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En brefForêts tropicales

La Mède : vers une annulation de l’autorisation d’exploiter la « bioraffinerie » de Total

Encore une déconvenue pour Total et sa raffinerie de La Mède, dans les Bouches-du-Rhône, qu’il a transformée en l’une des plus grandes « bioraffineries » d’Europe. Ce jeudi 11 mars 2021, le tribunal administratif de Marseille examinait un recours contre l’arrêté préfectoral autorisant l’exploitation de ce site. Dans ses conclusions, le rapporteur public a proposé au tribunal que l’autorisation préfectorale soit en partie annulée et modifiée compte tenu de plusieurs illégalités, notamment en raison de l’absence d’évaluation des impacts climatiques du projet par Total. L’entreprise disposerait d’un délai pour réaliser une nouvelle étude d’impact, prenant mieux en compte les conséquences de l’utilisation d’huile de palme sur la déforestation.

Si cet avis était suivi par les magistrats, « ce serait une grande avancée juridique car les industries implantées en France n’ont jamais pris en compte les impacts dans les pays producteurs dans la chaîne d’approvisionnement », indique à Reporterre Laura Monnier, juriste à Greenpeace France. Néanmoins, elle regrette « la possibilité laissée à Total de régulariser son étude d’impact. Cette régularisation n’est pas admissible parce que les agrocarburants ne peuvent pas être durables, contrairement à ce que prétend l’entreprise. »

L’affaire est née en juillet 2018, quand six associations — les Amis de la terre, Greenpeace, France Nature Environnement et la Ligue de protection des oiseaux Paca — ont déposé un recours afin de faire annuler l’autorisation environnementale de la « bioraffinerie » de La Mède. Elles dénoncent notamment les manquements de l’étude d’impact de Total, sur la base de laquelle l’État a autorisé le projet. Cette étude « ne mentionnait ni un plan d’approvisionnement détaillé, ni les effets désastreux de l’huile de palme sur l’environnement », observent les organisations corequérantes.

Or, déplorent les associations, l’autorisation de poursuite d’exploitation donnée par le préfet des Bouches-du-Rhône à Total « permet à cette dernière d’importer jusqu’à 650.000 tonnes d’huile de palme par an pour produire des agrocarburants à destination de véhicules routiers et très probablement d’avions ». Un objectif qu’elles jugent « en complet décalage avec les risques environnementaux reconnus par le Parlement, le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État ».

En effet, la production d’huile de palme a des conséquences graves sur les forêts tropicales et sur la biodiversité des pays producteurs, comme l’Indonésie et la Malaisie. En 2019 et 2020, le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État ont confirmé l’exclusion de l’huile de palme des avantages fiscaux compte tenu du fait « que la culture de l’huile de palme présente un risque élevé, supérieur à celui présenté par la culture d’autres plantes oléagineuses, d’induire indirectement une hausse des émissions de gaz à effet de serre ».

En vue du procès, les associations avaient versé une nouvelle pièce au dossier : une analyse de l’impact de la raffinerie sur la déforestation en Indonésie et sur les émissions directes de gaz à effet de serre associées. Cette analyse démontre que la raffinerie pourrait émettre au minimum 1,5 million de tonnes d’émissions de CO2 par an, soit trois trimestres cumulés d’émissions de gaz à effet de serre de la ville de Marseille.

L’avocat de Total, représenté par Me Jean-Pierre Boivin, s’est prévalu de la certification de durabilité - utilisée pour des produits tels que l’huile de palme, le bois ou le soja destiné à l’alimentation animale - pour justifier qu’il n’était pas nécessaire que Total prenne en compte « le climat à l’autre bout du monde » et que cette dernière constitue « l’outil pour régler la question du climat ». Un récent rapport de Greenpeace démontrait pourtant l’inefficacité de ce système de certification. La défense de Total a également souligné le risque de débat « sans fin » sur le volet climat et les conséquences à l’étranger de la « bioraffinerie » de La Mède.

« La Mède ne tient plus qu’à un fil, coupons le ! » exhortait l’association Canopée quelques heures avant le procès. Le tribunal devrait se prononcer dans un délai de trois semaines.

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