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Quotidien

La chronique du jardin sans pétrole - Août 2014 à Mars 2015

Jardiner dans la grande ville ? Difficile. Alors Christine s’échappe toutes les fins de semaine, pour maraîcher et observer la nature.

- Dimanche 1er mars 2015 -

Vive la grande ortie, très utile au jardin !

Nous sommes arrivés au jardin après la pluie. La terre est détrempée une fois de plus, mais aujourd’hui, comme nous avons projeté de semer, ce n’est pas gênant. Nous aurons juste à mélanger du compost avec la terre de surface.

L’herbe de Popeye

Une fois le sol préparé, nous nous fabriquons un cordeau avec deux bouts de bois et une ficelle, que nous tendons, Jean-Marie d’un côté, moi de l’autre, pour bien aligner les pois. Avec un pois tous les trois centimètres sur quatre mètres de longueur, nous voici possiblement avec 120 pieds de pois !

Les fèves sont terrées, mais avec l’humidité et le sol qui se réchauffe doucement la graine travaille. J’ai lu que les épinards et les fèves faisaient bon ménage. Enfin, que l’azote produit par les fèves était très utile à la croissance des épinards, car en retour quel intérêt les fèves y trouvent-elles ? J’en sème en espérant cette fois que l’herbe de Popeye sortira de terre.

En partant la semaine dernière, j’ai laissé à dessein la brouette et le seau au milieu du jardin. Ils sont remplis de six centimètres d’eau que je stocke dans un bidon, en attendant la préparation prochaine de diverses tisanes et autres purins de plantes pour lesquels il est préférable d’employer de l’eau de pluie.

La grande ortie

D’ailleurs où en sont les orties ? Souvenez-vous qu’au printemps dernier j’ai semé de la grande ortie dans le jardin, que j’ai repiquée cet automne un peu à l’écart du potager sur un tas de terre excavée de la future mare. Elle est là, pas très grande mais bien vivante.

Faire pousser des orties peut sembler être une drôle d’idée alors qu’il en pousse partout autour de nous. Mais celle-ci, c’est la grande ortie (Urtica dioica), à ne pas confondre avec l’ortie brûlante (Urtica urens) dont les propriétés médicinales et gustatives n’égalent pas celles de la première.

Je ne sais pas si dans la soupe, je ferais la différence entre les deux, mais pour le purin c’est celle-là qu’il faut utiliser. On dit d’elle qu’elle est dioïque parce que ses pieds mâles ou femelles portent des fleurs unisexuées. Espérons qu’elle se reproduise !


- Dimanche 22 février -

Le bon jardinier sait marier les plantes qui s’aiment

Sur le boulevard Voltaire déserté par les Parisiens, on entend le croassement des corneilles, comme dans les mornes plaines picardes de mon enfance. A la Gare d’Austerlitz, pas de chance, l’ascenseur est encore en panne. Je suis seule aujourd’hui et le seau à compost lourd de deux semaines d’épluchures bien tassées s’ajoute au poids de ma petite reine. J’ai emporté avec moi de la lecture sur un de mes sujets de prédilection : les associations de plantes.

La ciboulette et le pois brouillés

Dans notre potager, comme dans la nature, nous ne cultivons pas les variétés de légumes seules mais les mélangeons autant que possible à d’autres, sans se préoccuper de savoir si elles sont faites pour s’entendre !

L’année dernière, nous avons fait les frais de l’inimitié entre la ciboulette et le pois. Pour occuper le sol, le temps que les pois mangetout poussent, j’ai semé de la roquette et sur quelques dizaines de centimètres de la ciboulette. Et là, les pois ne sont jamais sortis de terre.

Les plantes aussi ont leurs humeurs et certaines ne peuvent pas se sentir ! D’autres au contraire s’entraident comme les poireaux et les fraises ou les tomates et les carottes, dont les uns éloignent les parasites de l’autre.

- Les jonquilles sortent de terre -

Nouvelle discipline

Depuis l’Antiquité, on sait que rien ne pousse sous les noyers mais il a fallu attendre 1937 pour comprendre pourquoi. Un éminent spécialiste de physiologie végétale autrichien, Hans Molisch, s’est sérieusement penché sur les molécules que les plantes envoyaient dans le sol via leurs racines et les relations chimiques complexes auxquelles elles se livraient. Il a ouvert la voie d’une nouvelle discipline qu’il a appelée l’allélopathie en associant deux mots grecs : allelon (réciproque) et pathos (souffrance).

On ne peut pas dire que les études sur le sujet foisonnent. Elles concernent le plus souvent les grandes cultures et pas tellement les plantes potagères. Le jardinier du dimanche peut quand même s’en remettre aux jardiniers patients et assidus et profiter de leurs découvertes en plongeant dans la lecture passionnante de leurs observations. Mais nous voici à Chamarande.

La butte aux fraisiers

Un grand soleil bleu éclaire la plaine. Les jonquilles sont sorties de terre et les boutons commencent à s’épaissir sous la gangue vert tendre. La rhubarbe installée à l’extérieur, le long de la clôture nord, a débourré (photo chapô).

Je consacre un moment à nettoyer la butte des fraisiers, ceux de 2013, abandonnés cet automne à leur sort après avoir déplacé une partie de leur descendance vers le potager. Chaque pied de fraisier donne naissance à trois ou quatre nouveaux pieds, si bien que rapidement on se retrouve avec plusieurs dizaines de pieds.

- La butte des fraisiers après trois heures de soin -

Située sous la limite de la frondaison d’un chêne, la butte des fraisiers est couverte de feuilles et de glands, venus s’ajouter au paillage de copeaux de peuplier. Les fraisiers sont encore attachés les uns aux autres par leurs stolons. Le trèfle, qui a gagné la butte, s’y mêle sans complexe. Racines traçantes et stolons forment un maillage bien dense !

Association bénéfique ou étouffante ? Dans le doute, je dégage chaque pied de fraisiers, aère la terre à coup de griffes et leur offre une bonne pelletée de compost. Avant de repartir vers la gare, je ramasse deux petits choux, deux radis noirs et de la salade : mâche, chicorée rouge et quelques pousses de cardamine hirsute. Cette plante au goût de cresson prospère en cette saison.


- Dimanche 15 février 2015 -

Où l’on apprend à fabriquer une serre en deux coups de cuillère à pot

Cette semaine le jardin sans pétrole est parisien. Pas de vélo, pas de RER non plus. Nous avons mieux à faire que d’aller patauger dans la gadoue ou tasser la terre sous nos pieds ! Le seau de compost pourra bien attendre la semaine prochaine.

Nous partons chez nos amis jardiniers itou, avec dans un caddie tout le nécessaire au montage de la serre : la boîte en polystyrène expansé, le câble, la bande de tissu cousue pour enserrer la boîte et fixer les segments de câbles en forme d’arceaux, les équerres métalliques pour poser la serre à hauteur de soleil, les boîtes d’œuf en guise de godets pour accueillir les semis, le film plastique pour les protéger du froid.

Il faut aussi prendre la terre de jardin et le compost rapportés la semaine dernière. Enfin ne pas oublier les graines... et les muffins aux pommes qui sortent juste du four pour le goûter.

Comme dehors, il pleut, l’atelier de jardinage n’aura pas lieu dans le square tout proche mais dans la pièce à vivre. Avec trois enfants, dans nos appartements où l’espace est contraint, cela relève déjà de l’exploit !

Nous protégeons la table avec du journal. Les trois fillettes préparent le terreau de semis, en mélangeant un tiers de terre du jardin et deux-tiers de compost. Nous leur avons donné des passoires de bac à sable pour que le mélange soit sans grumeaux, mais les trous ne sont pas assez gros et la terre trop humide. Avec les mains c’est tout aussi efficace à condition d’émietter. Mina, la plus jeune fait exactement le contraire, pétrissant le mélange terre-compost comme on le fait pour faire une pâte à tarte.

Pendant ce temps Jean-Marie coupe les segments de câble au bout desquels je fixe un ruban adhésif pour éviter que les filaments ne se prennent dans le tissu. Puis je les glisse dans les goulettes cousues à cet effet. Damned ! Sous la force du câble arqué, le ruban de tissu s’écarte de la boite. Jean-Marie nous arrange ça avec un bout de ficelle tendu entre les arceaux.

