L’Appel des solidarités veut porter l’écologie et la solidarité dans la campagne présidentielle

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Jeudi 23 mars, 80 associations ont participé au lancement de l’Appel des solidarités, à Paris. Cette initiative, portée par la Fondation Nicolas Hulot et Emmaüs France, entend peser sur les élections présidentielle et législatives et instaurer une vigilance de long terme sur les politiques publiques.
80 associations étaient réunies à l’occasion de la présentation de l’Appel des solidarités, jeudi 23 mars à la Maison de la radio, à Paris. Lancé à l’initiative de la Fondation pour la nature et l’homme (FNH) de Nicolas Hulot et d’Emmaüs, cet appel fixe cinq « caps » à une politique publique ambitieuse en matière de protection de l’environnement et de réduction des inégalités.
Y sont associées 500 propositions émanant des associations signataires. Côté protection de l’environnement, les organisations préconisent par exemple d’« abandonner le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes » (FNH), d’« intégrer les enjeux santé et biodiversité dans les politiques agricoles » (Humanité et biodiversité) ou encore de « limiter très fortement les constructions et reconstructions d’incinérateurs et de décharges » (Zéro Waste France). Mais le cadre choisi dépasse celui de l’écologie : les politiques sont également appelés à « stopper la rénovation urbaine sans consultation avec les habitants » (Pas sans nous), « obliger les multinationales à respecter et à faire respecter par leurs filiales et sous-traitants les droits humains et environnementaux » (CCFD-Terre solidaire) ou encore « rédiger une nouvelle constitution pour la France avec des citoyens tirés au sort, et la soumettre à référendum » (Les Jours heureux). Rien de partisan là-dedans, assure Christophe Robert, de la Fondation abbé Pierre : « Ces propositions partent de ce qui marche, des alternatives, de ce qui est efficace. Elles ne sont pas tenues par des lobbies ou une orientation politique. Il s’agit souvent de simple bon sens. »
Des propositions présentées aux candidats et aux députés
Les citoyens sont invités à adhérer à cet appel sur le site internet www.appel-des-solidarites.fr ou en envoyant gratuitement le mot « présent ! » par SMS au 32321. « Si nous arrivons à un chiffre important [de signatures], nous allons peser implicitement et les femmes et hommes politiques devront prendre leurs responsabilités, espère Nicolas Hulot. Mais cette mobilisation citoyenne ne doit pas être prise comme un signe de défiance. Il s’agit d’une main tendue aux politiques qui souhaitent prendre le pouvoir. Nous voulons leur apporter de l’inspiration. Derrière moi, les associations ont des compétences qui peuvent les guider et les aider à hiérarchiser les problèmes. » « Nous sommes des millions, encourage pour sa part Thierry Kuhn, président d’Emmaüs France. 13 millions de personnes sont engagées dans des associations, qui essaient chaque jour de trouver des solutions. »

Une première campagne de signatures va s’étendre du 23 mars au 22 avril 2017, veille du premier tour de l’élection présidentielle. Les associations ont ensuite prévu de revenir à la charge à la rentrée parlementaire de 2017, en soumettant leurs propositions aux députés fraîchement élus. Puis, en 2018, elles établiront un premier bilan des mesures adoptées ou abandonnées. M. Hulot identifie deux autres objectifs à cette vigilance au long cours : « Donner de la reconnaissance au milieu de la solidarité et une visibilité à toutes les exclusions, qui n’entrent pas en compétition, mais s’additionnent. »

À l’origine de cette mobilisation, l’inquiétude des associations face à un contexte politique et social qui ne cesse de se durcir. « On compte 14.000 personnes à la rue, 6 millions de chômeurs, 4 millions de personnes en situation de mal-logement et les inégalités se creusent malgré l’augmentation des richesses, rappelle M. Kuhn. Il y a urgence, car derrière ces statistiques qu’on triture et auxquelles on s’habitue, il y a des visages d’hommes, de femmes, d’enfants et de jeunes. » En conséquence, « les mesures-rustines ne suffisent plus. Ces questions doivent être portées par un projet de solidarité cohérent et ambitieux ».
« Nicolas Hulot est le brise-glace de la banquise médiatique »
Pour Jon Palais, des collectifs Alternatiba et ANV-COP21, l’enjeu est aussi de mener une « bataille culturelle » en faisant émerger l’écologie et la solidarité dans une campagne présidentielle obnubilée par les questions de sécurité, d’immigration et de terrorisme. « Ce qu’il y a d’inquiétant dans la montée des extrêmes droites en Europe et dans le monde, et du Front national en France, ce n’est pas simplement le résultat électoral. C’est la manière dont les débats qui sont les leurs deviennent centraux », alerte-t-il. « On sent autour de nous une tendance au repli sur soi, enchérit Marion Esnault, d’Alternatiba. J’ai des amis autour de moi, qui portent habituellement des valeurs de gauche, de solidarité, d’ouverture et de lien avec d’autres cultures, et qui disent pourquoi pas à une sortie de la France de l’Union européenne. »
Les différentes sensibilités et modes d’action de ces associations ne risquent-elles pas de disparaître dans la masse et derrière l’aura médiatique de Nicolas Hulot ? « Je pense que cette force médiatique est au contraire un point fort, relativise Jon Palais. Il touche le grand public de manière bien plus large que de nombreuses organisations. Je trouve donc plutôt sain et habile qu’il se propose dans ce rôle-là : il est une sorte de brise-glace qui va ouvrir la banquise médiatique. »

Quant à la forme de l’appel, Nicolas Hulot veut y croire : « Grâce au pacte écologique de 2007, nous avons obtenu beaucoup, affirme-t-il pour couper court à la remarque d’un journaliste. Les promesses faites par le candidat élu ont été honorées et cela a même créé une dynamique irréversible, avec le Grenelle de l’environnement, qui a ouvert la voie au paquet européen climat-énergie et à la loi de transition énergétique. » Des textes et des bilans décevants ? « Dire que ça n’a servi à rien décourage tout le monde, tranche-t-il. Peut-on dire que si nous en sommes toujours là, c’est parce que l’action de l’abbé Pierre n’a servi à rien ? Non : il y a des effectivement des inégalités qui demeurent, mais combien de choses ont été soulagées ? »