La SNCF recrute des moutons pour désherber ses voies

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Animaux NatureEn juin, la SNCF a fait appel à une société d’éco-pâturage pour entretenir les voies et les talus de Dijon. Une trentaine de moutons y remplaçait machines et traitements chimiques.
Un berger présent 24 heures sur 24 tous les jours, et une double clôture électrifiée assurent la sécurité des nouveaux collaborateurs de la SNCF : des moutons. La compagnie de chemins de fer française a fait appel à Ecozoone, une société d’éco-pâturage basée à plusieurs endroits en France depuis 2005, « pour pouvoir intervenir partout sans trop déplacer les animaux », précise Louise Covemaeker, qui était en charge de ce projet à Ecozoone. La société travaille déjà avec la SNCF depuis deux ans, sur les voies désaffectées. Mais c’est la première fois qu’elle a été contactée pour faire travailler des moutons sur des voies en service.
Une solution pratique et écologique
L’objectif : entretenir la biodiversité. La renouée du Japon, plante invasive inscrite à la liste de l’Union internationale pour la conservation de la nature des cent espèces exotiques envahissantes les plus néfastes, menace en effet l’équilibre de la faune et de la flore. Cette plante, réputée pour ses vertus médicinales en Asie, se développe très vite et envahit les talus des voies de chemin de fer, empêchant les autres de pousser. Or les machines utilisées pour le fauchage favorisent la multiplication de cette plante. Les faucheuses disséminent les spores et les graines sur leur chemin, et les déposent sur d’autres sites. L’animal, lui, mange la plante et la détruit totalement. L’éco-pâturage est donc la solution qui s’impose.
Les moutons sont privilégiés aux autres herbivores car bien que la renouée du Japon convienne au régime de la plupart des animaux, « les terrains pentus et proches des voies nécessitent des animaux calmes et paisibles, qui s’adaptent bien aux différentes situations, à l’image des moutons », assure Louise Covemaeker.
Les bergers chargés de prendre soin des moutons, et de les surveiller, sont des bergers urbains formés par Ecozoone. Selon les différents modules de cette formation un peu spéciale, les élèves apprennent à s’occuper des animaux, à déceler leurs maladies, à les déplacer et à connaître les réglementations qui les concernent. « Les bergers urbains sont des gens qui recherchent un retour aux sources et un certain contact avec les animaux, mais qui ne veulent pas non plus sacrifier leur vie citadine. C’est un bon compromis », explique Louise Covemaeker.

Deux des trois interventions dijonnaises sont terminées depuis quelques semaines. Les moutons ont fait du bon travail mais la renouée du Japon repousse déjà. La SNCF réitère donc ce partenariat en septembre à Dijon. Après ces premiers essais, les moutons ont été transférés sur deux sites à Dole, à environ 50 kilomètres de Dijon. Pour que l’éradication de la renouée du Japon soit complète, les moutons devront revenir sur les lieux chaque année durant trois ou quatre ans. « Si l’on veut que cela fonctionne, il faut que l’action se poursuive sur plusieurs années », confirme Louise. Pour la SNCF, Dijon était une zone test, mais si l’éco-patûrage fonctionne comme prévu, la compagnie compte bien reproduire cette action ailleurs.
En Suisse aussi
De l’autre côté des Alpes, des moutons commencent aussi à prendre possession des voies ferrées. Les CFF (Chemins de fer fédéraux suisses) se sont mis à l’éco-patûrage en mai dernier. « Les moutons constituent une forme très efficace d’entretien des talus. (…) ils déciment les plantes problématiques à forte prolifération et soutiennent ainsi le développement d’espèces de plantes de prairie servant d’habitat à des insectes et animaux », précise-t-on sur leur site.
Les CFF renforcent leur engagement écologique en optant pour des moutons de race skudde, espèce protégée par la fondation ProSpecieRara et quasiment disparue en Suisse.
Les partenariats entre sociétés de chemins de fer et éco-paturâge sont donc en bonne voie, une excellente alternative aux faucheuses mécaniques, plus respectueuse de l’environnement et de la biodiversité, mais aussi plus pratique, puisqu’il s’agit souvent de terrains difficilement praticables.