Le gouvernement veut 50 000 km de nouvelles haies d’ici 2030

Le gouvernement a annoncé un objectif de 7 à 8 000 km de nouvelles haies chaque année jusqu'en 2030. - © Moran Kerinec / Reporterre
Le gouvernement a annoncé un objectif de 7 à 8 000 km de nouvelles haies chaque année jusqu'en 2030. - © Moran Kerinec / Reporterre
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Le gouvernement a annoncé vouloir replanter 50 000 km de haies d’ici 2030. Les agriculteurs craignent que ce pacte ne freine les installations, tandis que les écologistes appellent à mieux protéger les haies déjà existantes.
Si l’on comptabilise aujourd’hui environ 750 000 km de haies en France, plus de 20 000 km ont disparu chaque année entre 2017 et 2021. Le gouvernement souhaite mettre « un coup d’arrêt » à cette détérioration grâce à un « pacte en faveur de la haie et de l’agroforesterie », présenté le 29 septembre. L’objectif, qui se veut ambitieux, serait de replanter 50 000 km de haies supplémentaires d’ici 2030, soit de 7 à 8 000 km par an (contre plus de 100 000 km perdus ces dernières années).
Les dégâts des remembrements entamés dès 1945 ont été colossaux, mais la destruction s’est également accélérée au cours de ces dernières années. Plusieurs facteurs expliqueraient ce désamour avec les haies, selon le rapport publié par le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) en avril 2023 : diminution continue du nombre d’agriculteurs, augmentation de la taille des exploitations et réorganisation du parcellaire, agriculture plus technologique « complexifiée par la présence d’arbres », hausse de la taille des troupeaux…
« La régression de l’élevage à l’herbe est en grande partie responsable de l’arrachage des haies », note le CGAAER, qui a mené des enquêtes sur le terrain. Il ajoute que « l’agriculteur perçoit souvent la haie comme une charge nette directe liée à la plantation et à l’entretien, sans en voir les bénéfices ».

C’est pour lever ces freins que Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture, et Sarah El Haïry, secrétaire d’État chargée de la Biodiversité, ont annoncé un budget de 110 millions d’euros dès 2024, en plus des financements publics déjà existants. Outre le soutien à la plantation de haies, le projet prévoit la création d’un observatoire de la haie « afin d’assurer un suivi quantitatif et qualitatif », une meilleure valorisation « des produits et services » issus des haies, une amélioration des dispositions législatives et réglementaires « de manière à mieux faire converger les règles agricoles (y compris politique agricole commune), environnementales et urbanistiques existantes ».
L’objectif de replantation est salué par la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), France Nature Environnement, WWF France et Humanité & Biodiversité. Cependant, ces organisations mettent en garde sur plusieurs éléments : « Au-delà des nouvelles plantations, il est indispensable de prioriser la protection et la valorisation des haies existantes, qui présentent les meilleures fonctions écologiques et agronomiques », écrivent-elles.
La crainte d’un « frein à l’installation »
Par ailleurs, elles s’opposent à un éventuel assouplissement de la réglementation sur la période d’interdiction de taille des haies ou à une simplification des procédures d’autorisation d’arrachage. Mais les acteurs rencontrés par le CGAAER ont souvent dénoncé « l’effet contre-productif » de la réglementation environnementale : « Si les témoignages recueillis restent partiels, la crainte qui en émane est que la “sanctuarisation” des haies constituerait un réel frein à leur réinstallation, même pour des agriculteurs motivés par la production de biomasse ou la valorisation de la séquestration de carbone : l’insécurité juridique ou le sentiment d’être traités comme des délinquants (intervention le dimanche d’agents de l’OFB, convocation au tribunal…) ont souvent été mentionnés. »
Le gouvernement semble avoir entendu ces plaintes, puisqu’il prévoit d’examiner « l’adaptation des règles de gestion et d’entretien de toutes les haies, notamment pendant la période de nidification des oiseaux dans le territoire concerné, afin de permettre certaines valorisations respectant la haie et les habitats ».
Simplification
Les Chambres d’agriculture se sont félicité de cette volonté de « simplification » de la réglementation dans un communiqué publié le 2 octobre. Elles estiment que l’agriculture doit être « rassurée sur la non-sanctuarisation de ses plantations comme sur le non-cumul de réglementations qui perdent l’agriculteur et peuvent amener à des sanctions disproportionnées ».
L’État proposera d’ici fin novembre des évolutions du dispositif législatif et réglementaire pour une mise en place d’ici au printemps 2024. Des évolutions qui risquent bien de susciter des conflits entre agriculteurs, exploitants du bois et défenseurs de la faune.