La rénovation énergétique des écoles, un chantier « pharaonique »

L'État a annoncé le lancement d’un grand projet de « restauration écologique » du bâti scolaire (primaire et maternelle). - © Corinne Simon / Hans Lucas / AFP
L'État a annoncé le lancement d’un grand projet de « restauration écologique » du bâti scolaire (primaire et maternelle). - © Corinne Simon / Hans Lucas / AFP
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Énergie Politique Pédagogie ÉducationL’État lance un plan de rénovation énergétique des écoles. Le chantier s’annonce « pharaonique » et les élus locaux s’inquiètent de ne pas avoir été consultés. Ils réclament un état des lieux national.
« Il y a trop d’écoles qui sont des passoires thermiques, où les enfants se les gèlent, puis ont trop chaud. On va les rénover ! » Fin avril, Emmanuel Macron annonçait aux lecteurs du Parisien-Aujourd’hui en France le lancement d’un grand projet de « restauration écologique » des écoles, qui accueillent les enfants de la maternelle au CM2. Ce sera chose faite le 9 mai. Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, compte ce jour-là réunir tous les acteurs concernés – parlementaires, élus locaux, entreprises, Caisse des dépôts et Banque des territoires. L’objectif est d’avoir des résultats « concrets et tangibles avant 2027 », explique son entourage, qui a dévoilé les premiers contours de ce plan le jeudi 4 mai.
Contactées par Reporterre, l’Association des maires de France (AMF) et celle des maires ruraux de France (AMRF) s’étonnaient de ne pas avoir été informées ni conviées par le ministère à cette réunion. Le chantier s’annonce « pharaonique », prévient la première. Les quelque 49 000 écoles publiques représentent 50 millions de mètres carrés. Et ce sont elles qui consommeraient le plus d’énergie dans les communes, devant les équipements sportifs et les bâtiments socioculturels.
Il n’existe pas de diagnostic précis de l’état des écoles
« 60 % des écoles ont besoin d’être rénovées, pour un coût estimé de 40 milliards d’euros pour la seule rénovation thermique », avançait Laurent Jeannin, maître de conférences en science de l’éducation à l’université de Cergy-Pontoise, lors de son audition en février dernier par le Sénat dans le cadre de la mission « Le bâti scolaire à l’épreuve de la transition écologique ». Mais il reconnaissait qu’établir ce chiffre relevait d’un « vrai travail de fourmi » et de « l’artisanat ». Et pour cause, il n’existe aujourd’hui aucune méthode et aucun diagnostic précis de l’état des écoles.
« Il est dès lors impossible d’évaluer les besoins et d’établir un chiffrage précis. Un diagnostic, c’est la première chose que nous réclamons », dit Delphine Latails, maire de Périgueux et coprésidente de la commission éducation de l’AMF. Or le ministre doit dévoiler le calendrier, ainsi que le montant des financements alloués à la rénovation dès mardi prochain. La maire de Périgueux prend l’exemple de sa ville où une cartographie a été établie depuis quinze ans. « Il nous reste encore une quinzaine d’ensembles scolaires à rénover. Il faut compter trois millions d’euros pour une école classique, composée de cinq classes, avec local périscolaire, cantine, salle polyvalente, et cour désimperméabilisée. » L’AMF demande une enveloppe « nouvelle et dédiée » à la rénovation.
Les collèges et lycées ne seraient pas concernés
De son côté, le syndicat enseignant SNES-FSU espère que le plan ne sera pas réservé aux seules écoles élémentaires. « La situation du second degré étant particulièrement problématique, il serait incompréhensible de ne faire des annonces que pour le premier degré », note Cyril Verlingue, représentant syndical chargé du bâti scolaire. Selon lui, outre les enjeux thermiques, se posent aussi des enjeux sanitaires liés à la vétusté de certains bâtiments et à la présence d’amiante. « Si les établissements construits à l’époque de la IIIe République possèdent souvent des murs épais et sont donc un peu mieux isolés, ce n’est pas le cas de nombreux bâtiments construits ou rénovés dans les années 1960 et 1970. »
« Intégrer les collèges et lycées dans ce plan représenterait des milliards d’euros ! Pour un petit établissement, il faut compter déjà 10 millions », calcule Delphine Latails. Pour l’heure, le ministère renvoie les régions et départements qui souhaiteraient bénéficier d’aides pour leurs lycées et collèges vers le Fonds vert. En place depuis janvier dernier, ce programme de financement de deux milliards d’euros vise à accélérer la transition écologique des territoires. « À ce stade, 170 projets de rénovation d’écoles ont été validés dans plus de quarante départements, pour un montant total d’aides qui représente plus de 30 millions d’euros », détaillent les membres du cabinet ministériel.
« La stratégie schizophrénique de l’État »
Reste que les aides, quelles qu’elles soient, sont parfois difficiles d’accès pour les petites communes dépourvues de service dédié. Cédric Szabo, directeur de l’AMRF, rappelle que beaucoup de collectivités n’ont pas les moyens d’ingénierie pour gérer des chantiers d’une telle ampleur. « Face à la complexité, les petites communes ont besoin d’un accompagnement en amont pour la conception du projet. » L’AMF abonde dans ce sens en réclamant « un cahier des charges simple et souple pour que toute commune puisse répondre ».
Enfin, Cédric Szabo dénonce « la stratégie schizophrénique de l’État » : encouragés par diverses aides, des mairies engagent parfois de lourds et coûteux travaux de rénovation dans des écoles que l’Éducation nationale décide de fermer quelques années plus tard. Il cite ainsi l’exemple de la commune de Tramayes en Saône-et-Loire où la municipalité a dépensé 2,6 millions d’euros pour la rénovation complète de ses écoles primaire et maternelle en 2019. Or une classe pourrait bien fermer à la rentrée prochaine.