales] et le lendemain matin, je me retrouve avec des gens qui parlent d’argent et d’appartement avec vue sur la tour Eiffel. Cela ne m’intéresse pas. »
La jeune fille a été contrainte d’intégrer ce lycée parisien privé, car elle souffre de dyspraxie (un trouble du développement moteur) et de dysgraphie (un trouble entraînant des difficultés à écrire). Un handicap que n’arrivaient pas à gérer ses enseignants dans le public. « Cette neuro-divergence a été compliquée à vivre, notamment au primaire et au collège, car le système n’est pas adapté. Même si les profs voulaient m’aider, ils ne pouvaient pas, faute de temps. »
Fréquenter des militants pour le climat l’a aidée à mieux accepter cette différence. La jeune fille se sent aujourd’hui mieux dans sa peau. « Je suis aujourd’hui contente d’être neuro-divergente, car j’ai rencontré des gens comme moi, qui sont perçus comme bizarres ou originaux. Grâce à Youth, j’ai fait la paix avec moi-même et je vis des moments où je ne me cache pas, où je peux enfin être moi-même. »