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Climat

Le mont Blanc a fondu de plus de 2 mètres en deux ans

Au-delà du mont Blanc, c’est tout le massif qui souffre du réchauffement climatique.

Le mont Blanc mesure désormais 4 806 mètres, soit 2 mètres de moins que lors de la dernière mesure. Une tendance à la baisse observée depuis les années 2000.

Le mont Blanc fondrait-il comme neige au soleil ? Il mesure désormais 4 805,59 mètres, d’après la mesure réalisée entre le 14 et le 16 septembre par une équipe de géomètres experts. Soit 2,22 mètres de moins qu’en 2021. Une tendance à la baisse observée depuis le début de ces opérations de mesure sur site, menées tous les deux ans depuis 2001.

Le toit de l’Europe est recouvert de « 30 mètres de glace et 2 mètres d’épaisseur de neige fraîche au sommet » a indiqué dans une conférence de presse le 5 octobre Denis Borel, président de la commission pour les mesures du mont Blanc 2023. De ce fait, « il est en perpétuel mouvement », a expliqué Jean des Garets, président de la chambre départementale des géomètres experts de Haute-Savoie.

Les dix-sept campagnes de mesure déjà réalisées ont ainsi mis en évidence des variations d’altitude d’une amplitude de près de 5 mètres. La position du sommet bouge aussi : elle se déplace sur une soixantaine de mètres le long de l’arête nord, et jusqu’à 9 mètres latéralement.

Le réchauffement climatique n’est pas forcément le coupable

Les géomètres répugnent à imputer cet effondrement de l’altitude du sommet du mont Blanc au changement climatique. Une réticence étonnante lorsqu’on sait que 2023 pourrait être l’année la plus chaude jamais enregistrée, selon le service météorologique, et que l’on bat des records de chaleur en cascade.

« C’est une mesure que certains voudront peut-être utiliser pour raconter n’importe quoi, a prévenu pourtant M. des Garets. A-t-on déjà eu des variations aussi fortes ? Oui, avec des baisses de près de 2 mètres entre 2001 et 2003 et de 2,69 mètres entre 2017 et 2019. Le mont Blanc pourrait très bien être beaucoup plus haut dans deux ans. » « À 4 800 mètres, il peut tomber 1,5 mètre de neige en une nuit. Les données ne sont peut-être pas encore suffisamment redondantes pour tirer des conclusions sur un éventuel réchauffement climatique à cette altitude », a abondé M. Borel.

M. des Garets a néamoins reconnu qu’ils « [n’étaient] pas des experts du climat » et que leur objectif était de « fournir une base de données techniques précise et fiable aux scientifiques, qui pourront demain procéder à des analyses plus pertinentes et fondées ».

La Mer de glace dans un état critique

Le glaciologue Luc Moreau, invité à la conférence de presse, s’est également montré prudent. Mais il a alerté sur l’échauffement du sommet du mont Blanc, où règne normalement un climat polaire – -15 °C de température moyenne annuelle. D’après les températures relevées au refuge Vallot, à 4 322 mètres sur l’arête ouest du mont Blanc, « il y a eu beaucoup de températures positives l’été dernier et cet été », a rapporté le scientifique. Il estime que la sécheresse des deux dernières années a sans doute aussi joué, en empêchant le renouvellement de la neige fraîche au sommet de la calotte.

La Mer de glace, située sur le versant septentrional du massif du Mont-Blanc, réduite à peau de chagrin, en juillet 2023. © Olivier Chassignole / AFP

Au-delà du mont Blanc, c’est tout le massif qui souffre du réchauffement climatique, a alerté M. Moreau. La Mer de glace et les glaciers des Bossons, de Bionnassay et de l’Argentière sont dans des états critiques. « Le glacier des Bossons a perdu presque 30 mètres d’épaisseur depuis deux ans. Comme vous le voyez par la fenêtre, il noircit de plus en plus : comme il est de moins en moins massif et de plus en plus lent, il évacue moins vite les débris de montagne », s’est-il alarmé.

Lire aussi : À Chamonix, le tourisme exploite un glacier agonisant

La prise de conscience reste difficile du côté des élus du mont Blanc. S’agissant de l’altitude au sommet, « cette mesure particulièrement symbolique ne reflète pas en elle-même l’ensemble de ce qui se passe en termes d’évolution climatique. Nous avons évidemment d’autres facteurs qui sont susceptibles d’intervenir au niveau des précipitations et du vent, avec une saison extrêmement ventée », a commenté Éric Fournier, maire de Chamonix.

Pour Jean-Marc Peillex, maire de Saint-Gervais, la mesure du toit de l’Europe « n’est pas un indicateur de quelque chose, simplement un chiffre pour montrer comment vit la montagne et comment elle respire ».

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