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Énergie

L’Alberta brûle, mais poursuit sa ruée vers le pétrole

Plus de 800 000 hectares ont brûlé en Alberta en quinze jours. Ici, une forêt brûlée de la région de Wild Hay en Alberta, le 10 mai 2023.

La province pétrolière du Canada continue de brûler. En lice pour rester en poste, la Première ministre de l’Alberta, ex-climatosceptique, ne changera pas de cap : l’or noir continuera de couler à flots.

Montréal (Canada), correspondance

L’Alberta, surnommée parfois « Oilberta », compte pour 80 % de la production de pétrole du Canada. Si la province canadienne est ravagée par les incendies depuis quinze jours, et que certains feux dureront tout l’été, la course au pétrole, elle, ne ralentira pas. Et ce, alors que près de 60 % du volume de production du pétrole issu des sables bitumineux de l’Alberta se situe dans des zones à risque extrême d’incendie, selon le cabinet de conseil Rystad Energy.

La raison : la Première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, pro-pétrole et pro-gaz, pourrait rester en poste après les élections du 29 mai prochain. Lors de son élection en automne dernier, l’ex-animatrice de télévision et cheffe du Parti conservateur uni avait donné le ton, pas vraiment vert : « Nous ne verrons pas nos ressources enclavées ou notre énergie supprimée progressivement par des Premiers ministres qui veulent paraître vertueux. » Elle ciblait alors le Premier ministre du Canada Justin Trudeau, qui veut baisser les émissions de gaz à effet de serre de l’industrie gazière et pétrolière de 42 % d’ici 2030.

Près de 60 % du pétrole issu des sables bitumineux de l’Alberta (ici une mine d’Athabasca, dans le nord-est de la province) se situe dans des zones à risque extrême d’incendie. Wikimedia Commons/CC BY-SA 4.0/Dicklyon

Pour que son message imprime, elle n’hésitait pas par le passé à remettre en cause le réchauffement climatique et à relayer de fausses informations. Elle a par exemple diffusé une publication soutenant l’existence d’une possible « police climatique » mise en place par le gouvernement Trudeau. Elle laissait penser que les libéraux souhaitaient enfermer les Canadiens qui enfreignaient les réglementations environnementales.

Le gouvernement Smith ne brille pas non plus par sa transparence quant à ses échanges avec les barons de l’or noir, d’après une enquête du média The Narwhal. Il n’hésite pas à refuser aux journalistes des demandes d’accès à l’information, pour ne pas avoir à dévoiler le contenu de rencontres entre le gouvernement et les lobbies pétroliers et gaziers.

Les questions climatiques ? Pas à l’ordre du jour

La production de pétrole et de gaz compte pour 28 % des émissions de gaz à effet de serre du Canada. Mais même si les incendies restent en toile de fond des élections du 29 mai, les questions climatiques semblent s’évaporer lors des débats en cours avant le scrutin.

Au cours du dernier en date, entre Danielle Smith et sa rivale Rachel Notley, ex-Première ministre et cheffe du Nouveau Parti démocratique, « le sujet du climat ne s’est invité que dans un contexte économique », raconte Ian Austen, du New York Times. La Première ministre actuelle a asséné à sa concurrente que limiter les émissions de CO2 allait « forcément mener à une production plus faible de pétrole et à des revenus moindres pour la province ».

Car l’Alberta peut compter sur la bonne santé du secteur. L’année dernière, la production de pétrole brut en Alberta a dépassé le sommet de 2021, pour atteindre 1,4 milliard de barils, le double de 2010. Dopées par la guerre en Ukraine et la demande, les quatre principales entreprises pétrolières canadiennes ont vu leurs profits exploser. Suncor a doublé les siens l’année dernière. L’Impériale les a triplés. Plutôt que de changer de modèle, profitable en ce moment, la Première ministre s’oppose donc à une réduction des émissions et privilégie les méthodes de captation et de stockage du carbone.

Menacé par les incendies en cours, le pétrole n’est donc pas remis en cause. Le 22 mai, la province comptait encore 85 feux, dont une vingtaine hors de contrôle. 25 000 personnes ont déjà dû quitter leur domicile. 800 000 hectares sont déjà partis en fumée — en comparaison, les feux en Gironde ont brûlé 30 000 hectares l’été dernier.

De la pluie tombe un peu sur les brasiers ces dernières heures, le mercure redescend, soulageant près de 3 000 pompiers… Et les pétroliers, qui ne veulent pas revivre un nouveau Fort McMurray. En 2016, un immense incendie avait frappé la région, entraînant des pertes de production de sables bitumineux de 1 million de barils par jour. L’industrie n’est pas à l’abri d’un nouvel épisode du genre.

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