L’armée russe a investi la zone de Tchernobyl

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Les troupes russes en provenance de Biélorussie ont investi jeudi 24 février la « zone d’exclusion » de la centrale de Tchernobyl, où se trouve le réacteur accidenté en 1986, ainsi que trois autres réacteurs nucléaires arrêtés depuis 2000 et des dépôts de déchets radioactifs. Cette zone presque inhabitée s’étend sur un rayon de 32 kilomètres autour de la centrale. Les niveaux de radiation y restent élevés.
Tchernobyl est situé à 130 kilomètres au nord de la capitale de l’Ukraine, Kiev, et pourrait servir de voie d’accès à la ville pour les forces d’invasion. Pour Samantha Turner, chargée de recherche sur la sécurité au Truman National Security Project, interrogée par la BBC, « le contrôle de la zone n’a pas une importance déterminante pour la bataille » mais il offre aux forces russes un couloir vers le fleuve Dnipro, qui coule vers Kiev. « C’est un élément important qui leur permet d’ouvrir différents couloirs pour le mouvement des troupes et de contrôler des terrains clés. » Mme Turnet prévient que, bien que personne ne vive dans la zone et que la centrale ne soit plus en activité, tout combat actif sur le territoire pourrait entraîner le déversement de déchets radioactifs.
Selon un communiqué vendredi 25 février de l’Autorité de sûreté nucléaire ukrainienne, « les niveaux de contrôle du débit de dose de rayonnement gamma dans la zone d’exclusion ont été dépassés. Les experts de l’Ecocentre associent ce dépassement à la perturbation de la couche supérieure du sol due au déplacement d’un grand nombre de machines militaires lourdes à travers la zone d’exclusion. »
« Poutine ne peut se remettre du fait que l’URSS s’est désintégrée il y a trente ans, et que tout a commencé après Tchernobyl »
Le danger serait que des tirs d’armes lourdes ne touchent les piscines ou les entrepôts abritant les combustibles, et qu’une explosion entraîne la dispersion de particules radioactives, précise à FranceTV Info Yves Marignac, expert des questions nucléaires à l’association Négawatt.
« Trente ans se sont écoulés depuis l’accident et nous n’avons pas tout nettoyé », a déclaré à la BBC Claire Corkhill, professeure de matériaux de déchets radioactifs à l’université de Sheffield. « C’est facilement un autre programme de cinquante ans. Si les gens ne travaillent pas correctement sur cette installation, et ne font pas progresser le démantèlement, cela pourrait être un très gros problème », dit celle qui travaille dans le cadre de l’effort international de nettoyage de Tchernobyl.
La chute de l’Union soviétique, survenue cinq ans plus tard, est souvent liée à l’explosion de 1986. Le Dr Taras Kuzio, chargé de recherche à la Henry Jackson Society, estime que la prise de contrôle de Tchernobyl doit être considérée comme une victoire symbolique pour le président Poutine. « Poutine a l’état d’esprit de quelqu’un qui ne peut se remettre du fait que l’URSS s’est désintégrée il y a trente ans, et que tout a commencé à se désintégrer après Tchernobyl », a déclaré à la BBC le Dr Kuzio, qui est d’origine ukrainienne.