Parfait, il fait nuit, je n’ai pas pris les bons sachets de graines, mais la serre est installée sur le rebord de la fenêtre prête à l’emploi… Nous y mettons un soir de la semaine des graines de salades, de chou rave et autres crucifères.


- Dimanche 8 février -

La mauvaise réputation du lierre n’est pas fondée

Quelle journée ! Le beau temps avec nous, la terre humide juste à point pour accueillir la grelinette et les premiers semis de l’année ! Cerise sur le gâteau, nous emportons notre premier ballot de drêche d’orge récupéré auprès du copain de l’Amap qui se lance dans la production de bière artisanale.

De l’intérêt de la drêche d’orge

La drêche d’orge nous intéresse car elle contient une quantité significative de phosphore et du phosphore, il en manque dans notre terre. Sitôt arrivés, nous la mélangeons au tas de compost en cours de maturation.

Nous pouvons enfin poursuivre la préparation du sol : aération à la grelinette, apport de compost tamisé, nivellement au râteau. En mai, le complexe argilo-humique, clef de voûte de l’alimentation des plantes sera formé, du moins l’espère-t-on !

Dans une butte préparée le mois dernier, nous semons six graines de fèves, par deux. Léonie a pris les grosses graines marron et les a plantées le hile vers le haut, à trois centimètres de profondeur. Le hile est le nom de la petite cicatrice qui marque le point où la graine est attachée dans la gousse. C’est là, que le germe sort de la graine. La fève peut être semée de bonne heure, car elle ne craint pas le gel.

- Le jardin endormi sous les feuilles et les copeaux de peuplier -

Les vertus du lierre

Tiens, je remarque pour la première fois que la présence de lierre commun (Hedera hélix) sur l’un des chênes. Une présence heureuse puisque cette plante, accusée pendant longtemps de parasiter les arbres sur lesquels elle pousse, est aujourd’hui considérée comme un écosystème à elle toute seule.

Loin d’abîmer le tronc, le lierre le protège de la fracture par le gel ou des animaux pouvant endommager l’écorce. Il produit des molécules qui inhibent les champignons, les bactéries ou les parasites qui peuvent s’attaquer aux arbres.

C’est une liane qui forme des tiges ligneuses dont la taille peut atteindre trente mètres de long ! Elle grimpe droit vers le ciel en s’aidant de petites ventouses qu’elle fixe sur l’écorce sans gêner les flux de sève.

Derrière son feuillage persistant, il abrite et nourrit un nombre incalculable d’insectes et en cette période hivernale, les oiseaux viennent se nourrir de ses baies noires, toxiques pour l’homme mais très prisées des mésanges, des fauvettes et autre rouge-gorges que Jean-Marie reconnaît à l’oreille ! Trop fort.


- Dimanche 1er février 2015 -

L’hiver froid fait du bien à la nature

En sortant du RER, nous avons retrouvé la pluie glacée laissée à la Gare d’Austerlitz. Une pluie de neige fondue, qui nous fait regretter que ce ne soit pas de la neige. Des flocons légers virevoltants autour de nos bicyclettes, sans prise sur nos parkas, nous seraient plus agréable que ces gouttes d’eau lourde, d’autant que nous n’avons pas nos capes de pluies.

Nous arrivons enfin, le pantalon un peu humide, avec pour la première fois un Thermos plein d’une bonne tisane dans nos sacoches. Sous les grands cerisiers à l’écorce humide et presque noire, nous nous réconfortons de ce liquide tiède et épicé.

Les cristaux magiques

La neige ne viendra pas cette fois. J’espère que nous en aurons ! Elle est très utile au jardin quand elle n’arrive pas trop tard. Elle capte dans ses cristaux une partie de l’azote de l’air que ces derniers libèrent dans le sol en fondant et qui est directement assimilable par les plantes. Voilà pourquoi les prairies sont bien vertes à la fonte des neiges. Une fertilisation gratis dont nous allons être privées à cause du dérèglement climatique ?

Même sans manteau blanc, l’hiver rigoureux est un bienfait pour la nature qui peut s’assoupir. Avec des températures en-dessous de zéro, les arbres fruitiers s’assainissent des champignons et autres insectes parasites et permet un bon fleurissement quand la chaleur revient.

Nous aussi, nous aurions peut-être dû rester à la maison en mode repos végétatif ! Nous ne nous attardons pas. Tandis que Léonie trotte à dos de poney, je fais une razzia sur les pousses de mâche et de cardamine hirsute, cressonnette dans le langage vernaculaire à cause de son goût proche du cresson. Je ramasse aussi les feuilles qui ont repoussé sur les tiges des choux cabus que nous avions laissés en terre depuis l’été. Sitôt le cours terminé, nous repartons vers la gare.

Chantier « serre de balcon »

Rentré de bonne heure, nous poursuivons le chantier « Serre de balcon » pour nos semis. Mes expériences de semis sur le bord de nos fenêtres, au premier étage d’un immeuble en cœur d’îlot, n’ont pas été convainquantes. Comme elles manquent de lumière, les plantules s’allongent désespérément au lieu de faire des racines.

Ma complice de graines dispose d’un balcon filant au 6e étage et peut dégager 2,5 mètres linéaires pour nos plantations de toutes sortes de légumes. Jean-Marie va fabriquer un système d’accroche pour les installer au raz de la balustrade afin qu’elles bénéficient d’autant de soleil que possible puisque le balcon est orienté nord-ouest.

Quant à moi, je construis des petites serres avec des bacs en polystyrène expansé ayant servi à transporter du saumon chez un restaurateur du quartier, du tissu récupéré dans un vieux rideau, des câbles de récup et du film translucide. Nous avons programmé, le premier week-end des vacances d’hiver, un atelier de semis avec nos enfants.


- Dimanche 25 janvier 2015 -

Quand les pupes attaquent les poireaux, le jardinier dégaine sa tanaisie

Nous pouvons maintenant rester au jardin jusqu’à 17h00 sans risquer d’être surpris par la nuit et n’avons plus besoin de pédaler après le soleil couchant pour attraper le RER.

Les chevaux sont à l’écurie, Léonie à son cours de poney et je suis seule à ramasser de la mâche, les derniers navets, un chou et quelques poireaux.

Zut, la mineuse a encore fait des dégâts. Rien à voir avec l’attaque surprise de l’année dernière, avec plusieurs pupes cachées dans chaque fût de poireaux, les ayant rendus pratiquement inconsommables. Pour les oublieux, la pupe est une sorte de chrysalide de la taille d’un grain de riz, couleur de brique, de laquelle sort une petite mouche grisâtre qui s’attaque aux poireaux deux fois par an, au printemps et à l’automne.

Nous avons échappé à l’attaque du printemps mais notre vigilance s’est relâchée après l’été et le temps très doux a prolongé le vol des mineuses jusqu’en novembre. La tanaisie est une fleur commune en Europe, de la grande famille des composées, dont les feuilles odorantes ont un effet répulsif sur les insectes.

Posées entre et sur les poireaux, ses feuilles odorantes ont brouillé en partie les radars des mouches, mais certaines, au nez fin, les ont finalement découverts. En déterrant les poireaux, je fais attention à bien écraser les pupes qui abritent la future génération...

Aujourd’hui, je vais réaménager le jardin des herbes aromatiques sur une butte triangulaire qui se trouve au centre du potager. L’idée est d’y rassembler toutes sortes de plantes utiles pour le potager : du thym, du romarin, de la lavande, de la sarriette, de la tanaisie, de la rue…

Toutes ces plantes, très utiles à la maison pour parfumer les plats ou apaiser les corps fatigués, sont aussi très bénéfiques au potager pour tuer les nématodes du sol, ces vers microscopiques qui dévorent les racines des plantes, éloigner toutes les espèces de mouches : celle du poireau, celle du chou, celle de la carotte ou celle des salades. Vous voulez leur nom latin ? Allez dans l’ordre : Phytomyza gymnostoma, Delia radicum et Psila roasae.

