Les candidats à la mairie de Paris confrontent leurs projets écologiques

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Politique MunicipalesMardi 25 février, cinq candidats à la mairie de Paris ont été interrogés sur leur programme écologique. D’après les militants présents, si certaines propositions sont intéressantes, elles ne sont pas encore suffisantes pour répondre aux enjeux du défi climatique.
- Paris, reportage
L’exercice ressemblait à un examen scolaire. Mardi 25 février, cinq candidats (ou représentants de candidats) à la mairie de Paris étaient questionnés puis jugés sur leur programme écologique par différentes associations membres de La Base — un lieu alternatif parisien se voulant le QG de la mobilisation citoyenne.
Seuls Danielle Simonnet (La France insoumise) et David Belliard (Europe Écologie — Les Verts) se sont déplacés en personne. La maire sortante Anne Hidalgo (Parti socialiste) était représentée par son adjointe à la Transition écologique, Célia Blauel, tandis que Gilles Mentré et Isabelle Saporta étaient présents respectivement au nom de Rachida Dati (Les Républicains) et Cédric Villani (candidat dissident exclu de LREM). « Nous au moins on est là, contrairement à madame Buzyn qui doit être sous une terrasse chauffée quelque part » [1], a d’emblée lâché Isabelle Saporta devant l’absence remarquée d’Agnès Buzyn, nouvelle tête de liste du parti présidentiel à Paris.

Les cinq rivaux étaient invités à débattre sur trois thèmes : les transports, l’alimentation et l’urbanisme. « La question de la qualité de l’air n’est pas qu’une question de changement climatique, c’est une question de santé, de vie et de mort, a affirmé en guise d’introduction Olivier Blond, président de l’association Respire. Qu’est-ce que vous allez faire pour protéger nos enfants ? »
Un constat partagé sur la mauvaise qualité de l’air à Paris
Les réponses diffèrent quelque peu selon les candidats. Gilles Mentré évoque la mise en place de capteurs pour mesurer la pollution de l’air, des purificateurs d’air dans un certain nombre d’écoles et l’installation d’un potager dans chaque établissement. Danielle Simonnet propose de piétonniser les abords des écoles et de développer des systèmes de pédibus, tout comme Célia Blauel. « On veut travailler sur les écoles qu’on a pu identifier comme les plus impactées, à la fois par l’étude Respire et avec les capteurs qu’on a posés en 2016 », précise l’adjointe à la maire sortante.
Mais David Belliard est le seul à donner un objectif précis, à savoir piétonniser les abords des 300 écoles les plus touchées par la pollution de l’air, « pour en faire des écoles 100 % piétonnes, 100 % cyclables et 100 % végétales ». De son côté, Isabelle Saporta élude la question des enfants et propose simplement de « réduire drastiquement la circulation » dans Paris. « Le constat qui est fait sur la pollution de l’air est partagé, et ça c’est nouveau, c’est important à souligner », se réjouit Adrienne Pernot du Breuil, membre de l’association Alternatiba Paris, même si elle regrette le manque de précisions des candidats.

À la question « Quelles mesures concrètes allez-vous mettre en place pour réduire le trafic routier par deux d’ici 2025 ? », les propositions se suivent… et finalement, se ressemblent. Gilles Mentré est le seul à afficher la prudence en affirmant qu’« on ne se débarrassera pas à 100 % de la voiture ». Il propose de créer un schéma de mobilités pour la ville de Paris, en réfléchissant à l’harmonisation des différents moyens de transports.
Des points communs sur la question de la réduction de la voiture
Ses concurrents sont plus catégoriques : « Aujourd’hui, les déplacements sont la première émission de gaz à effet de serre (GES) sur le territoire parisien, mais c’est aussi celle sur laquelle on agit depuis des années maintenant, et on atteint - 51 % d’émissions de GES sur ce poste-là en 2020 », défend Célia Blauel, qui évoque le bilan d’Anne Hidalgo : plan vélo, fermeture des voies sur berges, etc.
« Ce que voudrait Cédric Villani, c’est qu’on fasse un grand plan sur la Seine », explique Isabelle Saporta, arguant que les livraisons, qui représentent aujourd’hui environ 30 % des embouteillages à Paris, pourraient être faites par le fleuve. « Il faut surtout repenser l’aménagement de la région pour réduire les distances domicile/travail, avance Danielle Simonnet. Il faut œuvrer pour la relocalisation de l’activité là où elle fait défaut et faire en sorte que ceux qui travaillent à Paris puissent y vivre et s’y loger. »

