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TribuneÉnergie

Loi sur la transition énergétique : magie du verbe, mystère des chiffres

Le projet de loi sur la transition énergétique, élaboré après deux ans de consultations, est depuis une semaine examiné par l’Assemblée nationale en procédure d’urgence. Etude des chiffres avancés dans le projet, dont le flou laisse craindre la suprématie durable du nucléaire et le désordre en méthanisation.


On ne peut que se féliciter que cet engagement majeur de la campagne de François Hollande soit en passe d’être tenu. Mais la magie du Verbe de la campagne fait-elle vraiment sens quand l’heure est venue de passer à la loi ?

Dans le domaine de la transition énergétique et environnementale, les chiffres de la loi, dont certains sont issus directement du « verbe de la campagne » paraissent également difficile à interpréter. Prenons deux exemples.

La « composante nucléaire » de la loi de transition énergétique peut se résumer en deux chiffres : 63,2 GW (gigawatt) nucléaire de puissance maximum, 50 % de l’électricité produite d’origine nucléaire en 2025.

Une puissance nucléaire plafonnée à celle en cours aujourd’hui

En clair la puissance nucléaire sera plafonnée à 63,2 GW, sa valeur actuelle. De la même façon que la « limite de vitesse sur l’autoroute » à 130 km/h est devenue en pratique la « vitesse de référence », il est assez probable que cette valeur plafond va devenir pour de longues années la puissance globale du parc nucléaire français.

Vu les caractéristiques du nucléaire, techniquement difficile à arrêter et redémarrer, économiquement aussi cher à l’arrêt qu’en fonctionnement, il est également probable que, sauf révolution du mode d’exploitation dans les dix prochaines années, la production restera linéaire et stable et produira peu ou prou comme aujourd’hui environ 400 TWh (terawatt heure) année après année, en 2014 comme en 2025.

Si l’on suit le fil du projet de loi, ces 400 TWh devraient donc représenter 50 % de la production électrique en 2025, production qui s’élèverait donc a 800 TWh. Précisons que ce chiffre est en lui-même extraordinaire : 800 TWh représente 1,3 fois la production électrique allemande actuelle ou encore 2,5 fois la production d’un pays comparable à la France, l’Italie.

Une "transition" impliquant une augmentation de production électrique

Et surtout ce chiffre implique une augmentation de 43 % de la production électrique française actuelle. Oui une augmentation. Alors même que la loi fait de l’efficacité énergétique et de la diminution de la consommation d’énergie le cœur de son action, la froide réalité des chiffres conduit à imaginer une très forte augmentation de la production d’électricité en dix ans.

La loi envisage-t-elle, sans le dire, une France de 2025 où de très nombreuses consommations thermiques auraient été remplacées par des systèmes électriques, en particulier dans les transports ? On aimerait entendre un tel projet s’il existe. A défaut, il est à craindre que cette loi de transition énergétique ait préféré la magie du verbe à une quelconque transition.

Méthaniseurs : chiffres vagues et effets d’annonce

Autre exemple de chiffres dont le flou laisse tout à craindre. Pour combler une partie du retard français dans le domaine de la méthanisation, énergie renouvelable issue de la fermentation des déchets agricoles, la ministre évoque 1.500 méthaniseurs en 2020.

Louable effort quand on sait qu’aujourd’hui on n’en dénombre que quelques centaines face aux 9.000 méthaniseurs allemands qui ont une puissance moyenne de près de 400 kW (kilowatts) et représentent une puissance cumulée de plus de 3,5 GW soit presque quatre centrales nucléaires.

Aucune indication n’est donnée sur la puissance cible des méthaniseurs français mais actuellement le marché français, contraint par une réglementation complexe, s’est concentrée sur de petites installations, deux à trois fois plus petites que les allemandes, autour de 150 KW.

Le projet ministériel est-il donc de déployer 1.500 méthaniseurs de petite puissance, qui ne représenterait au final que 6 % de la puissance installée en Allemagne et resterait anecdotique ?

Ou la ministre est-elle prête à véritablement déployer massivement la méthanisation en France. Là encore, on aimerait que les chiffres viennent confirmer le verbe et ne laissent pas un sentiment de tour de passe-passe.

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