L’hiver, il est très facile de diviser les touffes, de faire des boutures ou du marcottage pour les multiplier puis les disperser sur les buttes.

Belle journée ! Quand je lâche ma griffe, c’est l’heure bleue et silencieuse. Sous le soleil pâle la prairie a des allures de grands espaces. Il est temps pour nous aussi de regagner notre nid parisien.


- Dimanche 18 janvier 2015 -

Partager les semences pour faire vivre les jardins

Ce dimanche, pas de jardin. Léonie grippée nous retient à la maison. Au chaud, tranquillement installée avec un café, j’ai sorti la boîte des semences. Il est grand temps de regarder ce qu’il reste dans les sachets. Une amie jardinière m’a rejoint et nous faisons ensemble l’inventaire. Nous allons nous partager les graines restantes.

Un petit pliage origami nous permet de réaliser facilement des enveloppes en papier d’emballage de récupération pour y mettre les graines de coriandre, d’arroche, de bourrache, d’onagre dont je n’ai plus besoin car ces plantes sont maintenant bien installées dans le jardin et pourvu qu’on laisse quelques pieds fleurir et monter en graine, de jeunes pousses apparaîtront d’elles-mêmes l’année suivante.

J’ai aussi en réserve des graines que le fabriquant recommande d’utiliser avant fin 2015. Pour un jardin comme le nôtre, la quantité de graines disponibles dans le sachet est si grande que cela empêche de semer différentes variétés sauf à accepter de perdre une partie de ses semences. J’ai ainsi quatre variétés de carottes et six de tomates. Idem pour les salades et les courges ! En partageant les semences avec d’autres jardiniers, on peut diversifier sa production sans dépenser trop.

Il y a aussi la plate-forme en ligne de Graines de troc où chacun peut proposer et échanger ses graines, en constituant ensemble une collection commune. Chaque envoi de graines permet d’obtenir un jeton et donne la possibilité de choisir parmi les variétés de la collection. Toutes ont leur place : les variétés introuvables mais aussi les plus communes, les anciennes et pourquoi pas, d’étonnantes inconnues.

Nous pourrions aussi récolter nos semences. Je ne trouve pas cela évident dans notre jardin où poussent en général plusieurs variétés de pois, de haricots, ou de pommes de terre. Pour conserver la qualité de chaque variété, il faut éviter la pollinisation croisée qui brouille ces qualités identifiées. Mais je me vois mal dire aux bourdons et autres abeilles de se nettoyer la bouche et les pattes à la porte des fleurs !

Image : Arpent nourricier


- Dimanche 11 janvier 2015 -

Jardiner, c’est résister

Jardin ou manif ? C’est décidé, dimanche 11 janvier, nous sommes partis de bonne heure pour être de retour dans le cortège avant la nuit. Jardiner, c’est résister ! Résister pour préserver la vie dans sa diversité.

Chic le RER est gratuit pour tous. Car normalement, si on ne paye pas avec la Navigo mais pour les enfants de moins de dix ans c’est six euros, la virée en grande banlieue.

Une lumière claire annonce le renouveau. Patience, la nature est encore engourdie, les nuits encore trop longues. L’activité chlorophyllienne fonctionne au ralenti. Sur les arbres et les arbustes, les bourgeons sont bien formés mais bien fermés aussi.

Je regarde le jardin et ses sensibles mouvements, touche la terre froide et humide, charrie deux brouettes de feuilles mortes, tamise autant de compost bien mûr et grumeleux et reprend le travail d’amendement du sol, laissé de côté depuis plusieurs semaines.

La terre n’est pas trop humide aujourd’hui. Je commence par dégager les copeaux de peuplier qui préserve les buttes de l’érosion et la terre de la battance. Puis j’aère le sol à la grelinette sans remuer, juste un mouvement de va et vient. J’ajoute ensuite une bonne dose de compost et je passe un coup de râteau pour le mélanger à la terre. Enfin, je recouvre des feuilles mortes. Nous les ôterons dans quelques semaines, avec les premiers semis.

La taille de la mâche me semble ridicule à côté de celle que j’ai achetée. Mais les bouquets sont croquants et goûteux. Issue de la famille des Valérianes, c’est une plante annuelle automnale, dont les graines germent en automne pour fleurir et grener au printemps suivants.

Les graines lèvent avant que les jours ne raccourcissent trop. Les feuilles bien vertes naissent deux par deux, se superposant en croix les unes au-dessus des autres et formant au bout de quelques semaines une rosette assez fournie qui attend ainsi dans la froideur de l’hiver, un rayon de soleil printanier pour fleurir. Des fleurs toutes petites,
d’un blanc bleuté, se dressent alors sur leurs tiges allongées.

La mâche - valerianella locusta - est une plante sauvage très répandue, souvent compagne des blés. On l’appelait doucette aux temps où on la ramassait. Nous avons choisi la mâche d’Etampes car elle résiste remarquablement bien au froid, et se fane moins que les autres.

Toute occupée à choisir les plus belles dans le parterre verdoyant, je n’ai pas vu l’ombre recouvrir le jardin.

Je regarde avec envie la prairie devant moi encore baignée de lumière.


- Samedi 3 janvier 2015 -

De la vertu des cartons en milieu potager

Nous avons délaissé nos vélos pour apporter un chargement de carton. Des cartons plats et de grandes tailles, dont on ne peut que regretter les réfrigérateurs ou autres écrans plats de taille obscène qu’ils ont protégés dans leur première vie.

Avec ces cartons, nous allons maintenir une humidité à peu près constante dans les tas de compost et éviterons que les débris végétaux des thuyas ne viennent l’acidifier. Les cartons vont aussi nous servir à empêcher la végétation de pousser et stimuler la vie souterraine et l’aération du sol.

En effet, en privant les végétaux de lumière, ceux-ci pourrissent sur place et des escouades d’insectes phytophages débarquent. Ils réduisent les herbes indésirables en nutriments que nos légumes apprécieront. Il suffit pour cela de laisser le carton posé plusieurs mois sur le sol. On obtient alors un « effet grelinette » des plus étonnant... Quand je pense à toutes ces heures passées à bêcher et à arracher à main nue les racines des ronces et du chiendent !

Tiens la porte est mal fermée. Nous n’avons pas pris le temps de poser la serrure après avoir remis en état le portail de bois et nous attachons juste un fil de fer. En allant voir où en sont les pousses de mâche, Jean-Marie a découvert des marques de sabot.

Les fanes de carotte ont été ratiboisées et une partie des racines orangées ont été mangées. C’est la ponette qui pâture dans les prés autour du potager qui est venue passer le réveillon ! Les racines croquantes et les fanes odorantes lui ont changé son ordinaire ! La ponette gourmande a eu la délicatesse de ne pas labourer les buttes en passant et le carré de la mâche n’a pas été visité.

La journée est consacrée au rangement. Nous enlevons le tuyau d’irrigation installé avant l’été afin que les petits trous du goutte à goutte ne se bouchent pas en stagnant dans la terre humide. Il y en a cinquante mètres ! Avec des gestes amples nous l’enroulons comme un lasso et le remisons sous la frondaison des thuyas. Nous déplantons aussi tous les piquets qui nous servent à signaler la présence de nouvelles plantes, les nettoyons et les mettons eux aussi à l’abri des thuyas.

Nous n’avons pas mieux pour l’instant que ces arbres que nous avons fini par apprécier tant ils nous rendent service. Tandis que Jean-Marie, patiemment taille les branches ombrageuses, qui font du tort à nos plantations, j’éclaircis les pousses de mâche. La densité de ces tendres feuilles vertes est un plaisir pour les yeux tant, tout autour, le jardin a plongé dans un camaïeu de brun. Une demi-heure plus tard, j’ai rempli un sac en papier. Nous ramassons aussi les carottes épargnées par la ponette et roulons vers Paris.


- Samedi 13 décembre 2014 -

Dans la brume hivernale, l’émerveillement naît des détails de la nature

Une brume légère flotte sur la Seine tandis que nous traversons le pont d’Austerlitz. Passé Juvisy, la brume s’épaissit. A travers les vitres du RER, le paysage semble défiler derrière un papier calque. Nous avons ajouté les gilets anti brouillard à nos bagages pour pédaler jusqu’au jardin.

