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Monde

La résistance à Trump s’organise sur les réseaux sociaux

Dès sa première semaine en fonction, le président des États-Unis a mutilé la recherche sur le changement climatique et s’est attaqué à la liberté de parole des fonctionnaires des agences fédérales. Mais la résistance a s’organise, notamment via les réseaux sociaux.

Le nouveau président paraît déterminé à instaurer le black-out de l’administration. Dès le 21 janvier, plusieurs agences fédérales ont reçu instruction par courriel de cesser de communiquer avec le public, que ce soit par le biais de communiqués de presse, de comptes officiels sur les médias sociaux ou autres. L’Agence de protection de l’environnement (EPA), ainsi que les ministères de l’Agriculture et de l’Intérieur, sont maintenant encadrés par des restrictions sur ce qu’ils sont autorisés à transmettre au public concernant leur travail, de recherche notamment.

Les responsables de la communication de l’Agence pour l’Environnement avaient ainsi reçu un mémo les informant que plus rien ne doit paraître sur les réseaux sociaux et qu’un nouveau stratège numérique viendrait les superviser. Ce projet a été suspendu, mais le 24 janvier, les sites web de l’EPA ont été mis à jour par l’administration Trump pour supprimer les liens et de nombreuses références aux programmes climatiques volontaires mis en place par l’administration Obama, y compris le plan d’action climat, les stratégies de méthane pétrolier et gazier et d’autres. Il semble également que les agents de l’agence supprimeront rapidement les références à des informations climatiques « non conformes ». Pour l’instant, le site reste actif, avec des modifications.

Les nouvelles restrictions imposées à l’EPA par l’administration Trump — y compris le gel des nouveaux contrats et des subventions, l’arrêt de nouvelles embauches et le blocage des communications extérieures — devraient « mutiler » l’agence, en provoquant une rupture entre les nouveaux arrivants politiquement conformes, et le personnel de carrière, un ralentissement de la productivité et le déclin de l’agence avec, probablement, une accélération des départs à la retraite des employés qui le peuvent.

Même chose au département de l’Intérieur et au département de l’Agriculture. Le site de la Maison-Blanche avait déjà été expurgé de toute référence au changement climatique. Les pages concernant les droits des gays, les droits civils et la santé ont également disparu. La page du changement climatique de l’administration Obama existe encore, mais a été transférée vers un site des Archives nationales.

La fronde s’organise sur Twitter

Face à ces restrictions de parole, de nombreux comptes alternatifs des agences fédérales sont apparus, @RogueNASA, @AltNatParkSer, @ActualEPAFacts, ou encore @BadHombreNPS. Ils se présentent comme animés par des employés de ces agences gouvernementales et ont rapidement réunis de nombreux abonnés qui suivent leurs Tweets critiquant Trump.

Ce sont les employés du Service des parcs nationaux qui ont lancé la fronde, avec l’ouverture d’un nouveau compte privé sur Twitter. Il s’oppose au président, dénigre la négation du changement climatique, et appelle à la manifestation annoncée par des scientifiques. Seul Twitter pourrait décider de fermer ce compte.

Le Badlands National Park avait tiré le premier en publiant des données sur le changement climatique sur son compte Twitter officiel, qui ont été rapidement supprimées. Le Parc national de Redwoods, en Californie, a ensuite tweeté que les forêts de séquoia peuvent contribuer à ralentir le changement climatique, et le Golden Gate National Park a suivi avec un tweet notant que, pour la troisième année consécutive, 2016 avait vu des records de chaleur. Le Parc national de la Vallée de la mort est sorti du thème du climat en tweetant, mercredi, les photos d’un prisonnier de camp d’internement japonais. Le même jour fuitait le projet de Trump d’interdire aux musulmans et aux réfugiés d’entrer aux États-Unis.

Le personnel de l’EPA a lancé lui aussi un compte Twitter alternatif, @AltEpa, pour refléter son opposition aux déclarations du président Donald Trump sur la politique environnementale et les autres activités administratives, à la suite des restrictions imposées à l’agence, y compris celles sur les médias sociaux et les communications extérieures.

Déjà 163.000 abonnés au compte twitter d’AltEPA. « Nous sommes vivement reconnaissants pour le soutien reçu ces derniers jours. Quelle tornade ! »

Le compte utilisé du logo de l’EPA barré du mot Rogue (fripouille).

La Nasa a déjà plusieurs comptes alternatifs, @RogueNasa, et @Alt_NASA, le Centre pour le contrôle des maladies et pour la prévention (CDC), basé à Atlanta, vient d’ouvrir le sien, @AltCDC.

L’un des comptes Twitter « alternatifs » de la Nasa. Épinglé : « Si (quand ?) le temps vient où la Nasa reçoit instruction de cesser de twitter/partager des informations scientifiques et sur le changement climatique, nous vous en informerons. »

Le département de l’Intérieur semble avoir aussi son compte alternatif, @InteriorAlt, qui indique représenter « la voix non officielle du département américain de l’Intérieur. Nous protégeons les trésors naturels de l’Amérique et dynamisons l’avenir. (Non subventionné par les contribuables) ».

