Les ONG climat réclament plus d’un milliard d’euros à l’État

Les ONG Oxfam France, Greenpeace France et Notre affaire à tous ont déposé le 14 juin 2023 une demande d'astreinte devant le tribunal administratif de Paris. - Twitter/L'Affaire du siècle
Les ONG Oxfam France, Greenpeace France et Notre affaire à tous ont déposé le 14 juin 2023 une demande d'astreinte devant le tribunal administratif de Paris. - Twitter/L'Affaire du siècle
Durée de lecture : 4 minutes
Trois ONG ont demandé le 14 juin à l’État le paiement d’une astreinte de 1,1 milliard d’euros pour inaction climatique.
Taper l’État au portefeuille. C’est ce qu’ont décidé de faire les ONG Oxfam France, Greenpeace France et Notre affaire à tous pour l’obliger à prendre les mesures nécessaires pour le climat. Elles ont déposé, mercredi 14 juin au matin, un mémoire et une demande d’astreinte devant le tribunal administratif de Paris. Elles demandent que l’État soit condamné à verser très exactement 1,102 milliard d’euros.
Pour calculer cette somme, les associations ont évalué le coût de l’inaction climatique. Elles l’ont estimé à 122 millions d’euros par semestre. Or, l’Affaire du siècle a commencé en décembre 2018, soit il y a neuf semestres. Une simple multiplication a permis de faire le calcul et de constater que le coût de cette inaction dépassait le milliard d’euros depuis le début de l’action en justice.
« Ce que l’on veut expliquer, face au gouvernement qui dit qu’il n’a pas les moyens, c’est que le coût de l’inaction est beaucoup plus élevé que celui de l’action », dit à Reporterre Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France. C’est d’ailleurs ce qu’indique le rapport rendu à la Première ministre en mai dernier par Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz. Il indiquait qu’« à long terme, au niveau mondial, le coût économique de l’inaction excède de loin celui de l’action ». Il a évalué à 34 milliards d’euros par an d’ici à 2030 l’investissement public nécessaire à la transition écologique.
Cette démarche est la suite de l’Affaire du siècle, cette action juridique qui avait mené à la condamnation de l’État pour inaction climatique en octobre 2021. Le tribunal administratif de Paris avait alors estimé que l’État avait dépassé son budget carbone — c’est-à-dire la quantité de gaz à effet de serre que la France peut émettre sur une période donnée. Il avait ordonné au Premier ministre d’alors de prendre « toutes les mesures utiles » pour réparer ce préjudice écologique. Le gouvernement avait jusqu’au 31 décembre 2022.
Le délai est désormais dépassé. Et pour les associations qui portent l’Affaire du siècle, « l’État n’a pas agi suffisamment ». Elles citent par exemple le dernier rapport du Haut Conseil pour le climat, qui considère l’action climatique de la France « insuffisante ». Ou le bilan de l’Observatoire Climat-Énergie qui établit que la France émet plus de gaz à effet de serre et consomme plus d’énergie qu’elle ne le devrait.
Pousser l’État à agir
Le but, avec cette nouvelle étape, est encore une fois d’inciter l’État à prendre des mesures, car « ce que l’on veut, ce n’est pas qu’il soit condamné, ce n’est pas qu’il paye une astreinte. C’est qu’il agisse », explique Cécile Duflot. Sinon, si l’État est condamné une nouvelle fois, l’astreinte devra servir à justement « financer ce qui ne l’est pas aujourd’hui », poursuit-elle.
Les associations demandent la création d’un fonds pour accueillir la somme, pour que l’argent finance directement des politiques bonnes pour le climat. Le risque est sinon que « l’État prenne avec la main gauche et mette dans sa main droite », craint Cécile Duflot. Par exemple, que la somme aille à l’Agence de la transition énergétique (Ademe), tout en remplaçant un budget habituellement attribué par l’État à cette agence. Les associations seront donc vigilantes.
Mais avant cela, le tribunal va se saisir de cette nouvelle demande et il faudra attendre plusieurs mois avant d’avoir des nouvelles. Cécile Duflot est confiante : « Au début de l’Affaire du siècle, personne ne pensait qu’on pourrait avoir une décision de condamnation au titre du préjudice écologique. »
Bien qu’elle n’ait pas encore poussé l’État à agir, pour les organisations qui portent l’Affaire du siècle, celle-ci a tout de même changé la donne. « Avant, l’État disait qu’il faisait ce qu’il faut, nous, on répondait que ce n’était pas assez. Maintenant, cela a été jugé à la barre d’un tribunal », rappelle Cécile Duflot.