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Agriculture

Le prix de l’huile d’olive flambe à cause de la sécheresse

En 2022, l’Espagne a vécu sa plus mauvaise récolte depuis des années, avec une perte de 50 %.

L’olivier est un arbre rustique habitué aux chaleurs méditerranéennes. Il est pourtant affecté par les sécheresses qui s’enchaînent en Espagne, principal pays producteur. Une situation qui déstabilise les prix et la filière.

Dans les rayons des supermarchés, le prix de l’huile d’olive n’échappe pas à l’inflation. En août, le goûteux liquide était facturé en moyenne 20 % de plus qu’un an auparavant, selon l’indice des prix à la consommation de l’Insee. Une flambée qui va s’accentuer en septembre et, sans nul doute, dans les prochains mois, au regard du cours actuel des prix sur le marché de gros.

En cause : les conditions climatiques extrêmes qui ont entraîné une très maigre récolte d’olives lors de la saison 2022/2023 et une récolte qui s’annonce à peine meilleure cet automne.

Sur un an, le prix de l’huile vierge extra a plus que doublé

Cette situation touche un bon nombre de pays producteurs d’olives dans le bassin méditerranéen. L’an dernier, l’Espagne a vécu sa plus mauvaise récolte depuis des années, avec environ 650 000 tonnes d’olives ramassées contre plus de 1,3 million en temps normal, soit une perte de 50 %. « L’Espagne est le poids lourd du marché de l’huile d’olive. Si sa récolte est mauvaise, ça déséquilibre tout de suite l’ensemble du marché », explique Stéphane Angles, professeur de géographie à l’université de Lorraine.

Les Espagnols sont en effet les plus gros producteurs et exportateurs au monde. Ainsi, 96 % de l’huile d’olive que nous consommons en France est importée, essentiellement d’Espagne, et dans une moindre mesure de Grèce, d’Italie ou de Tunisie. Les 4 % restant sont produites dans des oliveraies tricolores.

« La production espagnole donne la tendance des prix, confirme Alexandra Paris, directrice de la communication à France Olive, l’association française qui fédère l’ensemble des acteurs de la filière de l’olive. Cette année, l’Andalousie, la principale région productrice, a été la plus touchée par les fortes sécheresses. On ne sait pas encore comment sera la récolte de cet automne, mais une chose est sûre, les prix ne vont pas baisser. »

Sur un an, le prix de l’huile vierge extra a déjà plus que doublé, passant de 3,75 euros/kg en août 2022 à 7,73 euros/kg en août 2023 (+106 %), selon les chiffres du Conseil oléicole international (COI). Même chose pour les prix de gros en Italie (+100 %) ou en Grèce (+108 %). Des tarifs inédits qui finiront par se répercuter plus ou moins fortement sur les consommateurs.

Une sécheresse printanière fatale au moment de la floraison

Avec les changements climatiques, la filière de l’olive souffre. « Les épisodes extrêmes (sécheresse, gel printanier, forte pluviométrie...) créent des situations de stress sur l’olivier affectant sa physiologie et par conséquent sa productivité », explique France Olive dans son rapport d’activité 2022. L’olivier est pourtant un arbre qui se plaît en zone semi-désertique, comme dans les pays du Maghreb.

« Il résiste bien à la sécheresse estivale, dit Stéphane Angles, mais on a eu une succession de phénomènes : d’abord une sécheresse au printemps, au moment de la floraison, alors qu’habituellement à cette saison, l’Espagne est traversée par des pluies, qui sont cruciales pour la culture de l’olivier. Puis des vagues de chaleur très fortes avec une très faible pluviométrie, donc peu de réserve d’eau dans les barrages et pas de possibilité d’irriguer. »

Avec les fortes sécheresses qui se succèdent, la filière de l’olive souffre. Unsplash/CC/Lucio Patone

Les dégâts sont d’autant plus inquiétants qu’il s’agit de la seconde année de forte sécheresse. Or les rameaux sur lesquels se forment les olives sont ceux qui ont poussé l’année précédente, explique Alexandra Paris. Quand les rameaux ne se développent pas normalement, la récolte de l’année suivante est touchée.

Des vergers ultramodernes avec dix fois plus d’oliviers

À l’origine, l’olivier est un arbre rustique, qui n’a pas besoin d’irrigation. « En Tunisie, par exemple, les variétés sont adaptées à la sécheresse, et les arbres poussent avec beaucoup d’espace. En Espagne, les plantations sont plus concentrées », note Alexandra Paris.

En effet, depuis les années 90, l’irrigation s’est beaucoup développée en Espagne, même si les oliveraies irriguées restent encore minoritaires. « Des vergers ultramodernes se sont implantés depuis une dizaine d’années, raconte Stéphane Angles. Les arbres commencent tout juste à entrer en production. Ces vergers s’apparentent à des haies fruitières avec des arbres plantés très serrés. »

Ces rangées permettent de mécaniser la récolte. Les producteurs utilisent des machines qui enjambent les arbres — sur le modèle de celles utilisées dans les vignobles — avec des pales pour secouer les branches et un tapis roulant qui récupère les olives. Le Maroc et le Portugal expérimentent eux aussi ce type de plantations haute densité. Ces vergers sont très productifs — « sur un même espace, on plante dix fois plus d’oliviers que dans une oliveraie traditionnelle », précise le géographe. Mais ils ont besoin d’être irrigués.

Pour Stéphane Angles, ces cultures présentent de nombreux inconvénients et sont loin de répondre aux enjeux du moment : consommation d’eau dans un contexte de raréfaction de la ressource, mais également disparition de nombreux emplois et remise en question de l’image de l’olive perçue par les consommateurs comme un produit culturel.

Des arbres fragilisés à la merci des maladies et parasites

Autre conséquence de ce manque d’eau et de ces brusques changements climatiques : la fragilisation des arbres. « Ainsi des phénomènes de dépérissement apparaissent, de plus en plus visibles et anormaux, causés par l’émergence de pathogènes opportunistes », constate France Olive.

Stéphane Angles pointe notamment les dégâts causés par la mouche de l’olive qui pond dans les olives, lesquelles finissent par tomber. Avec les chaleurs très précoces, cette mouche apparaît de plus en plus tôt. Et au lieu de deux ou trois générations sur la saison, les oliviers vont être affectés par quatre, cinq, voire six générations d’insectes, avec des récoltes extrêmement touchées.

« On risque de tomber dans un engrenage inquiétant, avec une remise en cause de tout le modèle économique sur lequel le marché de l’huile d’olive est construit », avertit le scientifique. Or, l’oléiculture fait vivre des millions de personnes en Espagne, en Grèce, au Maroc, en Tunisie…

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