Loi sur la biodiversité : quels sont les enjeux ?

Durée de lecture : 4 minutes
NatureLe projet de la loi « pour la reconquête de la biodiversité » est discuté ces jours-ci au Sénat. C’est une nouvelle étape pour ce texte dense et vidé en partie de ses ambitions.
« Doter la France d’une loi unique et exemplaire pour la protection de la biodiversité », tel est l’objectif de Ségolène Royal. La ministre de l’Écologie espère profiter de « l’effet COP 21 » pour donner à son texte un nouveau souffle. Un souhait partagé par les associations environnementalistes, qui attendent une « loi historique, à la hauteur des menaces ».
« Comme le chômage, la biodiversité va très mal, observe Alain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue de protection des oiseaux (LPO). À l’échelle mondiale, 60 % des services écosystémiques, comme la pollinisation, sont dégradés. » Destruction des milieux naturels, surexploitation des ressources, changement climatique... pour tenter d’enrayer cette sixième extinction de masse que l’on nous prédit, les parlementaires français devraient donc adopter un nouveau texte avant l’été 2016.
La loi en quelques dates
- 1976 : Adoption de la première loi pour la protection de la nature ;
- 2012 : François Hollande promet, lors de la Conférence environnementale, une grande loi de reconquête de la biodiversité ;
- mars 2014 : Le ministre de l’Écologie de l’époque, Philippe Martin, dépose le projet de loi à l’Assemblée nationale ;
- mars 2015 : Adoption en première lecture à l’Assemblée nationale ;
- août 2015 : L’examen du projet de loi par le Sénat est reporté ;
- 19 janvier 2016 : Le texte arrive au Sénat ;
- été 2016 : Adoption définitive du texte (du moins, c’est ce que chacun espère).
Après l’examen par les députés en mars dernier, c’est donc, depuis le 19 janvier et jusqu’au 26 janvier, au tour des sénateurs de plancher (avec une pause de vendredi à lundi). Depuis son vote au Palais Bourbon, le texte s’est enrichi (ou alourdi, c’est selon) de 537 amendements. Pour les associations, « le projet de loi n’est pas aujourd’hui à la hauteur ». Voici trois des principaux enjeux :
1. La création d’une Agence nationale de la biodiversité
« Il s’agira d’un outil unique, à même de protéger et de valoriser nos richesses naturelles », espère la ministre. Cette agence regroupera quatre organismes existants, dont l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (Onema) ou les Parcs nationaux. Elle aura pour objectif, à l’instar de l’Ademe dans le domaine de l’énergie, de mettre en œuvre des politiques de biodiversité sur l’ensemble du territoire.
Problème : l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), le plus gros opérateur en matière de diversité terrestre, ne sera pas intégrée à la structure. En cause, le refus des chasseurs, majoritaires à l’ONCFS, de diluer leur marge de manœuvre au sein de la future grande agence. « Sans eux, l’Agence sera unijambiste et manquera de poids », déplore Christophe Aubel, d’Humanité et biodiversité.
2. L’instauration d’une obligation de compensation
La loi instaure une « obligation de compensation écologique », pour tout projet d’aménagement nuisible. Concrètement, les opérateurs devront ainsi remplacer ce qu’ils détruisent à un endroit en recréant de la biodiversité ailleurs. Pour « faciliter » cette compensation en perte de biodiversité, le texte propose également la mise en place de « réserves d’actifs naturels ».
L’aménageur pourra désormais financer ces banques d’un nouveau genre, qui réinvestiront cet argent dans des projets de protection de la biodiversité. Pour les associations, le risque est immense de délivrer aux entreprises des « droits à détruire », voire de favoriser une financiarisation de la biodiversité. Ségolène Royal s’est engagée à la « plus grande vigilance afin d’éviter tout dévoiement ».
3. Le renforcement de la protection des espèces et des milieux
Malgré sa technicité, la loi biodiversité comporte une batterie de mesures très opérationnelles visant à mieux préserver les espèces et les milieux les plus fragiles. Le texte prévoit notamment l’interdiction du chalutage en eaux profondes. Pour les associations, il reste encore beaucoup à faire : interdire la chasse à la glu pour les oiseaux ou mettre en place un moratoire sur les pesticides néonicotinoïdes.
« Nous devons penser biodiversité chaque fois que nous agissons, conclut Benoît Hartmann, porte-parole de France nature environnement. Sinon, elle restera une variable d’ajustement. »
- Complément d’info : Présentation de la loi sur le site du ministère de l’Écologie.