Il règne une atmosphère laiteuse avec un ou deux degrés au-dessus de zéro. La nuit, il gèle maintenant, en témoigne le glaçon tombé du pluviomètre, lequel indique cinq centimètres. C’est beaucoup d’eau en une semaine ! Pas une feuille, pas une brindille de bois mort n’a échappé à l’humidité et notre page de journal ne nous permet pas d’allumer le poêle-parpaing.

Nous déjeunons d’une salade de choux, d’un bout de pâté de l’Aveyron accompagnant le pain de La conquête du pain, coopérative de Montreuil-sous-Bois, et d’une pomme.

Après avoir retourné le deuxième bac de compost, nous partons nous promener dans les bois. On n’y voit pas très loin, mais l’émerveillement naît des gouttelettes d’eau de pluie accrochées à la branche d’un arbre, des champignons que l’on croirait venu des fonds marins, des fruits rouges vifs du cynorhodon luisant d’humidité dans les camaïeux bruns de la forêt.

Ces petites baies oblongues sont les fruits des églantiers (Rosa), des rosiers sauvages qui ont, au fil du temps et des hybridations volontaires, donné naissance aux mille-et-une variations de la rose des jardins. Leurs fruits sont connus sous le nom de gratte-cul car elles contiennent une bourre piquante, le poil à gratter, dont les enfants s’amusent.

Le froid a rendu les baies blettes de telle sorte qu’en les pressant doucement entre le pouce et l’index, il en sort une compote un peu grasse et délicieusement acidulée. La teneur en vitamine C de cette friandise sylvestre est supérieure à celle du navet, laissant l’orange de Floride, dont on nous vante les bienfaits, loin derrière !

Nous rapportons de la salade, des laitues et de la mâche, un chou cabus, un chou-rave, deux poireaux, cinq belles carottes, de l’oseille et quelques pousses de cardamine hirsute dont la saveur piquante réveille les salades.

En repartant vers la gare, nous passons sous le plaqueminier délaissé et faisons un nouveau plein de kakis.


- Samedi 6 décembre 2014 -

Quand on phosphore sur le phosphore

Journée difficile, sous un ciel bas et sans lumière, sous un crachin dont l’humidité froide vous pénètre jusqu’aux os. Décembre est là avec les températures de saison que nous, citadins, ne sommes plus habitués à vivre. Même notre poêle-parpaing mis en route pour tiédir notre déjeuner ne suffit pas à nous réchauffer.

Que faire quand la terre est trop humide pour être chahutée, que la saison des semis est terminée, que la nature tire sa révérence pour une hibernation de quelques mois ? Regarder les dernières fleurs du soleanum sisymbrifolium, dont le bleu délavé contraste avec les épines orangées, ou les soleils jaunes d’or des soucis qui affichent un air de résistance joyeuse.

Le temps n’est pas à la contemplation. Nous trouvons une occupation à l’abri des thuyas. L’un des tas de compost n’a pas été remué depuis l’été. Un bon m3 de végétaux en cours de décomposition à vider du bac et à remettre en place. Cette opération permet d’aérer le mélange, d’apporter de l’oxygène et ainsi de relancer le magma végétal purificateur. En effet, au cœur du compost, la température peut monter jusqu’à 70°C et détruire les germes pathogènes présents.

Depuis trois semaines, nous étudions la question du phosphore et les pistes pour en augmenter la teneur dans le compost. C’est un élément important puisqu’il permet le développement des racines et des fruits. Il est au centre du métabolisme énergétique de tous les êtres vivants : des plantes comestibles que nous faisons pousser mais aussi des bactéries, des champignons et des animaux. Bref, quand il y a assez de phosphore, la vie peut s’épanouir.

Mais où en trouver quand on ne veut pas passer par la case jardinerie ? La fiente de poule, la cendre de bois, la drêche de malt d’orge en contiennent des quantités intéressantes. Dorénavant, nous allons utiliser les cendres de nos feux d’hiver pour enrichir le sol et suivre la piste des résidus de brasserie car un copain de l’AMAP fait de la bière artisanale…

Nous rapportons cinq carottes, deux poireaux, un radis noir, deux brocolis et de la salade. Jean-Marie a fabriqué une gaule en bambou pour décrocher les kakis d’un plaqueminier délaissé sur le bord de la route. Belle récolte pour une fin de saison. Dans le RER qui nous ramène vers Paris, nous nous endormons presque, estourbis par la soudaine chaleur du wagon.


- Samedi 29 novembre 2014 -

L’heure du grand recyclage végétal a sonné

Pour ne pas trop se casser le nez avec le RER, le smartphone devient indispensable. Samedi, alors que nous sommes sur le point de partir avec notre repas, la nappe, les couverts et tout le tintouin... pour prendre le train de 11h17, une alerte m’informe que les trains de la ligne C vont être fortement perturbés jusqu’à 13h30 !

Nous déballons la salade de chou, le pâté et les radis pour un en-cas pris sur le pouce et pédalons vers la Gare d’Austerlitz, allégés de nos victuailles. Ça tombe bien ! L’ascenseur est en panne... Vite, vite, traversée de la salle des pas perdus, descente de l’escalier les vélos à l’épaule, passage du sas « mobilité réduite » et escalator jusqu’au quai, où nous avons juste le temps de monter dans le train un peu essoufflés.

Nous longeons bientôt les bords de Seine et les maisons en meulière de Juvisy. Sous une douce lumière blanche, les feuillages offrent leurs derniers éclats automnaux. Le jardin est inondé de cette lumière qui sent le froid. Les feuilles de nos quelques arbres jonchent le sol, les pieds des deux dernières courges Butternut sont fanés. L’heure du grand recyclage végétal a sonné.

Tout un monde sous nos pieds a commencé à brasser, découper, broyer, émietter les feuilles mortes et les restes des plantes potagères et florales que nous avons laissés sur place. Limaces, fourmis, mille-pattes, cloportes, vers de terre nous sont devenus familiers mais il y en a tant !

L’analyse de sol nous a appris que des collemboles vivaient là : « parmi les nombreux petits êtres qui vivent dans votre sol, indique le document, les collemboles sont des auxiliaires très utiles et abondants ». On ne les avait pas vus ! Il faut avoir l’œil entraîné pour repérer ces minuscules crustacés d’à peine quelques millimètres qui sont arrivés sur terre il y plus de 400 millions d’années !

Pour compléter « la potion magique » dispersée à la surface du sol la semaine dernière, nous commençons à étaler du compost mûr sur les espaces libres de culture puis griffons le sol pour le mélanger avec les premiers centimètres de terre. Enfin, nous protégeons le tout d’une litière de feuilles de chêne. Il n’y a plus qu’à laisser le petit monde du sous-sol travailler.

Cette semaine le thermomètre va descendre et peut-être il gèlera à la pointe du jour. Nous emportons les dernières courges, trois navets dodus, quelques poireaux, un chou, et taillons la sarriette, le thym, le thym citron. Contre le rhume, ce dernier est excellent !


- Samedi 22 novembre 2014 -

Le bulletin de santé du jardin est arrivé ! Il nous faut une potion magique

L’analyse de notre terre est arrivée dans ma boite mel vendredi 21 novembre. Une feuille recto verso avec des chiffres et des graphiques, façon bilan sanguin dont on ne sait quoi faire. Il nous faudrait un médecin du sol !

Les explications et les conseils donnés par le Laboratoire analyses microbiologiques sols– sont un peu légers, me renvoyant vers des préparations manufacturées « certifiées biologiques » dont je tairai le nom. Ayant pris soin d’indiquer les plantes spontanées représentatives, nos observations et nos pratiques de jardiniers, j’avais espéré une vision plus holistique de l’écosystème de mon jardin. Ce bulletin de santé m’apparaît finalement bien conventionnel.

Pour autant, il nous confirme et précise plusieurs de nos observations. Nous avions l’idée que notre sol était acide à la suite d’un test effectué avec des bandelettes réactives réalisé l’année dernière. Bonne nouvelle, le PH est de 6,90 (la neutralité étant à 7). Nous sommes rassurés sur la capacité d’action des bactéries, sans lesquelles le sol ne pourrait être tout à fait vivant.