Hormis Gilles Mentré, les candidats s’accordent sur la plupart des points : créer des zones ou quartiers apaisés (Anne Hidalgo et Cédric Villani), diminuer le nombre de places de parking (Anne Hidalgo, Cédric Villani et David Belliard), investir dans les transports en commun (Cédric Villani, Danielle Simonnet, David Belliard), créer le réseau Vélopolitain (Anne Hidalgo, Cédric Villani, Danielle Simonnet, David Belliard), piétonniser certains quartiers (Anne Hidalgo, Danielle Simonnet, David Belliard)… « Il n’y a pas une grosse démarcation entre les porteurs », note la militante Adrienne Pernot du Breuil.
Une offre d’alimentation plus locale, durable et juste
Interrogés ensuite sur les mesures à mettre en place pour soutenir les agriculteurs, restaurateurs et commerçants afin de proposer une offre d’alimentation plus locale, durable et juste, les candidats se démarquent. Gilles Mentré propose un fonds d’aide aux commerçants, Danielle Simonnet évoque un projet de coopérative agricole, Célia Blauel mentionne une plateforme d’achat pour les agriculteurs, tandis que David Belliard est pour la création de supermarchés coopératifs municipaux. Isabelle Saporta aimerait, elle, établir des contrats avec des paysans locaux. « Ce sont autant de mesures qui permettent de recentrer le pouvoir des agriculteurs, de le valoriser et de traiter avec des personnes locales », juge positivement Ulysse Gaignard, coordinateur à Greenpeace Paris.

Les candidats ont présenté leurs engagements pour intégrer les enjeux environnementaux, sociaux et sanitaires dans les cantines scolaires de la capitale. Gilles Mentré souhaite réduire le tarif maximal des repas et bannir le plastique des cantines. Il a évoqué la mise en place de circuits courts et d’une filière bio, sans chiffrer ses objectifs. Les quatre autres s’accordent sur la volonté d’offrir dans chaque restaurant scolaire une alimentation 100 % bio et locale, une alternative végétarienne par jour (Danielle Simonnet propose même une alternative végétalienne quotidienne) et de remunicipaliser les cantines (à l’heure actuelle, la gestion de certaines d’entre elles sont confiées à des entreprises externes, comme dans le 18e arrondissement).
« On peut continuer à mettre en place des référentiels qui permettent d’identifier les aliments qui ont un fort impact sur l’environnement, puis ajuster les menus », évoque David Belliard. « Nous voulons mettre en place un label "école végétale" pour que les caisses des écoles (autonomes dans les arrondissements) qui s’engagent le plus aient une subvention de la mairie centrale qui les accompagnent », développe Danielle Simonnet. Toutes ces propositions sont accueillies favorablement par les associations, même si elles attendent (une fois encore) plus de précisions sur la méthode à employer, et le budget nécessaire.
Davantage d’espaces verts et naturels pour mieux respirer dans la ville.
Sur la question de la densification de Paris, tous revendiquent la nécessité de créer ou développer davantage d’espaces verts et naturels pour mieux respirer dans la ville. Gilles Mentré souhaite sécuriser les bois de Vincennes et de Boulogne tandis que Danielle Simonnet, David Belliard et Isabelle Saporta évoquent des moratoires sur les projets de construction controversés (la Tour Triangle, la ZAC Bercy Charenton, etc.) « Il va quand même falloir continuer de construire, nuance Célia Blauel. C’est faux de dire qu’on peut tenir des objectifs de 25 % de logements sociaux en 2025 si on ne fait pas de constructions. » Tous les autres évoquent le besoin de modifier le plan local d’urbanisme (PLU) pour empêcher la « bétonisation » et « remettre de la nature en ville ».

« Je pense qu’on est au pays des Bisounours, critique Muriel Martin-Dupray, vice-présidente de France nature environnement Paris. Concernant les espaces verts, tout le monde est d’accord, il faut des espaces verts, c’est bon pour la santé, c’est joli, etc. Il faut rentrer dans le juridique, changer le règlement. On était un peu déçus de voir que derrière ces bonnes intentions, il n’y avait pas [d’éléments précis]. » Sur la question de la réduction de la publicité, les associations regrettent également un manque de précisions sur la méthode à employer.
Même si les militants saluent la présence de nombreuses propositions écologiques dans les programmes des candidats, ils sont catégoriques : il faut aller plus loin. « Le sujet de l’adaptation est un enjeu primordial aujourd’hui, qui ressort très rarement dans les discours, analyse Charles-Adrien Louis, co-gérant du cabinet de conseil B&L évolution. S’il y a vraiment des grosses vagues de chaleur parce qu’on n’a pas mis les espaces verts nécessaires, comment vont faire, pendant quatre mois dans l’année, les Parisiens ne pouvant plus vivre à Paris ? Qu’est ce que ça va créer comme déficit dans les caisses de Paris ? Ce sont des enjeux de long terme qui n’ont pas été exprimés par les candidats alors qu’ils étaient communs aux thèmes de la mobilité, l’alimentation et l’urbanisation. » Et de conclure : « Ils savent vers quoi ils veulent aller, mais ils ne savent pas du tout comment. »