L’habitat informel en Guyane et à Mayotte est menacé par le projet de loi Élan

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Habitat et urbanisme Écologie et quartiers populairesLe projet de loi sur l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dit Élan, est en discussion au Sénat. Il comporte notamment une mesure qui pourrait entrainer la démolition de centaines d’habitats précaires à Mayotte et en Guyane.
Résistants (encore un peu) à la torpeur estivale, les sénateurs devaient examiner jusqu’au mardi 24 juillet le projet de loi sur l’évolution du logement de l’aménagement et du numérique, dit Élan.
Alors que la France métropolitaine se désintéresse complètement de ce laborieux mille-feuille législatif, Guyanais et Mahorais suivent avec inquiétude les débats parlementaires. En cause, un petit amendement passé presque inaperçu juste après l’article 57. Adopté en première lecture par les députés, il pourrait aboutir à l’expulsion de centaines d’habitants dans ces deux départements d’outre-mer. Leur tort : vivre dans des quartiers informels.
« Cet amendement donne des pouvoirs exorbitants au préfet de Guyane pour détruire, sans décision du juge et dans un délai d’un mois, tout quartier d’habitat informel », explique Marius Florella, de la fédération Droit au logement (DAL) de Guyane. Dans les faits, s’il estime qu’il existe « des risques graves pour la salubrité, la sécurité des habitants ou la tranquillité publique », « le représentant de l’État dans le département peut, par arrêté, ordonner aux occupants de ces locaux et installations d’évacuer les lieux et aux propriétaires de procéder à leur démolition à l’issue de l’évacuation ».
Un habitat informel, selon l’amendement, est un local édifié « majoritairement sans droit ni titre » sur un terrain non viabilisé, c’est-à-dire où manque l’un de ces éléments : voirie, réseau d’eau potable, égouts, réseau d’électricité, équipement collectif « propres à en assurer la desserte, la salubrité et la sécurité dans des conditions satisfaisantes ».
« Normalement, quand on a des quartiers informels, on régularise, on viabilise »
Or dans les départements ultramarins de Guyane et de Mayotte, ces habitats sont légion, souligne Jean-Baptiste Eyraud, du DAL : « En Guyane, la spéculation foncière sur la bande littorale est telle qu’il est très difficile pour les populations pauvres d’accéder à des terrains. Plutôt qu’être à la rue, des centaines de familles ont donc construit des cabanes sans permis de construire, qui sont aujourd’hui devenues de belles maisons, où elles vivent parfois depuis des années. » Dans ces quartiers, même s’il manque souvent certaines commodités de base (tout-à-l’égout, routes goudronnées), on trouve des commerces, des écoles, des lieux de culte. D’après Marius Florella, des milliers de personnes pourraient cependant être expulsées de leur logement par la future loi.
L’amendement, porté à l’origine par le gouvernement avec le soutien d’élus locaux, vise à juguler « l’expansion des constructions illicites par des occupants sans droit ni titre, dans un contexte de pression migratoire sans comparaison avec l’Hexagone et les autres territoires ultramarins ».
Pour M. Eyraud, la démolition n’est pas la solution : « Normalement, quand on a des quartiers informels, on régularise, on viabilise. C’est ce qu’on appelle la résorption des habitats insalubres. Dans tous les autres pays de la région, c’est ainsi que ça se passe. » Il fustige une « mesure néocoloniale ». Un avis partagé par Marius Florella, qui refuse cette « nouvelle discrimination » : « Nous sommes toujours dans la République, souligne-t-il. On ne peut pas créer une loi uniquement pour Mayotte et la Guyane. Les 80 km/h s’appliquent partout en France, les lois doivent s’appliquer partout de la même manière. »