Ce n’est pas de ce côté là qu’il faut chercher pour comprendre la faible activité biologique de notre sol, que l’analyse nous a également confirmée. Tout comme sa pauvreté, en effet, le taux de matière organique est de 2 % alors qu’il devrait être au minimum de 3 %.

Toute notre production de compost de l’année dernière soit environ 200 kg n’a pas été suffisante car une bonne partie a servi à remplir les fosses de rempotage des arbustes et pieds de rhubarbe, si bien que les buttes n’ont eu qu’à peine 1 kg/m2. C’est peu ! Pour un sol pauvre comme le nôtre, nous aurions dû en mettre au moins 1,5 kg/m2 !

L’analyse chimique nous donne aussi la valeur en pourcentage de divers éléments importants pour la croissance des plantes comme le potassium, le calcium le magnésium ou le calcaire.

Ce n’est pas la Bretagne ici avec ses algues vertes qui pullulent à cause des phosphates. Dans la terre du jardin peu de phosphore. A cause du sous-sol ? Du compost qui contient une quantité importante de fumier de cheval pauvre en phosphore ? On n’a pas fini de phosphorer sur le sujet !

Avant que le froid ne s’installe, que le grand recyclage de la nature ne commence, nous avons répandu une potion stimulante mise au point par une ancienne connaissance de Jean-Marie. Nous en avions parlé, Jean-Marie en a rapporté un sac de l’Aveyron, attendant mon accord pour répandre les granulés sur les buttes. Je voulais, était-ce bien utile, que nous fassions préalablement cette analyse de sol.

Marcel Mézy, amateur de chevaux et féru d’agriculture biologique travaille depuis plus de trente ans à la mise au point d’un « compost » particulier qui agit comme un accélérateur de la fabrication d’humus. Quand on sait que l’humus est la clef de la fertilité des sols, comment résister ?


- Samedi 15 novembre 2014 -

Le mystère du jardin endormi

Un week-end arrosé nous attend. Lâchement, nous laissons vélos et RER erratique pour la confortable voiture de chantier de Jean-Marie.

Il tombe sur le jardin une pluie fine mais déterminée. Impossible de plonger les quatre dents de la grelinette dans le sol pour l’aérer ! J’ai toujours en tête l’énigme de la désertion des bactéries aérobies de notre sol qui provoquerait l’engorgement en matières organiques et l’installation de toutes ces plantes : renoncule rampante, oxalis, mouron rouge, armoise commune, consoude et prêle. Je ne vois pas ce qui nous a conduit là.

Tandis que Jean-Marie élague le chêne pour limiter l’ombre portée de sa frondaison sur le potager, je m’attèle au nettoyage de la jungle qui s’étale sur la clôture sud. D’un geste cadencé, il transforme les branches ramifiées en fagot de bois.

De mon côté, j’extirpe les nœuds des racines de ronces et tire sur les tiges afin d’éviter qu’elles ne prennent racine un peu plus loin. Elles couvrent le grillage occultant la lumière vers les légumes. Le sol qui est assez meuble facilite ce travail harassant. Je retrouve au sol le maillage dense des racines de ronces, de lierre, de graminées diverses, si dense qu’il semble ne jamais pouvoir se décomposer.

C’est dans le très intéressant livre de Marcel B. Bouché, Des vers de terre et des hommes, que j’ai trouvé une explication possible à cette situation. Le jardinier-chercheur explique que dans un sol appauvri - ou initialement pauvre - la végétation qui pousse est « résistante » car sa croissance est ralentie par la pauvreté ambiante. A leur mort, les tissus végétaux conservent leur propriété de résistance et sont peu décomposables. Tout se passe comme si l’écosystème fonctionnait au ralenti.

Notre jardin, comme la belle au bois dormant, se serait endormi à la fin du XXe siècle, abandonné par un jardinier devenu trop vieux. Le sol, dont la structure est sablo-limoneuse, s’est rapidement appauvri, car il a une tendance fâcheuse à laisser filer l’eau emportant les minéraux que les plantes comme la consoude s’échinent à faire remonter en surface par leurs profondes racines.

C’est ainsi que des plantes bien costaudes comme le lierre ou la ronce ont colonisé ce morceau de prairie. Ces dernières ont pratiquement disparu de nos buttes de culture, remplacées par les renoncules et les consoudes. Une amélioration qu’il ne faut pas minimiser !

Comme nous sommes en auto, nous en profitons pour rapporter les courges, avant qu’elles ne pourrissent dans l’humidité de novembre.


- Samedi 8 novembre 2014 -

Cette fois-ci, l’automne s’est installé

La journée s’annonce fraîche et humide. L’automne arriverait-il pour de bon ? Nous emportons nos cache-nez, une gamelle de lentilles et quelques saucisses à griller. Plus la peine de prendre des graines, les jours sont trop courts maintenant pour semer. La forêt autour de nous s’est soudain éclaircie et les teintes chaudes dominent maintenant dans le feuillage.

Sous un ciel gris, nous allumons un petit feu avec le bois sec provenant de l’élagage des thuyas réalisé l’hiver dernier. Nous en profitons pour brûler les végétaux malades qui attendent dans un coin du jardin car nous ne les mettons pas dans le compost de peur de voir les mineuses et autres piérides coloniser le potager.

Le paillage abondant de copeaux de peupliers, en place depuis l’été, a commencé à se déliter et des petites pousses émergent, verdissant les buttes et les allées. Elles proviennent des graines de plantes annuelles tombées au sol ces dernières semaines : des prêles, des roquettes, des laiterons, des bourraches, des cardamines, des moutardes, des consoudes...

Je cherche mes plants d’épinards au milieu de ce fouillis végétal. En vain ! Faudra-t-il que nous renoncions aux épinards ? Pourtant, l’année dernière, nous avions réussi à avoir quelques pieds. Cette année, les semis de printemps sont mal sortis et ceux de l’automne inexistants. Il est possible que nous ayons trop enrichi la terre en compost frais (les épinards n’aiment pas trop cela, semble-t-il) ou bien les limaces se sont gavées de ces plantules naissantes sans même nous donner le plaisir de les voir.

Depuis, nous préparons un nouveau plan de protection contre ces mollusques rampants. Après la cendre et les feuilles de bourraches râpeuses tant qu’elles sont fraiches étalées autour des pieds, nous allons tester les coquilles d’œufs pilées. Le contenant ne se rempli pas vite, mais d’ici le printemps...

Je regarde vers la cabane du hérisson que nous avons réalisée tardivement au sortir de l’hiver. Elle tient debout comme au premier jour. Ce serait chouette qu’une hérissonne et son compagnon viennent y fonder une famille.


Samedi 1er novembre 2014

Quand les navets sont plus véloces que les RER

Les vacances de la Toussaint nous ont éloignés du jardin. Nous le retrouvons avec plaisir, baignant dans une douce température. La lumière décline, mais tant que les feuilles des courges sont vertes, les fruits peuvent poursuivre leur maturation et rattraper le retard dû aux pluies de l’été. Autour de nous, les coteaux boisés jaunissent doucement et s’effeuillent.

La belle surprise de cette journée est l’apparition des navets. Quelle vélocité ! Nous les avons semés fin août et déjà certains, plus hâtifs que les autres, s’annoncent, formant une collerette mauve-violette.

Plus de vitamine C qu’une orange !

Le navet est un des rares légumes européens, très couramment consommé, jusqu’à ce que la pomme de terre et une foison d’autres légumes ne viennent modifier radicalement notre alimentation durant le XIXe siècle. En latin, Brassica rapa, annonce son appartenance à la famille des Brassicaceae - plus connues sous le nom de crucifères, laquelle compte aussi les choux ou les moutardes, et dont les études successives confirment les bienfaits pour l’organisme, notamment dans la prévention des cancers.

Le navet est peu calorique et c’est un concentré de vitamine C et de minéraux, car son système racinaire pompe les minéraux du sol : phosphore, magnésium, potassium, fer... à condition que la terre en contienne, ce qui n’est pas le cas dans les sols amendés chimiquement. Un navet local contient deux fois plus de vitamine C qu’une orange qui, au mieux, vient d’Espagne.

