Les renouvelables indispensables, le nucléaire secondaire, selon l’Ademe

- Pixabay/CC/MariaGodfrida
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ÉnergieLes renouvelables sont essentielles, même avec une relance du nucléaire, indique l’Ademe dans deux rapports publiés le 24 février. Elles sont aussi moins gourmandes en métaux, et moins chères.
De l’électricité dans l’air, oui, mais laquelle ? Après la parution en novembre d’une large étude prospective baptisée « Transition(s) 2050 », l’Agence de la transition écologique (Ademe) a publié jeudi 24 février deux « feuilletons » complémentaires. Ceux-ci portent sur l’électricité et les matériaux qui permettent de rendre plus concrets les quatre scénarios de transition vers une société bas carbone en 2050, présentés cet automne. Quatre options, de la plus sobre avec quasi exclusivement des énergies renouvelables (dit S1) à la plus intensive, où le nouveau nucléaire viendrait en renfort d’une forte augmentation de la production d’électricité (S4).
Très attendu, le premier « feuilleton » porte sur le mix électrique associé à ces quatre scénarios, avec les puissances nécessaires pour chaque énergie et le coût global associé. Annoncé en janvier, beaucoup d’observateurs estimaient que le retard dans la publication était lié à l’annonce de la relance du nucléaire par Emmanuel Macron lors de son discours de Belfort, le 10 février. Mais selon David Marchal, directeur exécutif adjoint expertises et programmes de l’Ademe, « la parution a été décalée non pas tant en raison du discours, qui n’était ni anticipé, ni connu, mais dans l’attente du scénario de sobriété de RTE » publié le 16 février.
La version finale du volet électricité publiée le 24 février remet en cause la pertinence de la relance du nucléaire, et révèle les nombreuses vertus de la sobriété. Ainsi, le scénario de transition le plus sobre, baptisé « génération frugale » (dit S1) est le seul à devenir totalement neutre en carbone dès 2040.
70 % de renouvelables minimum dans le mix électrique
Dans cette perspective, la consommation domestique estimée en 2050 est portée à 408 TWh d’électricité (moins que nos 468 TWh actuels), avec un mix à 97 % renouvelables et un coût total de 1 045 milliards d’euros d’ici 2060. À l’autre extrémité, le scénario S4, dénommé « pari réparateur », inclut 16 GW de nouveau nucléaire (soit dix EPR) et coûterait selon l’Ademe 1 518 milliards d’euros d’ici 2060, pour presque doubler la production d’électricité actuelle, soit 50 % plus cher qu’un scénario sobre. Plus encore, le scénario intermédiaire « technologies vertes » (S3) reviendrait au même coût final entre une variante misant sur le nouveau nucléaire (10 GW de puissance supplémentaire, soit six EPR) et une variante tournée vers l’éolien offshore (24 GW).

Tous les scénarios tablent sur 70 % de renouvelables minimum dans le mix électrique, le nucléaire devenant portion congrue. C’est même dans le scénario impliquant la poursuite et la relance massive du nucléaire (S4), que les énergies renouvelables sont le plus massivement déployées : 144 GW de photovoltaïque, 63 GW d’éolien terrestre et 48 GW d’éolien offshore. Selon les scénarios, il ne resterait qu’entre 2 et 16 GW de nucléaire existant (61,4 GW aujourd’hui) et l’Ademe n’envisage au mieux que dix nouveaux EPR (16 GW). En revanche, même dans l’hypothèse la plus sobre, il faudrait multiplier par neuf les capacités en panneaux photovoltaïques, par trois celles de l’éolien terrestre et installer 14 GW d’éolien offshore.
Moins gourmand que la voiture de demain
Mais l’Ademe a également publié ce 24 février un second « feuilleton » : une étude inédite sur les matériaux nécessaires pour réaliser ces différents modèles de transition. Une analyse encore partielle, qui met toutefois en évidence que les premiers besoins pour construire l’avenir sont assez basiques : du béton, de l’acier, et dans une moindre mesure du cuivre, de l’aluminium et du verre. Et dans des quantités jugées « faibles comparé à la production française » selon l’Ademe.

Des questions se posent en revanche concernant des matériaux plus stratégiques : l’argent, le silicium pour le photovoltaïque, le titane pour le nucléaire, le lithium et certains métaux rares pour l’éolien offshore. Mais pour tous, les scénarios les plus sobres (S1 et S2) sont logiquement aussi ceux qui nécessitent le moins de ressources. Dans les énergies renouvelables, l’éolien terrestre induit la plus forte demande en acier et partage avec le photovoltaïque au sol les plus importants besoins de béton, quand le solaire sur toiture ne demande quasiment que du verre, de l’aluminium et du silicium. En installer plus pour répondre à de plus forts besoins en électricité demandera plus de ressources.
L’Ademe élargit également la focale en comparant les besoins du système énergétique dans son ensemble avec ceux des véhicules. Et quelle que soit la motorisation (électrique, hybride ou thermique), c’est bien elles qui engendrent les plus fortes consommations de matériaux, notamment en lithium, cobalt, nickel et graphite. Cette prédation est d’autant plus importante que le scénario est intensif, avec une échelle de besoins qui varie du simple au double entre le scénario de sobriété maximale (S1) et le plus énergivore (S4).
Le rapport aborde enfin la question de la sécurité d’approvisionnement, qui pour les renouvelables se pose sérieusement pour l’éolien offshore et les métaux nécessaires à ses aimants permanents, dont le marché est contrôlé quasi exclusivement par la Chine. À l’inverse, le silicium et l’argent (nécessaires au photovoltaïque) ne posent pas de difficulté majeure « dans la mesure où la demande reste inférieure à la part de la France dans le PIB mondial » (3 % environ). Alors qu’avec l’invasion de l’Ukraine, l’Europe se retrouve au pied du mur de sa dépendance au gaz russe qui représente jusqu’à 100 % des besoins de certains pays d’Europe de l’Est (22 % en France), il est bon d’avoir en tête qu’en plus de ses vertus écologiques et son coût réduit, la sobriété énergétique s’avérera probablement le plus sûr des choix géostratégiques.