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Politique

La décroissance au cœur du deuxième débat de la primaire écologiste

Le deuxième débat de la primaire écologiste, mercredi 8 septembre.

Le deuxième débat entre les candidats à la primaire écologiste s’est déroulé mercredi 8 septembre. Parmi la multitude de sujets environnementaux évoqués, les cinq prétendants ont notamment échangé sur le concept de décroissance.

Ils ont enfin eu l’occasion d’échanger sur le climat. Les cinq candidats à la primaire du pôle écologiste – Delphine Batho, Jean-Marc Governatori, Yannick Jadot, Éric Piolle et Sandrine Rousseau [1] – ont débattu pendant plus de deux heures, mercredi 8 septembre, lors d’une émission organisée par LCI, Loopsider et Le Figaro. Quelques jours plus tôt, lors du premier débat public diffusé sur France Info, les discussions étaient restées en surface. Les questions des journalistes s’étaient focalisées sur le financement de la transition écologique et le nucléaire — en passant par une longue discussion sur la sécurité et la laïcité.

Cette fois-ci, les prétendants à l’investiture verte ont réellement pu échanger. Alimentation, agriculture, animaux, transports, fiscalité... Les cinq candidats ont été à même de débattre longuement sur différents aspects de l’écologie — même si, en fin d’émission, les journalistes n’ont pas pu s’empêcher de les questionner sur l’islam et l’immigration. Ils ont pu confronter leurs projets présidentiels, et un point de tension est apparu autour de la notion de décroissance [2].

Tous les cinq ans, des sujets jusqu’alors marginaux s’imposent dans le débat de l’élection présidentielle. Nous avions le revenu universel en 2017, porté par le socialiste Benoît Hamon ; accueillons désormais la décroissance, emmenée par l’ancienne ministre de l’Écologie Delphine Batho. Dans chaque interview, chaque prise de parole publique, elle l’affirme haut et fort : elle veut la décroissance en France. Et elle est la seule des cinq candidats à le faire de cette façon.

Delphine Batho est la seule candidate à prôner ouvertement la décroissance. Capture d’écran LCI.

« On parle du fait de ne plus baser les décisions sur l’obsession de l’augmentation du PIB [produit intérieur brut], a-t-elle dit. On parle du fait de remplacer comme boussole ce PIB par un indice de santé sociale, par le niveau d’éducation, par la réduction des émissions de gaz à effet de serre. » En développant son propos, elle a affirmé que la décroissance pouvait être financée... directement par elle-même. « Par exemple, si 9 milliards d’euros sont aujourd’hui mis sur les engrais, les pesticides, le burn-out des paysans, l’endettement des exploitations agricoles… On les prend et on les met sur l’agriculture biologique, qui produit une alimentaire saine et locale, n’empoisonne pas nos enfants, rend les paysans heureux et respecte la biodiversité. La décroissance, ce n’est pas de l’argent en plus. »

Elle a précisé quelques minutes plus tard qu’il ne s’agissait pas de demander aux personnes dans le besoin de se « serrer la ceinture », mais plutôt de s’interroger sur notre projet de société : « Est-ce qu’on pense qu’il n’y a pas de limites, qu’on peut continuer à consommer toujours plus d’énergies, de matières, remplacer une technologie par une autre ?, a-t-elle demandé. Ou est-ce qu’on doit organiser le retour à une empreinte écologique neutre ? »

La décroissance ? « Pas fan »

En face d’elle, l’économiste Sandrine Rousseau a estimé que ce projet n’était pas suffisant : « La décroissance sans un projet social, sans une réforme de la fiscalité, sans une réduction massive des inégalités, sans un contrôle des marchés financiers et un protectionnisme aux frontières, ça n’existe pas ». Elle plaide pour une réforme où les personnes les plus riches seraient davantage taxées, tout comme les transactions financières. « Ce système-là doit être encadré, a-t-elle poursuivi. À la fin je ne sais pas si ça fait de la croissance ou de la décroissance, ce n’est pas le sujet. Le sujet, c’est le partage des richesses. »

Mise à part Delphine Batho qui le répète régulièrement, le mot « décroissance » semble faire peur. Lors du précédent débat, le conseiller municipal de Nice Jean-Marc Governatori avait déclaré qu’il ne voulait pas l’employer, craignant qu’il ne soit pas « audible » par les millions de Français vivant sous le seuil de pauvreté. De son côté, le maire de Grenoble Éric Piolle a déclaré sur LCI qu’il n’était « pas fan » du terme. Toutefois, l’édile pense lui aussi que le PIB n’est pas un bon indicateur économique, et souhaite mettre en place un « ISF [impôt de solidarité sur la fortune] climatique », où les plus riches (et par conséquent les plus pollueurs) devraient participer davantage.

L’eurodéputé Yannick Jadot a voulu mettre fin à ce débat en rappelant que le terme « décroissance » avait, selon lui, été inventé pour s’interroger sur le sens de la croissance, et non pour en faire un objectif politique. « Je ne veux pas qu’on ait un débat théorique devant les Français où ils se perdent, je veux qu’ils comprennent que l’écologie va répondre à leurs problèmes du quotidien : pouvoir d’achat, accès à la mobilité, au travail... »

Écologie d’accompagnement ou changement de modèle

Durant plus de deux heures, les différences entre les candidats ont parfois semblé minimes. À d’autres moments, elle se sont imposées. Comme lorsque Yannick Jadot a déclaré qu’il voyait dans l’industrie d’automobiles électriques une solution et un espoir pour la France, et que Sandrine Rousseau lui a répliqué que c’était « typiquement une forme d’écologie d’accompagnement, et non de changement de modèle ». Selon elle, il faudrait plutôt repenser la question de la voiture individuelle, et réduire le nombre de véhicules sur les routes. Les échanges se sont déroulés dans une ambiance courtoise, comme lors du premier débat, même si Jean-Marc Governatori a de nouveau laissé entendre qu’il ne soutiendrait pas le vainqueur de la primaire, sous les rires gênés des candidats.

La promotion des voitures électriques ? « De l’écologie d’accompagnement, et non un changement de modèle », selon Sandrine Rousseau. Capture d’écran LCI.

Le prochain débat aura lieu le vendredi 10 septembre à 19 h 30 sur le site de Mediapart, avant le premier tour de la primaire, du 16 au 19 septembre. Le scrutin est ouvert à tous les Français de plus de 16 ans, à condition de payer deux euros et de signer une charte d’adhésion aux valeurs du pôle écologiste. Les inscriptions sont ouvertes en ligne jusqu’au 12 septembre. Le premier débat a d’ailleurs fait bondir de 10 000 personnes le nombre d’inscrits : ils sont désormais plus de 65 000.

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