Nous nettoyons les buttes de tous les végétaux qui ne produisent plus, les plantes grimpantes des haricots, les cosmos et les bourraches fans, les fleurs d’artichaut, en coupant simplement à la base et en laissant dans la terre les racines comme nourriture pour nos amis du sous-sol.

Promenade dans le crépuscule

Tandis que le soleil décline derrière les thuyas, nous repartons vers la gare de Chamarande, nos sacoches remplies : un chou, un potimarron, un plein sac d’oseille, un mélange de salades diverses, deux poireaux, deux navets, dix carottes, de la ciboulette, du basilic, du thym citron et de la sarriette.

La mauvaise surprise est l’arrêt de la circulation des trains vers Paris. Pas de train sur la ligne C, ni sur la ligne D, apprend-on en arrivant à Ballancourt, quinze kilomètres plus à l’est. Ce fût une jolie promenade à bicyclette dans le crépuscule. Le compagnon blanc, la berce du Caucase, le sèneçon et plusieurs espèces de plantain bordaient notre traversée du plateau entre les deux vallées de la Juine et de l’Essonne.

Mais le retour s’annonce rude, embarqué à travers la banlieue en bus jusqu’à Evry où nous retrouvons les quais et les escalators bondés. Avec nos vélos, on s’est fait tout petit.


- Samedi 18 octobre 2014 -

Le froissement des feuilles, le cri du geai et le bonheur d’être là

La belle journée ! En arrivant sur le quai, nous remisons nos tricots dans les sacoches et dans la douce lumière nous nous laissons descendre vers la Juine. A l’entrée du jardin le rosier est à nouveau en fleur. Les soucis et la bourrache aussi.

Après les cueillettes du jour - salade, haricot vert, carottes, oseille, thym -, je m’accorde une sieste. Allongée sur une couverture dans l’herbe, je me laisse bercer par le froissement des feuilles d’arbres.

On entend tout près le cri du geai et de la corneille et plus loin, le moteur des avions de collection du musée de l’aviation de Cerny. La clarté a attiré les promeneurs du ciel ! De temps à autre, c’est le bourdonnement d’un insecte ou la chute d’un gland qui m’empêche de m’endormir. Je goûte au bonheur d’être là, de sentir l’humidité qui monte de la terre et la chaleur du soleil qui descend du ciel.

C’est un jour de relâche. Un jour sans urgence à regarder les branches d’arbres qu’il faudrait tailler afin d’améliorer l’ensoleillement des buttes, à faire la liste des herbes folles que l’on trouve le plus souvent : la renoncule rampante, l’oxalis, le mouron rouge, l’armoise commune, la consoude et la prêle. Elles poussent dans notre jardin parce qu’elles y ont trouvé un terrain adapté à leur croissance.

- La renoncule rampante -

En recherchant dans quel type de sol elles poussent à l’état naturel, elles vont nous renseigner sur ce qui se passe sous nos pieds. Gérard Ducerf, botaniste de terrain et paysan-éleveur-cueilleur de plantes médicinales est le spécialiste en France de la science des plantes bio-indicatrices.

Une plongée dans son encyclopédie m’apprend que les indésirables de mes buttes témoignent d’un engorgement du sol en matière organique, celle-ci ne parvenant pas à se dégrader correctement à cause de la désertion des bactéries aérobies, c’est-à-dire celles qui ont besoin d’oxygène pour se mettre au boulot. En voilà une énigme !


- Samedi 11 octobre 2014-

L’onagre, plante magique pour la peau et pour la terre

Comme nous voulions aller manifester contre le marché de libre-échange entre les Etats-Unis et l’Europe samedi après-midi, nous avons été au jardin dimanche. On n’a pas trop voulu croire la météo. Résultat : on a passé l’après midi sous la pluie.

D’abord une petite pluie qui nous a permis de ramasser des haricots, le premier potimarron, un chou-rave, des côtes de bette et de « glaner » des feuilles de salades, essentiellement de la roquette, du pissenlit et de la chicorée… qui poussent maintenant spontanément.

Une plante venue de loin aux multiples vertus

Puis à l’abri des trombes d’eau, j’ai détaché les gousses de graines de l’onagre, cette grande plante aux fleurs jaunes qui ne se dévoilent qu’à la nuit tombée. Ses fruits ont une forme allongée et leur enveloppe, constituée de quatre éléments, s’ouvre en séchant et laissent les graines s’échapper. Il y en a plusieurs dizaines dans chaque gousse et la fleur produit plusieurs centaines de fruits. Les graines sont minuscules. J’en ai rempli un pot à confiture !

Laisser les plantes comestibles se ressemer à leur guise s’applique à notre idée du jardin sans pétrole, mais prudence tout de même. Bien assez de graines se sont déjà échappées dans le jardin et sans doute plus loin, emportées dans l’estomac d’un oiseau.

L’onagre est arrivée d’Amérique au XVIIe siècle, involontairement, dans les sacs de terre qui servaient à stabiliser les navires et que les marins ont abandonnés sur le rivage en arrivant sur les côtes de l’Europe.

Les Amérindiens la cultivaient pour se nourrir et pour ses vertus thérapeutiques sur les contusions et les maladies de peau. Les guérisseurs du vieux continent en ont fait de même. De nombreuses études scientifiques sont venues ces dernières décennies confirmer que la présence des acides gras essentiels dans l’huile d’onagre soulage les inflammations cutanées.

Aussi ésotérique que cela puisse vous sembler, l’onagre, qui soigne notre peau, pousse sur les sols déstructurés et détruits par l’action de l’homme. Elle vient, là où elle s’installe, réparer et équilibrer le sol, soigner la peau de la terre. Notre pot de graine d’onagre est un trésor et nous en pilonnerons quelques graines au fond du bol que nous réservons à la sauce de salade !

Notre terre analysée

Quant à notre terre, un échantillon témoin est en route pour Marey-sur-Tille, village de la Côte-d’Or où se trouve le Laboratoire de microbiologie des sols créé par l’agronome et ancien chercheur de l’Institut national de recherche agronomique Claude Bourguignon et son épouse Lydia.

- La mâche et les radis noir ont pris racine ! -

Nous allons connaître les principaux indicateurs du sol : le taux de NPK – nitrate, potassium et phosphore – triptyque chéri des agriculteurs industriels car ils sont des éléments indispensables à la croissance des plantes, mais aussi le taux de calcium, magnésium, sodium, le PH qui correspond à l’acidité et la Matière Organique.

Enfin, c’est une mesure particulièrement intéressante quand on s’intéresse à la vie du sol que celle de l’activité biologique. Il faudra que je leur demande comment on établit une telle mesure !


- Samedi 4 octobre 2014 -

Le combat épique de la tétragone et des limaces affamées

Avec les haricots verts, le dernier concombre, les pommes de terre et les premières châtaignes, nous avons rapporté dans nos sacoches un kilo de terre de jardin. Nous l’avons prélevée en trois endroits différents et à dix centimètres de profondeur comme l’indiquait le laboratoire de microbiologie des sols !

Mais ni lundi, ni mardi, je n’ai eu le temps d’aller à la Poste. Prise d’un doute sur la capacité de survie de cette biodiversité invisible enfermée dans le sac de congélation depuis trente-six heures, j’ai téléphoné au laboratoire et j’ai appris que le drame pour ces formes vivantes du sous-sol est la lumière. Me voilà prévenue et prête pour un nouveau prélèvement. N’aurais-je pas pu y penser ?

Ce dimanche, nous avons ramassé les pommes de terre. Jean-Marie retourne la terre à la fourche bêche et les enfants s’exclament à chaque nouvelle apparition. La récolte est mince mais joyeuse, d’à peine un kilo par mètre carré ! Quatre fois moins que le rendement français qui se situe autour de quarante-trois tonnes à l’hectare !

- Le jardin, avec, à droite derrière la brouette, la nouvelle plantation de fraisiers. -

L’explication n’est pas loin : en guise de plants nous avons recyclé les pommes de terre qui germaient dans le placard et le mildiou a sacrément raccourci le cycle de croissance en détruisant les feuilles.

