Le solaire va grignoter de nouvelles terres agricoles

360 000 panneaux solaires ont été installés dans la Meuse. Ils vont alimenter le canton en électricité. Un éleveur y a installé ses moutons pour assurer l'entretien de la zone. - © Tom Grimbert / Hans Lucas via AFP
360 000 panneaux solaires ont été installés dans la Meuse. Ils vont alimenter le canton en électricité. Un éleveur y a installé ses moutons pour assurer l'entretien de la zone. - © Tom Grimbert / Hans Lucas via AFP
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Agriculture ÉnergieLes députés ont encadré mais surtout facilité le développement du photovoltaïque sur les terres agricoles. « Une menace énorme pour les sols », selon les élus écologistes.
« L’Assemblée laisse peser une menace énorme sur les sols », se sont inquiétés les députés écologistes. Dans le cadre du projet de loi sur l’accélération de la production d’énergies renouvelables, les parlementaires ont en effet voté, mercredi 14 décembre, une série de mesures pour encadrer le développement du photovoltaïque sur des terrains agricoles. Certes, il sera mieux encadré, mais surtout facilité, regrette l’opposition. Qui aurait souhaité que le solaire sur les toits et les friches soit priorisé.
Au cœur des débats, la définition de « l’agrivoltaïsme ». Cette pratique consiste en théorie à allier production alimentaire et énergétique. « C’est un outil d’adaptation au changement climatique », insiste Nathanaël Kasriel, de France Agrivoltaïsme, le syndicat du secteur. Concrètement, les panneaux solaires installés en plein champ sont censés offrir une ombre bienvenue aux troupeaux ou une protection salutaire aux vignobles exposés aux orages de grêle. Une dizaine de projets sont sortis de terre et environ 150 sont en développement, selon l’organisme.
Sauf que dans les faits, comme Reporterre a pu le constater lors d’une enquête, « certains ont fait n’importe quoi ». Serres photovoltaïques à moitié vides dans les Pyrénées-Orientales, projets urbains de « parc agrisolaire » abritant quelques moutons esseulés... Surtout, le terme a été largement récupéré pour vendre – et rendre acceptable – des projets solaires imposants sur des terres agricoles. « Ce mot ronflant d’“agrivoltaïsme” relève du marketing », dénonçait ainsi la Confédération paysanne dans une tribune. Il dissimule l’accaparement des terres agricoles par des sociétés de production d’énergie pressées de s’enrichir, sur le dos du monde paysan. »
« Ce mot dissimule l’accaparement des terres agricoles »
Il y avait donc urgence à définir la chose. Qu’ont décidé les députés ? Sont-ils tombés dans le panneau ? Ces installations devront permettre de maintenir ou développer « durablement une production agricole », et apporter au moins un « service » à la parcelle : « améliorer son potentiel », l’adapter « au changement climatique », la protéger « contre les aléas » ou « améliorer le bien-être animal ». La production agricole devrait rester « l’activité principale », et les installations être « réversibles ». Un amendement de députés Renaissance, adopté contre l’avis du gouvernement, prévoit même qu’une installation « agrivoltaïque » ne pourra se faire que si les toits des hangars ont déjà été équipés de panneaux [1]. En dehors de l’agrivoltaïsme ainsi défini – et facilité –, les fermes solaires seront fortement encadrées : elles ne pourront se faire que sur des sols « réputés incultes ou non exploités » depuis au moins dix ans avant la promulgation de la loi.
Une définition qui satisfait France Agrivoltaïsme : « Elle va permettre de clarifier les choses et de pousser les projets qui ont réellement un sens pour la production agricole et l’adaptation au changement climatique », se félicite M. Kasriel.
Les députés de gauche voulaient prioriser le solaire sur les toits et les friches
Du côté de La France insoumise, la députée Aurélie Trouvé craint un essor des projets « au risque de faire s’envoler les prix des terres agricoles, parce que la location de terres pour du photovoltaïque, ça peut rapporter 5 000 euros l’hectare ». Les parlementaires de la Nupes voulaient prioriser le solaire sur les toits et les friches, pour préserver au maximum les terres nourricières de la spéculation. Une autre inquiétude concerne les zones forestières : un article prévoit que les installations photovoltaïques ne pourront pas se faire dans les bois « lorsqu’elles nécessitent un défrichement »… sauf que cette interdiction ne concerne que les projets à partir de 25 hectares.
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« C’est une grande occasion manquée de mieux réguler le solaire et de le faire avancer là où il faudrait, regrette l’élue. Comme pour tout le reste du projet de loi, il n’accélère pas là où il faudrait — sur l’éolien en mer, le solaire sur les toits et les parkings — mais il libère une tonne de contraintes pour les entreprises avec le risque d’introduire le chaos sur le marché des énergies renouvelables. » Le texte sera voté dans son ensemble le 10 janvier prochain.