Les décrocheurs de portraits de Macron : douze militants libérés après 24 h de garde à vue

Deux jours avant les municipales, des militants d’Action non violente - COP21 ont dévoilé des portraits « réquisitionnés » d’Emmanuel Macron aux abords de Élysée. Objectif : « faire le vrai bilan du gouvernement ». Douze activistes ont été interpellés, et sont toujours en garde à vue samedi matin, dont la porte-parole d’Attac et le président des Amis de la Terre.
• Actualisation - Samedi 14 mars, 12h20 - Depuis midi, les militants sont libérés les uns après les autres. Pas de charge retenue contre eux, apparemment.
• Actualisation - Samedi 14 mars, 9h30 - Au matin de samedi, douze militants écologistes et des mouvements sociaux étaient toujours en garde à vue dans les commissariat du 4e, 5e et 13e arrondissements de Paris. Il s’agit de :
4e :
. Fanny Delahalle, décrocheuse de portrait, ANV-COP21
. trois des initiateurs de la tribune des 1.000 scientifiques appelant à la désobéissance civile : Milan Bouchet-Valat (sociologue), Kevin Jean (épidémiologiste), Jérôme Guilet (astrophysicien)
5e
. Aurélie Trouvé : porte-parole d’Attac France
. Khaled Gaiji : président des Amis de la Terre France
. Vincent Versluys, décrocheur de portrait, ANV-COP21
. Hélène Charrier, activiste ANV-COP21
. Gaspard Fontaine, activiste ANV-COP21
13e :
. Priscillia Ludosky, Gilet Jaune
. Patrick Monier, porte-parole du Collectif Or de Question
. Hocine Yahiaoui, porte-parole du collectif algérien contre les gaz de schiste
Des rassemblements de soutien ont lieu devant chacun des commissariats.
- Vendredi 13 mars
- Paris, reportage
Ce vendredi 13 mars, deux jours avant le premier tour des élections municipales, les activistes d’ANV-COP21 donnaient rendez-vous à Emmanuel Macron devant l’Élysée, avec les portraits présidentiels réquisitionnés dans les mairies. Trois scientifiques présents ont été interpellés par les forces de l’ordre, ainsi que plusieurs activistes, dont Aurélie Trouvé, porte-parole d’Attac, Khaled Gaiji, président des Amis de la Terre, et Priscillia Ludosky, figure des Gilets jaunes.
Peu après 11 h, trois scientifiques signataires de l’appel à la désobéissance civile publié en février ont pris la parole : « Dans son discours sur le coronavirus, Emmanuel Macron a évoqué plusieurs fois les alertes des scientifiques : en matière de climat et d’effondrement de la biodiversité, cela fait des années qu’elles existent », s’est exprimé l’épidémiologiste Kévin Jean. « Le gouvernement a sciemment ignoré ces alertes, a-t-il dénoncé. Le Haut conseil pour le climat l’a épinglé, et en janvier le gouvernement a quand même revu à la hausse ses émissions de gaz effet de serre pour les prochaines années. Il continue aussi de promouvoir des technologies énergivores et superflues, comme la 5G. Emmanuel Macron est à l’opposé de ses beaux discours. » Avec lui, un sociologue et un astrophysicien — Milan Bouchet-Valat [1] et Jérôme Guilet — ont reçu des portraits réquisitionnés de Macron. C’est le moment qu’ont choisi les gendarmes pour interpeller les trois scientifiques, qui ont été emmenés dans un fourgon.

Plus tôt dans la matinée, la vingtaine de militants présents a été nassée par la police à l’entrée de la rue de Suresnes, près de la place de la Madeleine. Dans la nasse, trois portraits d’Emmanuel Macron ont été dévoilés, tête à l’envers. D’autres groupes ont mené des actions similaires à proximité de l’Élysée. Ainsi, des soignants mobilisés du collectif Inter-Urgences ont également récupéré un portrait de Macron. « Toute la journée, de nombreuses personnalités [se sont relayées] à différents points autour de l’Élysée pour passer en revue les différentes facettes du bilan d’Emmanuel Macron et de sa majorité LREM », a déclaré ANV-COP21 dans un communiqué. Parmi elles, la sociologue Monique Pinçon-Charlot, la Gilet Jaune Priscillia Ludosky, la fondatrice du Front des mères, Fatima Ouassak. Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne et éleveur dans le Jura a ainsi réclamé « des actes pour le monde paysan, pour changer les pratiques du monde agricole, répondre aux enjeux sociétaux et climatiques de demain. Emmanuel Macron n’est pas à la hauteur, il a signé le Ceta [accord de libre-échange avec le Canada]. »
« Macron affirmait hier qu’il fallait écouter en priorité la science, et aujourd’hui il arrête les scientifiques qui nous alertent sur la crise climatique, c’est un comble »
Des prises de parole qui ont donc été largement entravées par la présence de la police. Outre les scientifiques, plusieurs activistes dont Fanny Delahalle, décrocheuse lyonnaise, Aurélie Trouvé, porte-parole d’Attac, et Khaled Gaiji, président des Amis de la Terre, ont été arrêtés et placés en garde à vue. Un rassemblement de soutien s’est spontanément organisé devant le commissariat du 5e arrondissement où se trouvaient Mme Trouvé et M. Gaiji. En fin d’après-midi, lors de la dernière action, la Gilet jaune Priscillia Ludowski a elle aussi été emmenée au commissariat. Plusieurs ont été interpellés au moment-même où ils brandissaient un portrait.
« Macron nous affirmait hier qu’il fallait écouter en priorité la science, et aujourd’hui il arrête les scientifiques qui nous alertent sur la crise climatique, c’est un comble, a dénoncé Pauline Boyer, d’ANV-COP21, dans un communiqué. Face à l’urgence, cette politique du blabla est inadmissible : sanctionnons dans les urnes toutes les listes qui ne font pas du climat et de la justice sociale leur priorité ! »

« Emmanuel Macron a décidé de maintenir les élections municipales, alors nous nous devions d’occuper ce créneau politique pour faire le bilan de sa politique et de son inaction écologique, a déclaré Anne-Sophie Trujillo, décrocheuse de portraits et membre d’ANV-COP21. Hier soir, le président a parlé de mesures de rupture, alors on les attend. Il faut sortir du blabla gouvernemental. »
Pour Cécile Marchand, des Amis de la Terre, « des moyens sanitaires pour faire face à la crise sont débloqués par l’État, donc c’est possible de mobiliser des moyens exceptionnels, mais face à l’urgence écologique et sociale, le gouvernement refuse de mobiliser les moyens nécessaires ».
Depuis le 21 février 2019, 148 portraits du président de la République, Emmanuel Macron, ont été « décrochés » (et bon nombre d’entre eux « réquisitionnés ») à travers la France par des activistes.
- Regarder le portfolio de notre reportage :
- Carte des « réquisitions » et des « apparitions » des portraits présidentiels
La carte en plein écran est DISPONIBLE ICI