Nous aurions pu les laisser dans la terre tant qu’il ne gèle pas mais nous avons besoin d’un endroit pour repiquer les fraisiers nouveaux qui sont apparus à la fin de l’été. En effet, le fraisier se multiplie plus volontiers en fabriquant des tiges - les stolons – qu’en utilisant des graines qui, se trouvant sur les fraises, sont le plus souvent mangées.

Les stolons mesurent plusieurs dizaines de centimètres et accueillent des jeunes pousses. Celles-ci s’ancrent dans le sol en développant des racines qui donnent naissance à de nouveaux fraisiers. Nous en avons plus de quarante ! Ceux qui ont pris place sur la butte aux fraises sont maintenant trop près les uns des autres. Ceux qui l’ont quittée errent au milieu des ronces et du trèfle blanc.

Quelques heures plus tard, le carré des pommes de terre accueille vingt-quatre fraisiers. Avant de les planter nous leur avons plongé les racines dans une bouillie de compost. Puisqu’il faut les écarter de quarante centimètres, je profite de l’espace libre pour semer des graines d’épinard géant d’hiver.

- La tétragone, sorte d’épinard d’Australie, est enfin sortie de terre. -

Cette fois, la pluie annoncée et la température plus fraiche semblent mieux adaptées mais la lumière ne sera peut-être pas suffisante pour une levée cet automne. La germination des graines est chaque fois un mystère. Celle de la tétragone - sorte d’épinard originaire d’Australie - tant attendue a enfin germé. La plantule se fraie un chemin encore incertain dans la vie, en proie à la voracité des mollusques terrestres.

J’ai beaucoup moins d’empathie pour les limaces qui, phytophages, mangent la végétation et plus particulièrement les jeunes pousses. Un coup de couteau dans l’abdomen, je les abandonne sur place. Je leur planterais bien un écriteau « pour l’exemple » !


Samedi 27 septembre 2014 -

Les courges, la verticalité et les éclats du soleil

Chic, il pleut ce lundi matin et je pense aux semis qui bénéficient aussi, je l’espère, de la manne humide des cieux.

Samedi, nous avons quitté le jardin avec le soleil après cinq heures de jardinage intensif pour arroser les semis divers, les salades, le basilic, la ciboulette, les poireaux, les choux, les carottes, la rhubarbe, les haricots verts et les courges.

Pour être efficace, l’arrosage se prépare ! Il faut dégager les copeaux de peupliers qui servent de paillage et vérifier qu’en-dessous la terre ne s’est pas trop tassée. On s’en rend très bien compte en ôtant les herbes folles.

Après les haricots, nous donnons cette semaine de la verticalité aux courges. Leurs pieds ont rampé partout dans les allées et sur les buttes. Leurs vrilles s’accrochent autour des brins de ciboulette et des fanes des carottes, si bien que la lumière manque à tous.

- Les dernières courges arriveront-elles à maturité ? -

Je pars avec une petite scie vers la bambouseraie du centre équestre et constate avec plaisir qu’il me suffit de tirer d’un coup sec pour que les longues tiges se détachent de leur base. Les bambous sont secs mais pas encore fendus. Ils vont faire de magnifiques tuteurs pour les lampions d’Halloween !

Nous ne prenons pas le risque de bouger les pieds garnis de potimarrons et de courges Butternut. Elles sont trop volumineuses maintenant. Ce sont les pieds dont les fruits sont plus tardifs que nous dressons vers le ciel pour leur donner une chance de devenir mature en profitant au mieux de l’ensoleillement.

Une course contre la montre puisque chaque jour qui passe, c’est plusieurs minutes d’énergie solaire en moins pour nos légumes.

Déjà le voilà qui tire sa révérence, grosse boule orange qui filtre ses derniers éclats entre les troncs de thuyas.

- Jolie récolte ! De gauche à droite : une variété de laiteron spontané, des carottes, une courge Butternut, des haricots verts, de la salade et des fleurs de capucine, de la ciboulette et de l’oseille. -

Zut ! Nous avons oublié de faire un prélèvement de terre pour faire analyser les différents éléments minéraux et biologiques de notre sol.

Et mieux préparer la saison prochaine… Une courge, quelques haricots, de la salade, de la ciboulette et de l’oseille. Nous tiendrons bien jusqu’au panier le l’AMAP de mardi.


Samedi 20 septembre 2014

L’été qui s’achève a donné de l’élan aux haricots

On ne s’y attendait pas. En sortant de la maison, nous découvrons le boulevard jonché de feuilles de platane jaunies. Le vent les fait tournoyer dans l’air, tandis que l’humidité les entraîne vers le bitume. La pluie battante qui nous a fait renoncer au train de 11h17 a fermé la porte de l’été.

Tant pis, nous prenons le RER de midi et quand nous arrivons, un rayon de soleil nous accueille. Mais la fraîcheur est là et je n’envisage pas d’abandonner mon tricot sur une branche.

Les belles journées ensoleillées de septembre ont donné de l’élan aux pieds de haricots. Ils ont si bien poussé qu’ils se sont entortillés les uns aux autres. Dans cet entrelac inconfortable, le fleurissement qui annonce les premières gousses semble compromis. Avec précaution, dans des gestes amples et souples, nous détricotons leurs tiges que nous répartissons autour de différents bambous sur lesquelles elles s’agrippent immédiatement. A condition de les vriller dans le bon sens !

C’est Christophe Colomb qui le premier a rapporté des haricots en Europe au retour de son voyage à Cuba en octobre 1492. Par la suite d’autres explorateurs le découvrirent en divers autres points d’Amérique du Nord et du Sud, où le haricot était domestiqué depuis plusieurs milliers d’années. Acclimaté dans les monastères du sud de l’Espagne, il fût ensuite envoyé au pape à Rome qui le redistribua vers divers pays. Dont la France, par l’entremise de Catherine de Médicis, cousine des papes Léon X et Clément VII.

- Et la fleur devient haricot -

Dans Histoire de légumes, ouvrage collectif publié par l’Institut National de Recherche Agronomique, on apprend que l’association amérindienne haricot-maïs-courges que l’on redécouvre aujourd’hui, étaient pratiquée en France jusque dans les années 1950 ! Dans cette association, le maïs sert de tuteur au haricot à rame. La courge dispense le jardinier de désherbage et sert de paillage. Le haricot qui produit de l’azote fertilise le maïs et la courge. Belle association que nous n’avons pas encore essayée…

Cette année, à côté des haricots phénomène que nous apprécions car ils supportent de n’être ramassés qu’une fois par semaine, nous avons semé une variété curieuse, le haricot kilomètre, dont nous attendons avec impatience de voir les premiers fruits.

Ceux de la vigne, déjà malmenés par des cryptogames que nous n’avons pas identifiés, ont été totalement pillés par les merles et autres fructivores. Il ne reste plus un grain de raisin, rien que les grappes dénudées. L’année prochaine nous tâcherons d’être plus attentifs.

C’est une semaine de récolte. Ce n’est pas l’abondance, mais la variété de nos productions nous contente. Nous rapportons dans nos sacoches un chou rave, un beau bouquet d’oseille, cinq concombres et une poignée de cornichons, quatre carottes, des feuilles de poirée, de la ciboulette, du romarin, du thym, du basilic, de la salade et quelques fleurs de capucine.


Samedi 13 septembre 2014

Et dans la douceur du jardin assoupi, un passereau se mit à chanter...

« C’est par cet ascenseur que l’on descend sur le quai ? » me demande, étonnée, une amie qui nous accompagne au jardin, en arrivant gare d’Austerlitz.

« Ce n’est pas très pratique », je concède. Il faut cabrer la roue avant pour que l’arrière de la bicyclette ne bloque pas les capteurs optoélectroniques qui commandent la fermeture de la porte. Les ascenseurs ne sont pas dimensionnés pour accueillir des vélos. De fait, sans la législation sur l’accessibilité des personnes à mobilité réduite, l’arrivée sur le quai serait vraiment difficile.

