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TribuneÉconomie

Le commerce équitable, feuille de route pour une société plus juste

Pour affronter de futures crises comme celles du Covid-19, l’auteur de cette tribune estime nécessaire de reconstruire une nouvelle société notamment à l’économie plus juste. Dans cet objectif, les principes du commerce équitable sont un atout puissant.

Le mouvement FAIR[e] un monde équitable propose des pistes de réflexion pour que le monde d’après soit plus juste et solidaire, et en mesure de faire face aux crises à venir, notamment celle du dérèglement climatique.


La crise du Covid-19 jette une lumière brutale sur les vulnérabilités de notre société mondialisée. Initialement sanitaire, la voilà maintenant financière, économique, énergétique, alimentaire… Elle touche l’ensemble des populations de la planète, avec un effet démultiplié sur les plus démunis. Elle sonne comme un signal d’alarme : il est urgent de reconstruire une nouvelle société, résistante aux crises à venir. Elle passera inévitablement par une économie plus juste, fondée sur des modes de production bio et agroécologiques, des échanges équitables, une consommation consciente. Pour y parvenir, les outils du commerce équitable offrent une feuille de route à disposition de toutes et tous.

Si cette pandémie révèle l’importance vitale de la profession d’agriculteur.rice.s, elle met également en lumière sa fragilité face à de telles crises. En France, nos 450.000 agriculteur.rice.s ont continué à alimenter le pays. De même, ceux des pays du Sud, qui nous fournissent en denrées plus exotiques mais essentielles : le café, le thé, le cacao. En première ligne, ils et elles ont tenu malgré leur situation précaire : sous-payé.e.s, contraint.e.s d’accepter des règles incontrôlées [1], travaillant dans l’ombre, sans reconnaissance. La suite est connue : ils et elles quittent leur terre, changent de métier, et leur part dans la population diminue. Or, sans agriculteur.rice.s, le monde court à sa faim !

Dès aujourd’hui, des politiques publiques doivent valoriser ces métiers, en appliquant un principe du commerce équitable : rendre obligatoire la notion de prix minimum et rémunérateur dans les filières agricoles, fixé au-dessus des coûts de production, et incluant un panier de biens essentiels, comme le logement, l’éducation, l’alimentation, la santé. Le « prix rémunérateur garanti » est le seul outil économique qui protège des fluctuations de prix de nos matières premières, dictées par les marchés financiers. Dans cette crise, il agit comme un filet de sécurité.

Le seul critère géographique ne tient pas : dans cette interdépendance planétaire, c’est la solidarité à tout niveau qui nous sauvera 

Notre ennemi, c’est la précarité, qui n’a pas de frontières. Car, comment investir dans la transition écologique, quand on n’a pas les moyens de vivre dignement ?

La justice économique sera la clé de l’adaptation aux crises futures, de toute nature. Une juste rémunération permet aux agriculteur.rice.s d’investir dans des modes de production résilients, comme l’agroécologie, l’agroforesterie, ou la bio. Les organisations de commerce équitable en témoignent : pour produire sur le long terme, la clé, c’est de vivre en harmonie avec la terre et la vie qui l’habite.

Petronila Aguirre Lopes, membre de la coopérative APPTA au Costa Rica depuis 20 ans. Elle tient une cabosse de cacao.

Toutes les agricultures ne se valent pas. En charge de 30 % des terres cultivées mondiales, l’agriculture paysanne est à l’origine de l’alimentation des deux tiers de la population du globe, selon Oxfam. C’est bien cette agriculture de proximité, qui tisse de vraies relations entre le territoire et ses habitants, qu’il nous faut promouvoir ensemble. En France et ailleurs, elle s’appuie sur des exploitations plus petites, diversifiées, au service des besoins de leurs communautés, dans un esprit de sobriété. Les Amaps et les circuits courts ont prouvé leurs rôles déterminants dans la crise pour assurer notre sécurité alimentaire. Si une grande partie de notre production agricole doit être relocalisée, attention au repli sur nous-mêmes. Le seul critère géographique ne tient pas : dans cette interdépendance planétaire, c’est la solidarité à tout niveau qui nous sauvera. Le monde d’après devra évaluer les conséquences sociales et environnementales réellement positives pour tou.te.s.

10 % des personnes les plus riches qui accaparent 50 % des richesses mondiales : cela ne sera plus possible. Une économie au service de l’humanité ne se fera pas sans garantir une redistribution équitable de la richesse au profit de toutes et tous. Aujourd’hui, l’économie sociale et solidaire prouve qu’il est possible d’allier commerce avec redistribution, participation, bien-être collectif.

Nous, consommateur.rice.s, sommes appelé.e.s à prendre notre part de responsabilité de manière plus forte

La loi française sur le commerce équitable offre plusieurs outils, applicables rapidement, qui produisent des effets positifs et qui s’appuient sur l’engagement des acteurs économiques.

  • La coresponsabilité : des contrats commerciaux, sur trois ans au minimum, donnent aux agriculteur.rice.s une visibilité sur l’avenir et, pour les acheteurs et consommateurs, une sécurité sur les approvisionnements. Il s’agit d’un engagement de toutes les parties ;
  • L’obligation de transparence sur l’origine, les prix, les marges. Les entreprises engagées dans un commerce équitable en font leur spécificité, contrairement à celles du commerce conventionnel, qui cultivent l’opacité ;
  •  L’organisation collective et démocratique : une part spécifique, versée en plus par l’acheteur, est réservée aux projets communs décidés par la communauté. Elle repose, en France et à l’international, sur une vie démocratique forte. Au sud de la planète, les communautés locales l’utilisent pour investir dans des secteurs vitaux malheureusement défaillants, comme la santé, l’éducation, l’environnement… et construire une autonomie.

Mettre en place cette économie est possible : cela nécessite un engagement politique des acteurs économiques, qui retrouvent ainsi leur rôle au service de l’intérêt général.

La décélération forcée due au confinement nous a fait découvrir un autre mode de vie, plus sobre. Nous avons goûté au temps de manger et de cuisiner ensemble et avons renoué avec les principes de la slow food. Et c’était bon ! Dans l’ancien monde, la course au pouvoir d’achat ; dans le monde d’après, nous devons aller encore plus loin dans le pouvoir de nos achats.

Nous, consommateur.rice.s, sommes appelé.e.s à prendre notre part de responsabilité de manière plus forte. En privilégiant des modes de production bio et locaux, avec des échanges équitables, nous faisons individuellement un choix qui a du poids collectivement, qui façonne notre futur. Pour faire en sorte que nos velléités par temps de crise deviennent de vraies habitudes culturelles, un plan national d’éducation à la consommation consciente et responsable, des jeunes aux moins jeunes, serait bienvenu.

  • Sondage CONSOMMER-CONFINÉ.ES : Comment avons-nous consommé pendant le confinement ?, réalisé du 1er avril au 3 mai, via les réseaux sociaux, par FAIR[e] un monde équitable

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