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Déchets nucléaires

Le coût du projet Cigéo est porté devant le Conseil d’État

La décision de Ségolène Royal de fixer à 25 milliards d’euros le coût du centre industriel de stockage des déchets radioactifs est jugée illégale par plusieurs associations. Elles déposent ce jeudi 3 mars un recours devant le Conseil d’État. En jeu : la différence entre cette somme – très sous-évaluée – et le coût réel sera payée par le contribuable.

Après la centrale du Bugey, une autre installation nucléaire française se retrouve devant la justice. Plusieurs associations environnementales doivent en effet déposer aujourd’hui un recours devant le Conseil d’État au sujet de Cigéo, le centre industriel de stockage géologique des déchets radioactifs, envisagé à Bure (Meuse).

En cause : le coût du projet. Le 15 janvier dernier, la ministre de l’Écologie – devenue, depuis, ministre de l’Environnement par glissement sémantique – a pris un arrêté « relatif au coût objectif afférent à la mise en œuvre des solutions de gestion à long terme des déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à vie longue ». Seul projet envisagé pour cela, Cigéo, piloté par l’Andra (l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs), est ainsi évalué à 25 milliards d’euros à l’article 1 de l’arrêté signé par Mme Royal.

L’estimation de ce coût fait polémique depuis plusieurs mois. EDF, Areva et le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) – les exploitants nucléaires concernés par le financement du projet au titre de la production de déchets nucléaires – misent au plus bas, autour de 20 milliards d’euros. De son côté, l’Andra table sur 34,4 milliards d’euros, une estimation jugée par ailleurs optimiste par l’Autorité de sûreté du nucléaire (ASN).

Une estimation « à la louche »

Finalement, Ségolène Royal a décidé que ce serait 25 milliards. Un arbitrage « délirant » selon certains : « Elle a pris les deux chiffres et s’est arrêtée à la louche au milieu, mais plutôt en faveur des exploitants nucléaires ! » dénonce Florent Compain, président des Amis de la Terre. Quelques jours après la publication de l’arrêté, le directeur de l’ASN a publiquement exprimé ses réserves sur l’évaluation de ce coût, dont il confiait n’avoir pas connaissance des chiffres censés le justifier.

C’est en raison du manque de fondement du choix de ce chiffre de 25 milliards que l’arrêté est l’objet d’un recours en excès de pouvoir devant le Conseil d’État. Aux côtés du réseau Sortir du nucléaire (SDN) et des Amis de la Terre, d’autres associations comme France nature environnement ou Stop Bure 55 se sont joints à cette requête. La procédure devrait durer plusieurs mois avant d’aboutir à une audience.

Plan du laboratoire souterrain de l’Andra, à Bure, avec ses installations souterraines et ses installations de surface. Qui dissimule cependant l’étendue des galeries souterraines, qui courraient sur 300 km

« Du coût du projet dépendront les provisions que feront les exploitants nucléaires pour la gestion de leurs déchets, explique Marie Frachisse, coordinatrice des questions juridiques du réseau SDN, qui rappelle à ce sujet les dispositions de l’article L.594 du Code de l’environnement. Or, plus le coût estimé sera faible, plus les provisions seront basses. A la fin, dans ce genre de grands projets d’infrastructures, c’est toujours à l’État et au contribuable de payer l’addition. »

Du côté des Amis de la Terre, on s’offusque de l’absence de participation du public dans ce dossier. « La question du coût n’a jamais été soumise à consultation publique et la Commission nationale pour le débat public avait notamment regretté que cet enjeu ne soit pas évoqué lors du débat public sur Cigéo », rappelle Louis Cofflard, avocat et président des Amis de la Terre-Paris. Or plusieurs articles, tels que l’article 10 de la directive Euratom ou l’article 7 de la Charte de l’environnement, posent qu’il faut informer le public en cas de « décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ». Selon Louis Cofflard, « l’arrêté de Mme Royal est entaché d’illégalité. »

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