Merci, chers élus, d’y penser. Le train + vélo est une idée simple à mettre en œuvre pour lutter contre les excès de CO2.

- Les framboisiers -

Le jardin a souffert d’une chaleur sans pluie. Les fragiles plantules des navets sont très clairsemées. Les framboisiers et les noisetiers portent des feuilles desséchées. Vite l’arrosoir ! J’arrose en urgence les jeunes plants de salade repiqués la semaine dernière et tous les semis d’automne. Une douce fraîcheur monte du sol.

Puis, j’attrape la fourche-bêche pour m’occuper des arbustes et jeunes arbres. La terre s’est tellement compactée à leur pied que les arroser directement serait un gaspillage d’eau. Nous avions pourtant bien préparé le sol au printemps, mais avec les pluies torrentielles de l’été, notre terre, qui contient une forte proportion de sable, s’est à nouveau tassée.

J’ameuble donc à nouveau, mon amie arrose un peu, j’ajoute une pelletée de compost, elle arrose cette fois copieusement, puis nous recouvrons le sol de copeaux de peupliers. Dix fois nous recommençons, pour chaque framboisier. Un coup de sécateur sur les tiges qui ont donné des fruits cette année.

Il ne reste plus qu’à attendre de voir comment ils redémarrent au printemps prochain. En dehors de trois pieds achetés à l’école du Breuil au printemps 2013, ce sont des arbustes récupérés cette année. Laissons-leur le temps de s’installer…

- Roitelet triple bandeau (Wikicommons /CC BY-SA 3.0/ Martin Vavřík) -

Des amis nous ont rejoints pour un déjeuner champêtre à l’ombre du saule des oliviers. Une odeur de sardine grillée nous enveloppe. Le pain coopératif de Montreuil, une salade composée de pommes de terre et d’oignons rouges des Trognons de la Nation, notre AMAP (association pour le maintien de l’agriculture paysanne), ainsi que les concombres et la ciboulette du jardin accompagnent les sardines. Les enfants cassent des noisettes ramassées sur le chemin.

L’après-midi s’étire dans la mollesse et les aller-retours pour remplir l’arrosoir et contenter les courges, haricots, carottes, choux, poireaux, les poirées…

Jean-Marie s’est endormi dans le hamac. Il est réveillé par le pépiement d’un roitelet triple-bandeau venu se poser à un mètre de lui. Ce passereau minuscule se nourrit d’insectes et d’araignées. On le reconnait à son bandeau noir-blanc-noir sur la tête.

Déjà le soleil a disparu derrière les thuyas. Nous ramassons de l’oseille, une belle courgette, quelques concombres, de la ciboulette et des herbes aromatiques et enfourchons nos vélos pour attraper le train de 19h09.


Samedi 6 septembre 2014

Le fistuline hépatique est un champignon délicieux

L’été indien se poursuit. Il fait si chaud ce samedi après-midi que nous délaissons la grelinette et la fourche à compost pour une promenade à l’ombre du sous-bois. Le pied de courgettes commence seulement à offrir ses fruits, mais déjà les champignons sont là. Des vesses-de-loup constellent le sol de leur boule blanche.

Nous trouvons plusieurs exemplaires d’un surprenant champignon qui pousse au creux des cépées de châtaigniers, le fistuline hépatique. Il est connu des amateurs sous les noms vernaculaires de foie de bœuf ou, plus souvent, langue de bœuf. Sa couleur et sa consistance sont plutôt celles du thon rouge mais le premier n’est pas menacé de disparition, même s’il est une des quelques espèces de champignon que le Muséum National d’Histoire Naturelle et l’association Noé conservation invitent à rechercher dans le cadre du programme français de science participative dit Observatoire de la biodiversité des forêts (OBF).

Il faudra que nous leur signalions sa présence dans la forêt sauf que, curieux de tout ce que la nature produit de comestible, nous les avons dégustés au dîner, coupés en fines lamelles crues arrosées de citron et d’huile d’olive !

- fistuline hépatique en lamelles, feuilles de menthe, citron et filet d’huile d’olive -

La fin de l’après-midi nous ramène vers le jardin et les semis de navets et de radis noir. Pour une fois, nous sommes raccord avec la lune : c’est un week-end « racine » indique le calendrier c’est-à-dire favorable aux semis des tubercules.

En regardant s’il y aurait assez de lumière pour les installer entre les choux, je découvre que les feuilles extérieures sont transformées en dentelle. Vertes et tachetées de noir, deux bandes jaunes sur le dos, les chenilles dévoreuses de choux sont de retour. Il y en a des dizaines !

Les jeunes escargots et de minuscules limaces se sont aussi invités au festin. J’enlève les chenilles une à une et les mets dans un petit récipient. Au creux des feuilles, des amas de billes vertes d’un demi-millimètre de diamètre nous inquiètent un peu.

- La chenille de la piéride de chou -

Ces chenilles sont celles d’un papillon blanc, la piéride du chou, dont nous avons déjà eu la visite l’année dernière. Nous n’avons jamais vu ses œufs d’un jaune citron pourtant visible. Nous profitons d’être là pour le week-end et préparons le soir dans la cocotte-minute une infusion d’orties, de prêle, de consoude et de tanaisie pour brouiller au mieux l’odeur de choux et éviter une nouvelle ponte de ce papillon qui peut se reproduire jusqu’à quatre fois par an !

En voilà un, joli papillon blanc, qui se dirige droit sur les choux... il faudrait aussi fabriquer un filet à papillons.


Samedi 30 août 2014

C’est la rentrée !

Retour au jardin après seize jours d’absence. L’herbe est haute et je peine à ouvrir le portillon. Que c’est beau ! Le vermillon des capucines voisine le vert sombre des choux pommés et les cosmos « blanc pur » avec le bleu pervenche de la morelle de Balbis (Solanum sisymbriifolium) (Photo du chapô).

Cette plante annuelle est proche de la tomate, elle aussi originaire d’Amérique centrale, mais bien plus rustique. Elle mesure jusqu’à un mètre cinquante et toute la partie feuillue est couverte d’épines. Nous attendons de voir les fruits de cette tomate dont la saveur sucrée et acidulée est un mélange de cerise aigre, de litchi et de tomate.

- Toutes les plantes ont trouvé leur place. -

Ce serait une consolation car nos tomates n’ont pas résisté au mildiou. En dépit de la protection rapprochée du basilic, des œillets d’Inde et des cosmos, les feuilles et les tiges ont toutes noirci et sont maintenant desséchées. Elles portent des fruits à la couleur indéfinissable de nuance verte et brune.

Ce tourment cryptogamique a aussi accablé la vigne, et les raisins ont mauvaise mine. L’eau et le manque de soleil ont en revanche fait le bonheur de l’oseille et des côtes de bettes, de l’arroche et des concombres. Six bien dodus sur un pied et trois sur l’autre. D’autres sont en pleine croissance, répondant à la promesse de son appellation : concombre Le Généreux.

- Les concombres Le Généreux -

Quelques courges, potimarron et butternut, ont fait leur apparition sur les longues tiges mais peinent à grossir à cause du manque de soleil. Leurs tiges courent partout sur et entre les buttes au risque de se faire écraser par une semelle de jardinier ! Les carottes projettent vers le ciel leur feuillage dentelé.

Les poireaux ne semblent pas avoir été pour l’instant visités par la mineuse. Je cueille le feuillage de la Tanaisie, cette fleur insecticide que nous avons introduite au printemps, et le répand près des poireaux. L’odeur est si forte que les mouches iront peut-être voir ailleurs.

Aujourd’hui, nous nettoyons au mieux, en ôtant tous les pieds de tomates malades que nous stockons dans un coin, à l’écart du compost, et nous nous attelons aux semis de salades d’automne et de navets. Le désherbage peut bien attendre ! Il faut profiter d’avoir encore des jours où l’ensoleillement est de plus de douze heures pour semer.

- Les choux et les capucines -

Quelques heures plus tard, nous repartons sur nos vélos avec dans mes sacoches de la salade, de la ciboulette, trois carottes, une courgette. Après le temps maussade du mois d’août, l’été arrive enfin sur l’Ile-de-France.

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