Plus de quatorze administrations ont maintenant le leur, et le mouvement en général a aussi son compte, #twistance, créé par une stratège numérique Alice Stollmeyer, qui recense tous les comptes félons. Rien ne prouve qu’ils soient effectivement écrits par des employés du NPS, de la Nasa, de l’EPA. Certains de ces comptes ont d’ailleurs indiqué que, par crainte de représailles, ils sont maintenant contrôlés par des citoyens hors de la fonction publique.

Par ailleurs, plusieurs hauts diplomates du département d’État qui servaient sous l’administration de Barack Obama, ont donné leur démission, avant même qu’une nouvelle équipe ne prenne les rênes de la diplomatie américaine.
Le plus connu est le sous-secrétaire d’État Patrick Kennedy, sorte de superdirecteur des ressources humaines, du budget et de la sécurité, qui occupait ce poste depuis 2007 sous les gouvernements de George W. Bush et de Barack Obama.

Intimidation des journalistes

230 personnes ont été arrêtées lors de manifestations en marge de l’inauguration du nouveau président, à deux pas de la Maison-Blanche, à Washington, vendredi 20 janvier. Six journalistes qui couvraient le défilé, sans participer aux quelques dommages causés par des casseurs (vitrines brisées et une limousine incendiée), sont accusés de crime. Ils ont été libérés, mais risquent 10 ans de prison et 25.000 $ d’amende. Les audiences auront lieu en février ou mars.

« Des accusations criminelles, bizarres et inédites pour des journalistes ici, en Amérique, qui ont simplement fait leur travail, a déclaré Suzanne Nossel, directeur exécutif de Pen America. Ils n’étaient même pas au mauvais endroit au mauvais moment. Ils étaient au bon endroit. » Carlos Lauria, porte-parole et coordonnateur principal du Comité pour la protection des journalistes, a qualifié les accusations de « totalement inappropriées et excessives », et l’organisation a demandé qu’elles soient abandonnées immédiatement, car « cela pourrait constituer un message de menace aux journalistes qui couvriraient de prochaines manifestations ».


LES PREMIERS JOURS DE TRUMP : UNE ENTREPRISE DEMOLITION

Dans un discours prononcé jeudi 26 janvier, lors de la réunion annuelle des membres Républicains du Congrès, le président Donald Trump a défendu ses positions anti-environnement, anticommerce, anti-immigration, anti-Obamacare, avec une différence essentielle depuis qu’il a été élu : aujourd’hui les Républicains sont en capacité de faire la loi.

Non seulement Trump tient les promesses faites aux pétroliers, et a signé mardi 24 janvier des ordres exécutifs pour relancer les oléoducs Dakota Access et Keystone XL, mais l’administration commence discrètement à éviscérer l’héritage environnemental d’Obama. L’EPA doit geler toutes les subventions et tous les contrats recherche climatique, qualité de l’air et de l’eau vont passer à la trappe. Le nouveau président a aussi laissé entendre qu’il s’attaquerait bientôt aux normes d’économie de carburant.

Entouré d’un groupe exclusivement masculin, Trump a signé une décision qui rétablit une politique datant de Reagan, dite « de la ville de Mexico », qui retire l’aide états-unienne aux organisations qui aident à l’avortement, y compris par simple conseil. Le même jour, la Chambre des représentants a elle aussi passé une loi, retirant au District de Colombie (où se trouve la ville de Washington) de subventionner l’avortement de femmes à faible revenu.

La Maison-Blanche a également ordonné le gel de 62 règlements de la précédente administration, non encore publiés au Registre fédéral, qui vont de la levée de sanctions contre la Birmanie, à des règles de sécurité sur l’inspection des fuselages d’avions…

Sans aucune explication, le Centre de contrôle et de prévention des maladies a annulé une importante conférence sur le changement climatique prévue pour le mois prochain à Atlanta.

Donald Trump a retiré son pays du TPP et engage désormais des négociations bilatérales qui lui donneront plus facilement l’avantage.

Florilège

Revenant sur ses promesses de campagne, Trump refuse maintenant sèchement, malgré les sondages qui montrent qu’une majorité d’États-Uniens le souhaitent, de rendre publique sa déclaration d’impôts.

Trump a confirmé dans sa fonction le directeur du FBI, James Comey, qui avait attaqué Hillary Clinton sur ses courriels, lui faisant perdre des voix. Trump l’a chargé de la délicate enquête en cours concernant la possible influence russe sur les élections. Comey, en toute indépendance, devra scruter les communications entre des membres de l’équipe Trump et leurs contacts russes.

Dans son discours devant la CIA, il y a quelques jours, Trump a annoncé son intention d’aller prendre le pétrole iraquien car, explique-t-il, « le butin revient au vainqueur ».

Enfin, il a profité de sa première interview télévisée comme président, à ABC News, jeudi 26, pour dire qu’il croit que la torture fonctionne « absolument » et que les États-Unis doivent « répondre au feu par le feu ».

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