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Agriculture

« Les paysages comestibles sont la clef de voûte de la production alimentaire de demain »

Le pétrole va disparaître et il faut prévoir l’agriculture de demain, qui ne pourra plus reposer sur les combustibles fossiles. La permaculture, les forêts-jardins, les paysages comestibles sont les solutions de l’avenir. Elles existent aujourd’hui.

Designers en permaculture, Hugo Carton et Pascal Depienne sont membres de l’association Terre Paille et Compagnie. Ensemble ils lancent l’Arche de Néo, un projet de pépinière conservatoire en permaculture. Pour le réaliser, une campagne de financement participatif est en cours.


Reporterre - Qu’est-ce qu’une ’pépinière conservatoire’ en permaculture ?

Hugo Carton - C’est un lieu où l’on conserve, où l’on multiplie et où l’on redistribue des variétés d’arbres traditionnelles. Il en existe plusieurs centaines, des pommiers mais aussi des espèces moins connues comme le céanothe, mais la plupart ont été oubliées, abandonnées. Or elles sont souvent très rustiques, elles ne nécessitent pas d’intrants, elles produisent des fruits de très bonne qualité nutritive. L’arbre, c’est la pièce centrale de ce qu’on appelle en permaculture des « paysages comestibles ».

Par paysage comestible, on entend des forêts jardins, c’est-à-dire des systèmes de production qui imitent les écosystèmes forestiers, avec une grande diversité de plantes vivaces et nourricières. Ce type de paysages existait il y a cinquante ans en France, avec les haies bocagères par exemple. Ces systèmes se caractérisent par une production abondante pour travail minimum. Couplés à du maraîchage, les paysages comestibles sont pour nous la clef de voûte de la production alimentaire de demain, moins dépendante des énergies fossiles.

L’agriculture d’aujourd’hui est extrêmement dépendante du pétrole. Mais cette ressource, en plus d’être polluante, est limitée : le jour où il n’y aura plus de pétrole, comment nous nourrirons-nous ? D’après nous, la permaculture est une solution. Et donc notre idée, c’est de planter des paysages comestibles partout !

La permaculture s’adresse avant tout à des particuliers. Comment peut-elle être une alternative agricole à grande échelle ?

Bien sûr, la permaculture se pratique d’abord au niveau local, sur des petites parcelles. Par contre, si de nombreuses personnes s’y mettent, qu’elles soient jardinier ou agriculteur, elle peut devenir une vraie alternative. On peut imaginer des jardins partagés, des parcs publics et des petites fermes permacoles. Le paysage comestible, cela peut être un jardin forestier ou, à plus grande échelle, de l’agroforesterie. A Cuba par exemple, les systèmes mêlant arbres fruitiers, petit élevage, maraîchage et culture de céréales sont très performants d’un point de vue agronomique et écologique. Mais de toute façon, c’est un faux débat. Nous n’aurons bientôt plus de pétrole, donc il faut changer de modèle agricole.

En permaculture, pas besoin d’intrants, car on imite les fonctionnements naturels. Une forêt n’a pas besoin de pesticides pour prospérer ! Plutôt que de mettre des insecticides, on introduit des canards carnivores, qui mangent les insectes. Et puis on crée une mare, pour les canards, mais aussi pour attirer de nombreux animaux favorables au bon équilibre du système. Tout est lié !

La permaculture reste un système marginal. Comment la développer ?

C’est marginal certes, mais la permaculture est en plein boom ! Il faut mettre en place des structures pour l’encourager et la diffuser, comme des centres de formation. C’est un des buts de notre Arche de Néo : accueillir des stages et des chantiers participatifs.

Mais la pépinière répond aussi à une demande croissante : il y a des essences végétales particulièrement favorables à la permaculture, parce qu’elles participent au bon fonctionnement de l’écosystème. L’éléagnus par exemple, fixe l’azote dans l’atmosphère et le restitue au sol, en plus de produire des baies comestibles. C’est un très bon compagnon du pommier. Il est donc essentiel de préserver ces espèces. L’Arche de Néo sera une sorte d’îlot de sauvegarde des arbres de demain.

-  Propos recueillis par Lorène Lavocat

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