Macron veut placer un proche à la Commission du débat public

Marc Papinutti pourrait prendre la tête de la Commission nationale du débat public. - Capture d'écran @VINCIAutoroutes
Marc Papinutti pourrait prendre la tête de la Commission nationale du débat public. - Capture d'écran @VINCIAutoroutes
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PolitiqueL’indépendance de la Commission nationale du débat public est-elle en péril ? M. Macron a proposé que Marc Papinutti, l’un de ses proches, dirige cette instance pourtant « indispensable à la démocratie ».
Cette nomination ressemble fort à un retour de bâton. Emmanuel Macron a proposé qu’un proche collaborateur, Marc Papinutti, prenne la tête de la Commission nationale du débat public (CNDP). La vénérable instance, chargée d’organiser les concertations autour de grands projets d’aménagement, s’est dernièrement illustrée par une certaine pugnacité à l’encontre du pouvoir.
Son ex-présidente, Chantal Jouano, a plusieurs fois critiqué le mépris démocratique du gouvernement – lors du Grand débat national à la suite de la crise des Gilets jaunes, puis lors du débat public sur la relance du nucléaire.
Une fois le mandat de Chantal Jouano fini, en mars dernier, l’Élysée paraît donc vouloir reprendre la main — la décision doit encore être validée par les parlementaires. M. Papinutti n’est autre que l’ancien directeur de cabinet du ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, et de la Première ministre Élisabeth Borne. « Une autorité administrative indépendante ne peut pas avoir un président aussi proche du pouvoir », dénonce une source connaisseuse du dossier, sous couvert d’anonymat. Au sein de l’institution, l’inquiétude est palpable, selon les témoignages recueillis par nos confrères d’AEF info.
Au sein de la CNDP, on s’inquiète
Emmanuel Macron avait d’abord poussé pour que M. Papinutti dirige l’Autorité de régulation des transports (ART). Mais le haut fonctionnaire a fini par renoncer au poste car, comme l’a révélé Marianne, cette nomination « risquait de tourner à la mascarade ». Ex-directeur général des infrastructures, des transports et des mobilités au sein du ministère de l’Écologie, l’homme aurait en effet dû s’extraire de « quatre dossiers sur cinq, selon une analyse de l’ART elle-même ! » — conflits d’intérêts obligent.
Certains craignent le même problème au sein de la CNDP. Saura-t-il peser face à des dirigeants peu friands de démocratie participative ? Quelle sera sa position quand il s’agira de débattre d’infrastructures ardemment défendues par le gouvernement ? « Il n’est pas certain qu’il ait l’aura et la combativité pour défendre l’institution, alerte notre source. Tout cela pourrait ressembler à un enterrement de première classe de la CNDP. »
De moins en moins de concertation publique
Car cette annonce n’est qu’un énième caillou dans la chaussure du débat public. Dès 2020, le gouvernement avait limité le droit à l’information et à la participation des citoyens. Plus récemment, dans le cadre du projet de loi Industries vertes, le ministère de l’Économie entend « raccourcir les délais de passage devant la CNDP » pour les projets industriels jugés durables. « Une alternative pourrait être de les exonérer de passage en CNDP dès lors qu’ils contribuent à la décarbonation. » Autrement dit, des réacteurs nucléaires, des lignes à grande vitesse ou des projets de stockage du carbone, par ailleurs polluants ou destructeurs, pourraient sauter la case « concertation ».
« Ce n’est pas le débat public ou les recours qui retardent les grands projets, c’est surtout l’accès aux financements, rappelle Arnaud Schwartz, président de France Nature Environnement. Le temps de la concertation est un temps essentiel, et la CNDP est à ce titre une instance indispensable à la démocratie. »
« La CNDP est une instance indispensable à la démocratie »
Le militant écologiste s’est par ailleurs entretenu avec Marc Papinutti. À Reporterre, il explique avoir été « rassuré » par son échange. « Il partage notre volonté de défendre l’institution et son indépendance, et il est d’accord avec nos idées pour améliorer son utilité. » Parmi les pistes évoquées par FNE : obliger les porteurs de projet à plus prendre en compte les résultats d’un débat public – qui n’ont pour le moment rien de contraignant.
L’Assemblée nationale et le Sénat doivent désormais donner leur feu vert à la prise de poste de M. Papinutti. Mais les parlementaires ne pourront retoquer la nomination que si les votes négatifs représentent au moins les trois cinquièmes des suffrages exprimés. En décembre dernier, le nouveau président de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) avait ainsi été adoubé malgré les réticences de nombre d’élus.